Semaine de la Critique 2014 à Cannes : Respire, de Mélanie Laurent
Chez elle, Charlène surnommée Charlie, 17 ans, vit avec sa mère qui n’arrive pas se séparer du père de Charlie même si celui-ci ne vit plus avec elles. Au lycée, Charlie, élève intelligente et réservée, fait la connaissance Sarah, nouvelle élève intégrant le cycle scolaire en cours d’année. Très vite elles deviennent amies. Charlie est fascinée par Sarah qui ne manque pas d’audace ni de charme.
Pour son deuxième long-métrage après Les Adoptés, Mélanie Laurent adapte le livre qu’Anne-Sophie Brasme a écrit à 17 ans : Respire. L’histoire pourrait s’apparenter pour la première partie à La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche. Mais là où Kechiche choisit de traduire le conflit de classe dans l’intimité d’une histoire amoureuse, Mélanie Laurent s’attache à la passion destructrice à un âge où l’on se construit dans le regard et le cœur de l’autre, alors que les fondations des individualités sont encore bien fragiles. Pour Mélanie Laurent, la construction de l’adolescent aux portes de l’âge adulte est d’autant plus risquée, que l’entourage adulte, à commencer par les parents, fait défaut. Ainsi, Charlie et sa mère se ressemblent beaucoup dans leur désarroi sentimental et leur difficulté à s’imposer dans une relation amoureuse. Mais, malgré cette compassion potentielle, elles ne se rapprochent pas pour autant. La cinéaste a très bien retranscrit l’univers du roman avec toute cette sensibilité vécue à hauteur d’adolescent. La communauté des lycéens apparaît assez soudée, même s’il suffit de l’apparition d’un personnage charismatique pour déclancher une redistribution des liens.
La respiration est un acte qui se passe en deux temps : inspiration et expiration. Autrement dit, une relation entre l’intérieur et l’extérieur, et ainsi de manière continue afin de permettre le phénomène de la vie chez les êtres vivants. Le titre du film à cet égard semble reprendre cette idée que pour une relation humaine constructive, il faut un équilibre entre l’intégrité de l’un et l’acceptation de la différence de l’autre. Dès lors, « respire » est non seulement une injonction à vivre (doublé du fait que le personnage principal est asthmatique) mais aussi un appel à respecter l’autre dans une relation à deux. Cette idée est envisagée au début du film dans un cours de philosophie où il est expliqué que c’est la passion qui vient faire chavirer la raison et aboutir aux plus grands drames. Au ce sens aussi, le film est une tragédie, certes avec la légèreté de l’adolescence dans une première partie mais progressivement dans le sérieux d’actes pouvant aboutir à un crime.
Cette histoire laisse penser aussi à Después de Lucía de Michel Franco (2012). Dans ce film, on suivait l’évolution d’une jeune fille dont le milieu familial avait déserté et qui subissait des humiliations à répétitions d’autres adolescents. Pour compléter ce panorama de l’adolescence, Respire montre qu’il n’y a pas besoin de se retrouver à dos de toute une communauté pour être détruite : cela passe aussi dans une relation à deux, où l’autre est l’incarnation de toutes les libertés fantasmées. Mélanie Laurent signe là film d’une grande justesse.
Respire
de Mélanie Laurent
Avec : Joséphine Japy, Lou De Lâage, Isabelle Carré
Scénario : Mélanie Laurent et Julien Lambroschini
Image : Arnaud Potier
Montage : Guerric Catala
Son : Cyril Moisson - Alexis Place - Cyril Holtz
Décors : Stanislas Reydellet
Musique : Marc Chouarain
Production : Move Movie
Coproduction : Gaumont
Distribution : Gaumont
Ventes internationales : Gaumont