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Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Billet de blog 15 novembre 2022

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Entretien avec Marie-France Aubert, directrice artistique du FIFAM 2022

Marie-France Aubert orchestre en tant que directrice artistique la 42e édition du Festival International du Film d'Amiens qui se tient du 11 au 19 novembre. Au programme, des compétitions, des focus, des avant-premières, des invité.es, des films et plus largement le plaisir de se retrouver autour du cinéma.

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Cédric Lépine : Pouvez-vous rappeler vos responsabilités sur le festival d'Amiens ?

Marie-France Aubert : En tant que directrice artistique, j’ai pour mission de donner la couleur du festival, tout en s’inscrivant dans son identité et son histoire. Mon travail consiste à construire et coordonner une programmation, proposer une sélection de films pour la compétition internationale de courts et longs-métrages. Un festival c’est aussi et surtout une équipe, mon rôle est un peu celui de cheffe d’orchestre pour une circulation et une cohérence entre nous, entre toutes les facettes nécessaires d’un festival (administration, communication, régie, scolaires, bénévoles…). Cette programmation, qui implique aussi d’imaginer des invité.e.s particulier.ère.s pour des éclairages ou accompagner les séances, doit se faire en fonction d’une réalité, celle du budget. Chercher des financements privés ou publics, est une tâche qui fait aussi partie de mon travail. Un festival est un événement ancré dans la ville et dans un territoire, il est donc important de faire le lien avec les acteur.ice.s politiques et institutionnel.le.s de la ville. Ce lien s’exprime aussi avec un désir de développer des partenariats avec les structures et associations culturelles de la région.

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Marie-France Aubert © Jean-Marie Faucillon

C. L. : Quelles sont les enjeux et les valeurs que vous tenez à défendre autour de l'organisation de ce festival ?

M-F. A. : La diversité, l’engagement et la fête ! La diversité représente l’ADN du festival et c’est un trait qui je crois me correspond aussi. Le festival a toujours donné une fenêtre à des cinématographies peu diffusées, ouvrant les champs du regard et des écrans, il est important de continuer à suivre ce chemin. La diversité c’est aussi tendre vers les multiples voies du cinéma, montrer le plus possible ses visages si nombreux. C’est aussi embrasser le plus de cinéphilies et publics différents, leur accorder la même importance et rassembler autour d’une même passion. Cette démarche implique forcément un engagement. Le FIFAM a été créé sur une impulsion politique et militante, c’est un caractère qui se doit de rester vivace et qui j’espère traverse encore chacune des sections de cette édition.

Enfin, la fête car nous sommes ici pour célébrer le cinéma mais aussi pour se retrouver, se rencontrer. Cela permet de mêler équipes, publics et invité.e.s, dans une belle horizontalité conviviale afin de nourrir des liens et des réflexions pour et grâce au cinéma.

C. L. : Après Jean-Pierre Garcia, Fabien Gaffez et Annouchka de Andrade, comment fait-on pour maintenir une ligne éditoriale historique tout en proposant de nouvelles voies à explorer ?

M-F. A. : Je souhaite m’inscrire dans l’histoire prestigieuse et la tradition du festival, en conservant ses engagements, ses cinéphilies diverses au fil de ces années, en rappelant aussi l’importance du FIFAM pour les cinémas d’Afrique par la place que je leur accorde dans la compétition, la programmation et par un hommage au grand documentariste sénégalais Samba Félix Ndiaye qui a été invité au FIFAM par le passé et qui a eu un lien important avec le premier directeur artistique Jean-Pierre Garcia. J’y ajoute forcément ma touche, en terme de personnalité et de cinéphilie. La nouvelle voie que je propose peut-être est celle consistant à créer des ponts entre les disciplines et de nourrir des partenariats étroits avec différentes structures et associations culturelles. En effet, le cinéma se nourrit de multiples arts, il me semble donc intéressant de convoquer ces arts différents pour proposer des présentations diverses, offrir un regard d’ailleurs sur les films et animer les couloirs. Ainsi, le cirque sera présent avec une présentation performée de Freak Orlando, la BD en collaboration avec On a marché sur la Bulle, la musique avec plusieurs concerts liés à la programmation et d’autres encore…

C. L. : Pour les films en compétition, quel équilibre était-il important d'avoir et quelle vision du cinéma porte ces sélections ?

M-F. A. : Cette année, nous avons décidé de mêler documentaires et fictions, que tous les films soient placés sous le même étendard, celui du cinéma, et que les films hybrides, qui jouent avec cette frontière poreuse, aient pleinement leur place. Nous avons créé un comité de sélection pour avoir des regards multiples et différents. Nous avons surtout fonctionné aux coups de cœur, nous avons cherché à montrer des films de tous les continents afin de témoigner d’une grande variété de regards sur les sociétés, de multiples gestes de cinéma présents parmi la jeunesse d’aujourd’hui. Nous avons cherché à ce que la compétition embrasse le plus possible tous les goûts et les publics, qu’elle soit riche de genres différents, qu’elle soit aussi grave que légère et qu’elle montre des mises en scène différentes.

