Sortie du combo Blu-ray/DVD : Trois pour un massacre de Giulio Petroni
Les éditions vidéo ont cette force de permettre une relecture toujours plus dense et riche de l'histoire du cinéma. Tepepa (on peut sans complexe oublier le titre français Trois pour un massacre qui est tristement hors de propos) rappelle que les chefs-d'œuvre du western italien ne sont pas tous connus à leur mérite. Inscrit comme un western zapata, autrement dit un western qui touche la question politique des luttes pour l'équité dans une société inique, Tepepa présente un récit qui évoque à plusieurs reprises la réussite ultime du genre signé Sergio Leone : Il était une fois la révolution (1971). En effet, il est ici question d'un duo antagonique entre un révolutionnaire et un européen, une histoire de vengeance, un recours régulier à des flashbacks en ralentis pour raviver la mémoire d'un traumatisme enfoui à l'origine de ladite vengeance, etc. Quant à la réflexion politique sur le sens de la révolution et sa confiscation par des intellectuels traîtres à la cause défendue, notamment « Tierra y Libertad », elle est une d'une brillante et ambitieuse analyse qui apparaît dans quelques tirades lancées par le héros éponyme jouée avec jubilation et conviction par un Tomás Milián très inspiré.
Il faut noter à cet égard la présence à l'écriture du scénario de Franco Solinas, qui a signé plusieurs scénarios des meilleurs cinéastes politiques des années 1960 et 1970 : Gillo Pontecorvo, Costa-Gavras, Joseph Losey pour n'en citer que quelques-uns parmi les plus connus. On ne s'étonnera dès lors pas de la portée politique du film qui donne encore le frisson quant à son compréhension profonde de ce qui s'est joué au Mexique durant la Révolution avec la figure historique de Madero qui a fait avorter les demandes de justice sociale et un Tepepa largement inspiré de Zapata en peon charismatique.
Dans ce rôle titre, Tomás Milián réussit à composer une figure aussi convaincante dans ses convictions politiques, trivial et léger dans son sens de l'humour, tragique dans sa destinée sans cacher non plus sa propension au machisme décomplexé qui causera sa perte car rien ne justifie de sacrifier une femme, sa dignité, son intégrité et sa vie au nom de la révolution avec toutes les valeurs humaines qui lui sont propres. L'acteur d'origine cubaine trouve encore une fois les ressources d'une brillante composition pour entrer dans ses rôles et cultiver toute l'ambiguïté de son personnage entre puérilité machiste et sens inné de la justice.
Toujours du côté du casting, Orson Welles compose une géniale crapule inhumaine mais dans l'excès de la caricature, l'artiste shakespearien ne prend pas forcément au sérieux l'intrigue politique dans lequel son personnage a été écrit. John Steiner est parfait dans son mutisme et son mépris de classe en ange blond de la mort.
Le scénario et la composition des acteurs est mis en valeur avec un montage dynamique qui réussit à donner de l'ampleur aux psychologies humaines des protagonistes d'autant plus fortes que les figurants comme les personnages secondaires semblent totalement abandonnés à eux-mêmes. Ce qui pourrait sembler un défaut de direction d'acteur.rices se révèle judicieux pour montrer la manipulation des foules à des fins politiques.
L'ensemble du film est porté par une composition originale d'Ennio Morricone dont les thèmes qui reviennent en leitmotiv accompagner et offrir une nouvelle densité magnétique aux personnages, offre un lyrisme sans égal. Une pure merveille du western européen qui rappelle à quel point l'humanisme du collectif prend un nouveau souffle à cette époque en Italie, au moment où de l'autre côté de l'Atlantique la vision idéologique de la construction des USA et de ses enjeux individualistes finissaient par étouffer le genre.
Agrandissement : Illustration 1
Trois pour un massacre
Tepepa
de Giulio Petroni
Avec : Tomás Milián (Maria Tepepa Moran, dit Tepepa, dit Tierra y Libertad), Orson Welles (le colonel Cascorro), John Steiner (le docteur Henry Prix), José Torres (Pedro El Piojo Pereira), Luciano Casamonica (Paquito), Annamaria Lanciaprima (Virgen Maria Escalande), George Wang (M. Chu), Paco Sanz (le président Madero), Clara Colosimo (un sergent), Giancarlo Badessi (un sergent), Rafael Hernández (Pedro), Paloma Cela (Consuelo), Angel Ortiz (Urelio)
Italie, Espagne, 1969.
Durée : 131 min
Sortie en salles (France) : 10 novembre 1971
Sortie France du combo Blu-ray/DVD : 5 juillet 2022
Format : 2,35 – Couleur
Langues : italien, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Artus Films
Collection : western européen
Bonus :
« Viva Tepepa » : présentation par Jean-François Giré (2022, 36’56”)
« Vive la révolution » : entretien avec Giulio Petroni et Tomas Milian (2022, 30’34”, VOST)
Intro alternative (4’04”)
Diaporama d’affiches et photos (3’12”)
Bande-annonce originale (2’54”, VO)