Sortie DVD de Phœnix, de Christian Petzold
En une nuit de juin 1945, sur une route menant à Berlin, Lene conduit une voiture avec à ses côtés Nelly grièvement défigurée, après avoir survécu à la déportation. Après une opération faciale, elle retrouve un visage proche de celui qu’elle avait auparavant. Dès lors, elle n’a plus qu’une seule obsession : retrouver Johnny, son mari. Mais Lene la met en garde.
Ce film est la seconde adaptation du roman Le Retour des cendres d’Hubert Monteilhet (1961) après celle de Jack Lee Thomson intitulée Le Démon est mauvais joueur (1965). De ce texte d’origine, Christian Petzold signe un film personnel, dans l’exacte continuité de son précédent Barbara (2012) puisque l’on retrouve les deux acteurs principaux (Nina Hoss et Ronald Zehrfeld) qui composent une nouvelle fois un couple et que le scénario permet de revisiter l’histoire allemande à travers ses périodes les plus sombres où planent encore des fantômes. De fantôme, il en est question avec le personnage de Nelly qui revient d’entre les morts, tel le phœnix du titre mais sans aucune propension au triomphe, bien au contraire. Le fait de vivre physiologiquement, de sortir d’une opération chirurgicale lourde ne suffit pas à ce que le personnage vive réellement. Il lui faudra tout le temps du récit du film pour que Nelly renaisse réellement des cendres du passé à l’instar de l’animal mythologique. À cet égard, le cinéaste s’appuie bien sur la richesse scénaristique d’Hubert Monteilhet pour dévoiler peu à peu son récit. Se focalisant plus particulièrement sur le devenir de son personnage féminin principal, il donne le nom de phœnix au lieu où Nelly retrouve son mari. Ceci traduit bien chez elle le besoin de renouer avec son passé, puisque comme elle le révèle dans le film, c’est le souvenir de son mari qui l’a fait tenir durant toute sa détention alors que toute sa famille a été assassinée. Le grand drame de l’Histoire est qu’il est impossible de renouer avec les époques heureuses du passé en faisant comme si les périodes les plus sombres qui l’en séparent n’étaient que de douloureuses parenthèses appelées à se refermer. Son amie Lene, plus rationnelle et marquée par l’holocauste, n’envisage son avenir et celui de Nelly qu’en recommençant une nouvelle vie en s’installant dans le nouvel État d’Israël. Cette alternative, promue avec ferveur par les sionistes, a eu pour conséquence immédiate jusqu’à nos jours une politique colonisatrice répressive à la limite de l’apartheid en Israël : c’est pourquoi le réalisateur ne s’appesantit pas sur ce choix et ne lui offre aucune once de possibilité de réalisation. Le choix de Nelly vient finalement interroger l’histoire d’un pays et la possibilité de revivre avec les personnes aimées dont l’identité est devenue depuis quelque peu ambiguë. Le propos du cinéaste est toujours riche, proposant d’une certaine manière à l’Histoire de s’allonger sur son divan de psychanalyste pour réaliser une projection de cinéma. Si Nina Hoss est bien développée, cela se fait un peu au détriment de Ronald Zehrfeld dont on aurait voulu un peu plus de complexité et de subtilité : mais peut-être cela aurait empêché au spectateur d’épouser le regard subjectif du personnage de Nelly. Si Phœnix n’est pas aussi abouti que Barbara (faute d’un travail détaillé de certaines scènes pour ajouter un peu plus de tension et de psychologie) il n’en reste pas moins un film émouvant, touché par la sincérité et la démarche de son auteur et de son interprète principale.
Phœnix
Phœnix
de Christian Petzold
Avec : Nina Hoss (Nelly), Ronald Zehrfeld (Johannes « Johnny »), Nina Kunzendorf (Lene Winter), Michael Maertens (le médecin), Imogen Kogge (Elisabeth), Uwe Preuss (le propriétaire du club), Kirsten Block
Allemagne – Pologne, 2014.
Durée : 98 min
Sortie en salles (France) : 28 janvier 2015
Sortie France du DVD : 3 juin 2015
Format : 1,85 – Couleur – Son : Stéréo et 5.1
Langue : allemand - Sous-titres : français.
Éditeur : Diaphana
Bonus :
Making of
Entretien avec Christian Petzold