Entretien avec Valérie Mouroux, directrice du département Cinéma de l’Institut français.
L’Institut français est à l’origine de la plateforme professionnelle la Fabrique des Cinémas du Monde qui est présent lors du festival de Cannes au sein du pavillon Les Cinéma du Monde. Cette année, 10 projets de jeunes cinéastes représentaient la cinématographie internationale. Le parrain de cette édition 2014 était Walter Salles.

À quelle étape se trouvent les films qui vous sont proposés ?
Par rapport à l’Atelier, nous accueillons des projets qui sont au début : les scénarios sont déjà écrits, les projets disposent déjà d’un producteur local mais dans 7 cas sur 10, les projets ne disposent pas de coproducteur international. Ils ont déjà fait des plateformes de coproduction de type EAVE [European Audiovisual Entrepreneurs] qui est d’ailleurs l’un de nos partenaires, ils se sont déjà rendus sur plusieurs forums à Berlin mais n’ont pas encore concrétisé leur coproduction. Nous nous inscrivons au sein d’un circuit de festivals et de plateformes professionnels qui leur permettent de conclure, du moins nous l’espérons, des coproductions avec la France et l’international en lien avec l’OIF, avec une ouverture sur le réseau européen.
En conséquence, les projets aboutissent nécessairement à des coproductions internationales ?
C’est du moins notre objectif et nous sommes heureux d’affirmer que depuis 2012, entre 60 et 80 % des projets ont signé des accords de coproduction. Nous avons des cas précis où des films ont trouvé ici leur coproducteur. Leur passage ici s’enchaîne avec tout une suite d’aides : les projets ont accès à l’aide des Cinémas du Monde, au World Cinema Found, au fonds norvégien, etc. Le film sort finalement renforcé pour parvenir à sa réalisation. Notre rôle consiste à mettre en relation les professionnels pour que les projets soient soutenus mais c’est ensuite à chacun de prendre ses engagements.
Quel est le lien entre le Festival de Cannes et l’Institut français ? Est-ce afin de profiter de l’opportunité de la présence des professionnels du cinéma du monde ?
C’est d’abord, en effet, parce que Cannes est le lieu où le marché international se réunit : il n’y a donc pas de meilleur plateforme qui soit pour pouvoir se positionner sur un marché international. Sur une dizaine de projets, nous avons 8 premiers longs métrages avec des producteurs qui sont encore très jeunes dans leur carrière. Nous organisons des training qui permettent aux porteurs de projets de rencontrer les acteurs clés de l’industrie cinématographique. Ils ont rendez-vous avec de nombreux représentants de fonds européens. Ils rencontrent tout le festival de Cannes : les représentants de la Cinéfondation, du Marché du Film, de la Semaine de la Critique, de la Quinzaine viennent leur expliquer comment fonctionne leurs sélections, quelles sont les attentes, par exemple. Nous tenons à offrir de vraies formations car nous sommes bien conscients que ce n’est pour ces porteurs de projet que le début de leur fréquentation avec le festival de Cannes et qu’il est essentiel qu’ils en aient quelques clés pour en tirer le meilleur profit.
Dès 2009 Gilles Jacob et son équipe ont été très accueillants à notre égard, je tiens à le souligner. Ils nous permis de nous développer en nous prodiguant des conseils et nous permettant de développer notre projet de la meilleure façon qui soit. Nous avons des relations étroites avec la Cinéfondation et le Marché du Film. Ainsi, le projet brésilien de Caetano Gotardo et Marco Dutra (Todos os mortos) est en partenariat étroit avec la Cinéfondation.

Des projets peuvent ainsi passer de la Résidence au Pavillon des cinémas du monde ?
Oui, mais pas nécessairement. Ainsi, à l’Atelier il peut y avoir des films issus de pays riches industrialisés. Nous gérons l’aide aux Cinéma du Mondes avec le CNC et à l’Institut français nous nous occupons du premier collège des jeunes réalisateurs. Nous nous sommes dits que pour certaines zones géographiques il était indispensable d’avoir un accompagnement autour de certains réalisateurs à fort potentiel et de pouvoir les accompagner pour qu’ils renforcent leur production et qu’ils soient en mesure d’accéder à divers fonds.
Comment se déroule la sélections des projets ?
Le comité de sélection est composé de représentants de l’Institut français et de ses partenaires, mais aussi surtout d’une équipe de coach qui va ensuite accompagner les projets sélectionnés. Chaque projet dispose d’un coach personnel qui va organiser des rendez-vous en fonction des profils des projets.
Comment sont choisis les zones géographiques ?
Nous avons conservé les zones géographiques de l’ancien Fonds Sud. Mais en passant du terme Fonds Sud à Cinéma du Monde, nous souhaitions sortir de l’acception traditionnelle du Sud. À présent les cinéastes font partie d’un monde globalisé et finalement ce qui importe pour eux c’est leur rapport au monde et non plus le fait d’appartenir à une zone dite du Sud. Nous souhaitions sortir de cette terminologie tiers-mondiste marquée historiquement pour passer vers une période plus mondialisée. Aujourd’hui le but est de pouvoir réunir des réalisateurs des quatre coins du monde parce que l’on pense qu’ils ont beaucoup à partager entre eux, avec nous et avec les professionnels. Par exemple, un collectif de cinéastes japonais a souhaité organisé un rendez-vous autour du thème « qu’est-ce que cela signifie faire du cinéma indépendant aujourd’hui et quelles en sont les conséquences ? » C’est important que ce soit leur initiative et que cela se passe chez nous.
Propos recueillis à Cannes en mai 2014.