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Sortie DVD : Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev
À travers sa fascinante filmographie, Andreï Zviaguintsev a fait de la famille son obsession centrale, se concentrant sur ses différentes figures comme autant d’archétypes toujours incontournables pour la construction d’un individu à une époque prônant l’individualisme forcené et la mise à mort de la vie sociale. À travers cette vision universelle des archétypes, Andreï Zviaguintsev se fait également à la fois l’héritier d’Andreï Tarkovski pour ces plans hypnotiques d’un environnement qui traduit plus que ce que l’image laisse voir à première vue et d’Ingmar Bergman pour la plongée psychanalytique des relations passionnées entre individus qui s’aiment et souvent se haïssent. Faute d’amour réussit à faire cette brillante synthèse de ces deux univers apparemment hétérodoxes, reliant le macrocosme des relations humaines à travers le contexte social de la Russie contemporaine et le microcosme des relations de la sphère intime des individus pris dans leur sphère familiale, du moins ici ce qu’il en reste. La famille est ici détruite pour une raison tellement simple qu’elle peut être contenue en un intitulé de quelques mots : « Faute d’amour » un enfant disparaît et l’avenir de chacun des parents, bien qu’en théorie tourné vers l’amour, s’en trouve irrémédiablement dépourvu. Dans une Russie en guerre contre l’Ukraine comme le contextualisent les informations télévisées, l’amour est une idéologie qui n’est plus cours dans la realpolitik. Andreï Zviaguintsev se fait ainsi le portraitiste au regard affiné de la société qu’il connaît le mieux dans une texture esthétique glaciale, qu’il s’agisse de la neige, des gris du ciel, des intérieurs vieillis d’immeubles abandonnés ou d’appartement moderne dont le confort a évacué toute trace d’humanité. Ainsi, toute la mise en scène d’Andreï Zviaguintsev est ainsi mis implicitement au service d’un hors-champ social omniprésent ou plus explicite lorsqu’est présentée l’institution policière russe qui a totalement renoncé à sa mission sociale : à cet égard, l’investissement surprenant de l’association bénévole pour retrouver l’enfant disparu en dit beaucoup sur l’état de l’évolution du corps social en Russie et dans le monde en général où l’État-providence soucieux d’une société à soutenir à totalement renoncé à ses responsabilités pour n’être plus qu’un gestionnaire sans âme de grande entreprise. Cela fait froid dans le dos et pourtant Andreï Zviaguintsev ne sombre jamais dans le cynisme car il croit fondamentalement à ses personnages qui apparaissent dans toutes leurs contradictions aussi périlleuses pour eux que pour les personnes qui les entourent. Au sein de la gangue fruste de boue, se trouve une graine d’humanité prête à germer au cœur de ce drame de l’intime bercé par le cinéma de genre pour la partie enquête policière. Un film à voir aussi pour la foi en l’amour !

Faute d’amour
Nelyubov
d’Andreï Zviaguintsev
Avec : Mariana Spivak (Genia), Alexeï Rozin (Boris), Matveï Novikov (Aliocha), Marina Vasilieva (Masha), Andris Keišs (Anton), Alexeï Fateyev (le coordinateur volontaire), Sergeï Borisov (le policier), Natalia Potapova (la mère de Genia), Anna Gouliarenko (la mère de Masha), Artyom Jigoulin (Kouznetsov), Maxim Solopov (le père de Kouznetsov), Sergeï Badichkine (le copain de Boris au bureau), Tatiana Riabokone (l’agente immobilière), Evguenia Dmitrieva (la styliste)
Russie, France, Allemagne, Belgique, 2017.
Durée : 122 min
Sortie en salles (France) : 20 septembre 2017
Sortie France du DVD : 6 février 2018
Couleur
Langues : russe, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Pyramide Vidéo
Bonus :
Entretien avec Andreï Zviaguintsev
Analyse du film par Xavier Leherpeur, journaliste et critique cinéma