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Sortie de l'édition 4K Ultra HD + Blu-ray - Version restaurée 4K : Le Troisième homme de Carol Reed
Chef-d'œuvre incontesté de la carrière prolifique de Carol Reed tout autant que film culte traversant l'histoire du cinéma, Le Troisième homme (The Third Man, 1949) représente un moment charnière particulièrement perspicace quant à la perception géopolitique contemporaine du tournage laissant s'installer les tensions de la Guerre froide. Car ce film noir résolument expressionniste est à la croisée entre plusieurs conceptions du monde, faisant la synthèse d'une décennie marquée par le polar dont le cadre géopolitique dans une ville avait donné déjà Casablanca (1942) de Michael Curtiz, film qui pourrait être le frère jumeau aîné de celui de Carol Reed. Si Venise n'est pas le titre éponyme, la ville n'en est pas moins la véritable protagoniste, le film utilisant à merveille sa topographie, de jour comme de nuit, des hauteurs d'une roue, aux profondeurs des égouts, en passant par le pavé constamment mouillé de la nuit. Le film trouve une telle adéquation avec la ville, dans une approche réaliste qui respecte les langues originales des personnages, comme rarement Vienne a autant été magnifié par une production anglophone.
Cette image de la ville doit beaucoup à l'inventivité du chef opérateur Robert Krasker qui met sa caméra au service de la sensation anticartésienne d'appréhension du monde où des puissances sont prêtes à frapper. Trois décennies après les premières manifestations au cinéma de l'expressionnisme allemand, chaque séquence du film vient magnifier la grammaire de cette approche du monde qui a également fait le bonheur des mises en scènes shakespeariennes d'Orson Welles. Ainsi, la beauté des plans du Troisième homme témoigne d'une telle composition qu'elle pourrait encore être appréciée en faisant abstraction de l'intrigue.
Cependant, ce serait dommage car le scénario élaboré par Graham Greene comporte plusieurs éléments d'une intrigue à tiroirs qui fait du film un premier prototype du film d'espionnage qui allait trouver son héritage direct dans la saga James Bond, d'autant plus que plusieurs acteurs du film de Carol Reed figurent au casting tandis que Guy Hamilton et John Glen se retrouvent au générique de ce film alors qu'ils seront tous deux par la suite réalisateurs de plusieurs James Bond. On retrouve également au centre de l'intrigue deux figures antithétiques incarnant une vision du monde manichéen de la Guerre froide, sans oublier la mise en scène de la figure du séduisant méchant mégalomane et cynique.
Derrière ces enjeux géopolitiques du film noir, la beauté de l'intrigue repose sur la motivation des personnages autour de la question de la fidélité en amitié et en amour qui trouve son acmé dans le dernier plan final particulièrement audacieux pour l'époque quant à sa volonté de résolution bouleversant les schémas classiques des attentes spectatorielles avec une ironie grançante.
Autre magistrale trouvaille parmi tant d'autres est la composition musicale originale où le classique orchestre symphonique de cinéma est remplacé par une cithare, instrument de musique traditionnel localement déterminé qui vient successivement avec une même mélodie apporter sa lecture ironique mais aussi extrêmement dramatique au récit où évolue un personnage puni par sa crédulité. La cithare incarne à la fois une ville, un personnage mais aussi l'ensemble de l'intrigue évoluant au fur et à mesure et dévoilant les aspects les plus sombres de l'âme humaine encore difficilement déconstruite au sortir de la guerre.
Cette édition est réalisée avec une attention toute particulière à la fois par son packaging faisant de l'objet comprenant les versions 4K Ultra HD et Blu-ray du film ainsi qu'un livret, un document précieux. La restauration du film a été réalisée avec soin, rendant la part belle aux images prodigieuses et à la construction sonore élaborée. Les bonus témoignent de l'ambition de l'approche éditoriale en réunissant plusieurs heures d'entretiens avec des cinéastes contemporains comme Martin Scorsese qui révèlent ce qu'ils doivent au film de Carol Reed dans leur filmographie, des commentaires audio du film, les interviews d'époque de Joseph Cotten et de Graham Greene, des analyses historiques et thématiques : le tout constituant une mini bibliothèque autour du film ! Quant au livret du coffret, il est rédigé par un éminent spécialiste de l'histoire du Troisième homme.

Le Troisième homme
The Third Man
de Carol Reed
Avec : Joseph Cotten (Holly Martins), Alida Valli (Anna Schmidt), Orson Welles (Harry Lime), Trevor Howard (le major Calloway), Bernard Lee (le sergent PainePaul Hörbiger ( Karl, le concierge de Harry), Ernst Deutsch (le « baron » KurtzSiegfried Breuer (Popescu), Erich Ponto (le docteur Winkel), Wilfrid Hyde-White (Crabbin), Hedwig Bleibtreu (la vieille logeuse d'Anna)
Royaume-Uni – 1949.
Durée : 104 min
Sortie en salles (France) : 12 octobre 1949
Sortie France de l'édition 4K Ultra HD + Blu-ray - Version restaurée 4K : 6 novembre 2024
Format : 1,37 – Noir & Blanc
Langues : anglais, français, espagnol, portugais - Sous-titres : français.
Éditeur : StudioCanal
Bonus :
Noreen Ackland parle de sauver Le Troisième homme (extrait de l'interview audio du BEHP)
Commentaire audio de Guy Hamilton, Simon Callow et Angela Allen
Le Troisième homme : une référence pour les cinéastes
La restauration du Troisième homme
Introduction alternative (voix off de Joseph Cotten)
Tour de Vienne interactif
Le Troisième homme à la radio
Interview et interprétation à la cithare de Cornelia Mayer
L'Ombre du Troisième homme
Guardian NFT - interview de Joseph Cotten
Guardian NFT - interview de Graham Greene
Livret