À propos de l'édition DVD L’Aube du monde, d’Abbas Fahdel
L’Aube du monde est pour l’heure le seul long métrage de fiction d’Abbas Fahdel. Dans les documentaires qu’il a réalisés, il s’est intéressé au devenir de son pays d’origine, l’Irak, au moment où l’intervention militaire des États-Unis dans les années 2000 laissait davantage place à la destruction d’un État qu’à sa reconstruction. Homeland (Iraq Year Zero) son nouveau documentaire colossal (334 minutes) qui a remporté le Sesterce d’Or du festival Visions du Réel de Nyon en 2015, porte un titre qui révèle bien les intentions de son auteur face à sa filmographie. L’Irak est contraint à se réinventer au fil de son histoire, alors que ce territoire, selon la mythologie biblique, serait à l’origine de l’humanité, puisque l’on y situerait le Paradis de la Genèse. L’aube du titre exprime très bien cette ambivalence d’une fin-début d’histoire d’humanité. Dès lors, l’histoire est clairement métaphorique, délaissant l’approche réaliste du documentaire que le cinéaste connaît pourtant bien. Ce qui n’empêche nullement de parler d’événements historiques qui ont eu lieu et d’une région géographique localisée, bien que trop méconnue. C’est tout le drame de cette région irakienne oubliée de l’histoire, mais pas de ses bourreaux. En effet, la région des Marais en Irak, discrédité et méprisé par Saddam Hussein, a failli être anéantie parce qu’elle a accueilli les déserteurs irakiens de la guerre Iran-Irak et fut l’un des foyers supposés des insurrections de 1991 contre le régime baasiste. Tout cela s’est déroulé dans l’ignorance la plus totale de la communauté internationale rendue possible par le non-interventionnisme délibéré de l’armée américaine en 1991, plus prompte à défendre des puits de pétrole que des populations. De cette situation de désarroi total de cette région, le film en rend bien compte, davantage sous forme d’impression qu’en transmettant des informations. Car Abbas Fahdel, cinéphile convaincu et critique de cinéma, fait appel à diverses références cinématographiques (rien moins que Tarkovski, Bergman et Mizoguchi pour n’en citer que quelques-uns) pour alimenter et affermir ses premiers pas dans la fiction. Le village lacustre a été totalement reconstitué en Égypte avec des acteurs non irakiens parmi lesquels on trouve deux brillantes actrices à la renommée internationale : Hafsia Herzi et Hiam Abbass. Malheureusement, leur présence, si elle a certainement permis la coproduction du film, est sous-utilisée dans le film, comme si le cinéaste avait délaissé la direction d’acteurs au profit de la seule image cinématographique. Pour signer la bande originale du film, la présence de Jürgen Knieper, le compositeur inoubliable des films de Wim Wenders, n’est pas non plus anodine. Cela traduit en effet une fois de plus une envie précise de faire naître une œuvre de cinéma dans la lignée directe de grands maîtres. Mais le film souffre trop de ses références et de cette vénération, alors qu’il aurait pu davantage être nourri par l’expérience documentaire d’Abbas Fahdel. Il en résulte un film au scénario intelligemment travaillé mais qui pâtit de son manque de direction d’acteurs. Le sujet inédit et les choix de mise en scène volontairement cinématographique valent quant à eux largement le détour.
L’Aube du monde
d’Abbas Fahdel
Avec : Hafsia Herzi (Zahra), Hiam Abbass (mère de Mastour), Karim Saleh (Riad), Sayed Ragab (Hadji Noh), Waleed Abou El Magd (Mastour), Mahmoud Nagui (Zingi)
France, Irak, Allemagne - 2008.
Durée : 92 min
Sortie en salles (France) : 27 mai 2009
Sortie France du DVD : 24 août 2010
Format : 1,85 – Couleur
Langue : arabe - Sous-titres : anglais, français.
Éditeur : Éditions Montparnasse
site de l'éditeur : http://www.editionsmontparnasse.fr/p1276/L-Aube-du-monde-DVD