C. L. : Au moment où la fréquentation des salles est en crise depuis la réouverture des salles en 2021, quels seraient les nouveaux rôles à jouer de la part des festivals pour défendre la diffusion des films en salles et l'accueil du public ?

M-F. A. : L’envie de voir des films est toujours aussi vive mais il est vrai qu’un renouvellement de l’exploitation (et de son aide financière) est nécessaire aujourd’hui face à des changements d’habitude. Je crois que les festivals ont plus de chance, malgré le fait qu’ils ont été touchés aussi par la baisse de fréquentation suite à la crise sanitaire. En effet, un festival est un événement et c’est ce trait qui peut permettre peut-être de retrouver le public. Après les confinements, les fermetures, les personnes ont besoin je crois de se réunir, de se retrouver et de vivre des rencontres et de moments de convivialité. Les festivals se définissent ainsi et ce sont des caractéristiques à creuser encore plus aujourd’hui. Nous avons ainsi voulu cette année accompagner le plus de séances par des invité.e.s, proposer des moments festifs pour célébrer le cinéma et ces retrouvailles, pour offrir des moments où les festivalie.ère.s discutent des films et se mêlent aux invité.e.s avec plus de proximité, proposer des journées professionnelles rythmées par des tables-rondes et rencontres afin que le festival soit aussi un carrefour professionnel, un lieu où les différents métiers du cinéma puissent échanger et s’exprimer. Créer des passerelles entre les disciplines comme je l’évoquais plus haut tend vers cela aussi : certes nourrir les films de ces regards divers, par des prismes différents mais aussi ouvrir les salles à d’autres publics, d’autres passions.

C. L. : Pouvez-vous présenter les temps forts de cette nouvelle édition ?

M-F. A. : Nous sommes très fier.ère.s de recevoir Alice Diop pour une avant-première de son film Saint Omer et pour une carte blanche à cette cinéaste cinéphile et engagée. Ainsi que l’actrice Cécile de France pour une avant-première de La Passagère, en présence de la réalisatrice Héloïse Pelloquet et l’acteur Félix Lefebvre. Deux grandes femmes du cinéma !

C. L. : Comment se porte la production des films tournés sur le continent africain ?

M-F. A. : Le continent est vaste donc cela change d’un pays à l’autre et je ne suis pas forcément spécialiste mais je peux dire que beaucoup de jeunes cinéastes surgissent depuis quelques années et montrent à quel point les cinémas d’Afrique sont vivaces et pleins de promesses. Ces jeunes gens naissent avec le documentaire et se tournent vers la fiction, enrichissant le champs de leur travail et celui des cinémas du continent. Ce qui est intéressant, c’est qu’iels se lancent aussi dans la diffusion pour montrer des films dans leurs pays respectifs et dans la production de plus jeunes, ce qui montre une vigueur de plus en plus forte , en plus des coproductions déjà existantes. Les labs, festivals, écoles de cinéma fleurissent en parallèle.

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C. L. : Quels sont les soutiens financiers sur lesquels vous avez pu compter dans l'organisation du festival ?

M-F. A. : Comme d’habitude, la Métropole d’Amiens, la Région Hauts-de-France, le Département de la Somme, le CNC, la DRAC. Nous avons aussi le soutien de Titra Films et Ciné + qui dote les prix des films. Avec en prime cette année des aides privées : la fondation Crédit Agricole et la fondation Université Picardie Jules Verne.

C. L. : Quelle place accordez-vous au cinéma documentaire ?

M-F. A. : Le documentaire a une place très importante dans ma cinéphilie et dans ma vie universitaire et professionnelle. Le documentaire selon moi est un champ merveilleux pour penser le cinéma. Cela se ressent j’imagine dans cette édition au sein de la compétition mais aussi par sa présence dans les diverses programmations, en particulier la section ArchiVives, où nous montrons comment de jeunes cinéastes s’emparent d’images d’archives et les ravivent, comment i.els réactivent ce passé en créant des objets esthétiques et politiques, en créant un écho saisissant entre les luttes passées et présentes.

C. L. : Quels sont vos souhaits pour cette nouvelle édition ?

M-F. A. : Je souhaite de tout cœur que les spectateur.ice.s prennent autant de plaisir à découvrir cette édition que nous en avons eu en la créant. J’espère partager avec elles et eux cette joie et cette ébullition, j’espère qu’ils et elles se sentiront tous.te.s bienvenu.e.s.

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