Sortie DVD de Black Coal, de Diao Yinan
Des morceaux d’un même corps sont retrouvés aux quatre coins de la Chine. Il s’agit du corps d’un employé d’une mine de charbon. Le sergent Zhang mène l’enquête mais se retrouve vite dépassé. Cinq ans plus tard, sombrant dans l’alcoolisme, Zhang se retrouve à nouveau confronté à l’affaire des corps découpés avec une jeune employée de teinturerie en principale suspecte.
Noir comme le charbon où se retrouvent les parties des victimes, telle est la tonalité de ce polar. Mais très vite, le cinéaste Diao Yinan déplace les codes du film noir avec la volonté de proposer un récit personnel. L’histoire est davantage celle d’un homme et de la réalité d’une Chine toute contemporaine, que celle d’une enquête conduisant à la découverte d’un mystérieux tueur en série. Ce qui importe ici est bien moins la découverte du meurtrier que le chemin suivi par le personnage principal perdu et ne sachant pas s’il pourra obtenir quelque chose de positif de sa vie. Dès lors l’enquête est un prétexte pour lui à se réaliser. Mais il est très vite confronté à une réalité souvent absurde où un cheval qui loge dans un hôtel est le symptôme d’une multitude d’individus qui disparaissent mais dont ne s’inquiète plus en Chine. Le corps du mort lui-même, par souci de place, est systématiquement réduit en cendres et confié aux proches dans une petite boîte. La réalité de la Chine actuelle transforme les êtres, les broie comme ce charbon extrait de la terre et mis en pièce à l’instar de cet ouvrier de la mine. Rien de gratuit dans ce film de genre. Un autre indice des intentions du cinéaste (bien expliquées dans un entretien présent en bonus de ce DVD) est le choix du lieu de tournage. À la différence des milieux urbains en mégalopole des polars classiques, il s’agit ici d’une petite ville du nord de la Chine en pleine expansion industrielle, mais où les rues laissent souvent le personnage principal seul face à lui-même. Les scènes nocturnes sont parfois à la lisière du fantastique avec ces multiples et très beaux éclairages au néon. Tout confère à aboutir à la dévalorisation de Zhang : il est facile d’imaginer que ses interrogations sont le symptôme de sa propre folie. On ne le voit jamais dans un appartement personnel, comme si l’espace extérieur était le seul lieu qu’il habitait, comme s’il était dépourvu de vie privée et condamné à projeter sa vie personnelle dans les affres de la société où il plonge allègrement. Si l’on suit le propos de ce film, la réalité de la Chine actuelle n’est pas à suivre selon une réflexion cartésienne linéaire. Il faut prendre de nombreux détours, s’arrêter sans cesse à l’invraisemblable, pour prendre la vraie mesure de ce qui se passe dans ce pays en pleine mutation. Si ce polar est déroutant, ce n’est donc pas peu dire, et il faut avouer que la direction d’acteur est à la fois excellente et repose sur de bons acteurs à commencer par Fan Liao (Ours d’Argent de la meilleure interprétation masculine au festival de Berlin 2014, en plus de l’Ours d’or attribué au film). « Feux d’artifice en plein jour » : telle est la traduction littérale du titre original, qui dans le film est la réalité d’une économie en 1999 comme en 2004. Les années passent et l’absurdité reste, surtout dans un mouvement mondial où l’une des premières populations en nombre au monde est entraînée, sans savoir vers quelle destination. Dans le charbon noir (black coal) le corps social de la Chine est dispersé : c’est l’un des nombreux prodiges que Black Coal réussit à nous faire sentir au détour d’un prétendu polar.
Black Coal
Bai ri yan huo
de Diao Yinan
Avec : Fan Liao (Zhang Zili), Gwei Lun Mei (l’employée de la teinturerie), Wang Xuebing (le patron de la teinturerie), Yu Ailei (l’inspecteur Wang), Wang Xuebing (Liang Zhijun)
Chine - 2014.
Durée : 106 min
Sortie en salles (France) : 11 juin 2014
Sortie France du DVD : 4 novembre 2014
Format : 16/9 – Couleur
Langues : mandarin, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Memento Films
Bonus :
Bande-annonce
Interview du réalisateur (10’)
Projets d’affiche