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Billet de blog 13 août 2018

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À l'ombre de Disney : un rêve amer

Dans la banlieue de Disney World, plusieurs enfants sont livrés à eux-mêmes. Moonee, du haut de ses 6 ans, n'est pas la dernière à multiplier les effronteries, ce qui inquiètent certains adultes, mais pas sa mère Halley.

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Illustration 1
"The Florida Project" de Sean Baker © Le Pacte

Au sujet de l'édition DVD : The Florida Project de Sean Baker

À l'ombre du rêve américain, toute une population sombre dans une déconsidération globale de l'ensemble d'une société qui avance selon l'idéologie que seuls les plus méritants ont leur place dans un pays qui prône la liberté d'entreprise sans entraves. Quoi de mieux que Disney World en Floride, cette ville-parc d'attraction pour figurer ledit rêve américain ? C'est la proposition de Sean Baker qui s'était illustré avec son précédent film Tangerine pour témoigner d'une population marginalisée de la société américaine où les héroïnes étaient deux prostituées afro-américaines transgenres. The Florida Project est un film jumeau de Tangerine, par ses thèmes et son esthétique hyperréaliste : là encore, en posant sa caméra au plus près des personnages et d'une architecture ultra kitsch de l'hyper consommation où le royaume du rêve est surjoué, à travers la mythologie disneyenne, le réalisateur est proche de la satire sociale propre à la comédie italienne des années 1970, où la gouaille des enfants n'a rien à envier à la faconde des acteurs italiens. La caméra est ici à hauteur de Mooney, 6 ans, et de sa bande, dans une captation documentaire pour tout ce qui concerne sa spontanéité, ses réactions par rapport aux diverses situations auxquelles elle est exposée. Le film partage également le point de vue de Bobby, le responsable et homme à tout faire de l'immeuble où logent Moonee et sa mère Halley. Son point de vue est d'autant plus pertinent qu'il permet d'avoir une vision d'ensemble tout en offrant le regard masculin sur un microcosme social où les enfants laissés à eux-mêmes deviennent ses propres enfants, dans une situation où la plupart des mères sont seules à élever leurs enfants. La bonne idée de Sean Baker a été de confier ce rôle à contre-emploi à Willem Dafoe, lui qui est habitué à jouer des personnalités explosives peu recommandables (cf. son inoubliable personnage de psychopathe sanguinaire dans Sailor et Lula de David Lynch). Là aussi, son personnage montre des failles, notamment dans sa relation avec son propre fils, mais reste la figure qui panse les plaies dans un monde dont toute projection avenir a été volée. Sean Baker a fait appel au chef opérateur le plus génialement expérimental au Mexique qui réussit à composer avec une limpidité hallucinante avec la lumière naturelle : Alexis Zabe, chef opérateur très inspiré des films de Carlos Reygadas et Fernando Eimbcke ! La plongée dans le monde des enfants est ici avec ces choix de prises de vue tout bonnement hallucinante, le spectateur étant partagé entre le plaisir de la spontanéité des enfants et le malaise du cadre dans lequel ils évoluent. Il y a un peu de Los Olvidados de Luis Buñuel dans cette peinture d'une enfance oubliée de l'Amérique, produit chéri de l'industrie disneyenne à deux pas deux là. Si la démonstration du propos se révèle un peu longue et répétitive, The Florida Project lance un pavé salutaire dans la mare d'une irresponsabilité politique d'un pays à l'égard d'une enfance sacrifiée en raison de son origine sociale.

Illustration 2

The Florida Project
de Sean Baker
Avec : Brooklynn Kimberly Prince (Moonee), Bria Vinaite (Halley), Willem Dafoe (Bobby), Valeria Cotto (Jancey), Christopher Rivera (Scooty), Mela Murder (Ashley), Caleb Landry Jones (Jack), Macon Blair (John)
USA, 2017.
Durée : 107 min
Sortie en salles (France) : 20 décembre 2017
Sortie France du DVD : 9 mai 2018
Format : 2,40 – Couleur
Langues : anglais, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Le Pacte
Bonus :
Making of (22’17”)
Bêtisier (2’50”)
2 interviews :

  • Sean Baker (12’)

  • Bria Vinaite (10’)

Bande-annonce

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