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Billet de blog 17 août 2014

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Noé ou le sens de la préservation de l’humanité, selon Darren Aronofsky

Sortie DVD de Noé, de Darren AronofskyDans un monde humain soumis à une violence incessante, un seul homme est appelé à changer le cours de l’humanité : Noé. En rêve, il pense deviner la mission que lui a confié son Créateur : construire une arche pour accueillir et sauver du déluge tous les innocents de la Terre : les animaux.

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Sortie DVD de Noé, de Darren Aronofsky

Dans un monde humain soumis à une violence incessante, un seul homme est appelé à changer le cours de l’humanité : Noé. En rêve, il pense deviner la mission que lui a confié son Créateur : construire une arche pour accueillir et sauver du déluge tous les innocents de la Terre : les animaux.

Ce n’est pas la première ni la dernière fois qu’Hollywood produit un film à grand budget concernant une adaptation d’un passage de la Bible. En attendant la nouvelle version de Moïse selon Ridley Scott (intitulé Exodus), voici le Noé de Darren Aronofsky. Quant on connaît l’univers sombre et souvent quasi apocalyptique des films du cinéaste, on ne s’étonnera pas qu’il insiste ici sur la destruction de l’humanité. L’homme est fondamentalement mauvais et Noé et sa famille, même s’ils seront épargnés par leur Créateur, n’en portent pas moins leur lot d’erreurs et de cruauté. La palette colorimétrique est bien sombre et il faut attendre la fin du Déluge et la fin du film pour profiter des beautés des paysages islandais (lieux principaux de tournage). Les innocents (les animaux), les seuls qui méritent de survivre au Déluge, sont quasi absents du film. Ils sont bien montrés, mais tels des ombres. D’ailleurs, il s’agit non pas de prises de vues réelles mais de créations informatiques, comme si l’innocence ne pouvait figurer à l’écran dans un film d’Aronofsky. Également coscénariste, le cinéaste s’approprie ce récit biblique pour en livrer une libre adaptation. Certains exégètes expliqueront que le scénario s’inspire des écrits apocryphes du Livre d’Hénoch, avec notamment le développement autour des « Veilleurs », Anges déchus après avoir eu pitié de la destinée humaine.

Illustration 1
© Paramount

La question clé d’Aronofsky arrive au cœur du film : pourquoi l’humanité mérite-t-elle de survivre à elle-même ? Tout l’intérêt de ce film est de faire de Noé le porteur problématique de cette question, qui fait écho aux préoccupations du cinéaste quant au monde présent dans lequel il vit. Loin d’être plein de louanges à l’égard du texte biblique, il montre que Noé et sa famille sont sauvés non pas par leur bonté d’âme mais bien plus parce qu’ils sont la lignée directe de Seth, fils d’Adam et Ève. Quant aux autres, s’ils méritent de périr, c’est qu’ils sont issus de la lignée du fils fratricide Caïn. Le Dieu de Darren Aronofsky, figure du Père que l’on retrouve incarné en Noé, est un être incapable de pardon, qui ne croit qu’en la répartition sexuée des tâches (les femmes procréent et les hommes préservent leur lignée) et ne se fixe comme ligne de conduite qu’un projet qui le transcende et qu’aucun événement contingent ne saurait influer. Darren Aronofsky ose interroger la figure du Père, ange déchu à la gloire passée comme le héros éponyme de son The Wrestler.

Si Noé est donc bien un film de Darren Aronofsky, c’est aussi un film de studio, dont le budget colossal, étouffe souvent la révolte fructueuse. À part quelques exceptions et certaines séquences, le casting semble bien plus faire sens pour les studios désireux de rentabiliser leurs investissements qu’apporter un véritable souffle au récit. Les enfants de Noé sont ainsi les moins crédibles et les moins intéressants à suivre. Souvent Russell Crowe se contente de certaines poses sans créer des traits qui n’appartiendraient qu’à son personnage. Ainsi, lorsqu’il se bat seul contre quatre hommes armés et en sort vainqueur, il est davantage question à l’écran d’un certain Gladiator que d’un Noé. La liberté de ton revient cependant dans ces séquences au montage rapide ou en ombres chinoises, associant la musique de Clint Mansell, l’inoubliable auteur de la bande originale de Requiem for a Dream. Ces séquences sont de véritables souffles dans cette grosse production trop souvent indigeste. Ainsi, les scènes de combat, les armées de Tubal-Caïn auraient pu être épurées, ou du moins, pourquoi pas, se rapprocher de l’audacieux baroque du bien trop sous-estimé mais très inspiré The Fountain.

Illustration 2

Noé

Noah

de Darren Aronofsky

Avec : Russell Crowe (Noé), Jennifer Connelly (Naameh), Ray Winstone (Tubal-Caïn), Anthony Hopkins (Mathusalem), Emma Watson (Ila), Logan Lerman (Hamm), Douglas Booth (Sem)

États-Unis – 2014.

Durée : 132 min

Sortie en salles (France) : 9 avril 2014

Sortie France du DVD : 12 août 2014

Format : 1,85 – Couleur

Langues : anglais, français - Sous-titres : anglais, français, néerlandais.

Éditeur : Paramount Pictures

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