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Billet de blog 17 décembre 2025

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"Alpha" de Julia Ducournau

Dans les années 1980, Alpha voit une épidémie incurable se répandre, transformant les êtres humains en marbre. Sa mère médecin craint que sa fille soit contaminée comme l’oncle toxicomane d’Alpha que sa mère héberge.

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Illustration 1
Alpha de Julia Ducournau © Diaphana

Sortie DVD : Alpha de Julia Ducournau

La réalisation d’un film qui vient après une Palme d’Or (Titane, 2021) n’a rien d’évident, d’autant plus que la presse française conservatrice n’a pas été bienveillante à l’égard d’une réalisatrice douée qui osait s’emparer d’un genre cinématographique jusque-là chasse gardée d’un genre sans partage, masculin.

Julia Ducournau poursuit avec méticulosité mais aussi une réelle humilité à interroger ses propres obsessions au sein d’une filmographie qui crée un espace de dialogue intense d’un film à l’autre, déplaçant les frontières qui enferment des monstres pour mieux questionner la prétentieuse normalité aussi discriminante qu’étouffante.

Dans son scénario original, la cinéaste associe le contexte historique des années 1980 de la pandémie de Sida, avec une dystopie transformant où l’épidémie d’une maladie incurable transforme des êtres humains en marbre, le tout porté par le regard d’une adolescente. Ce mélange inédit crée un véritable trouble, obligeant le regard à se déplacer sans cesse avant de reconstituer du sens à une intrigue où la temporalité elle-même est bouleversée entre deux époques.

Toujours dans le costume du body horror, Julia Ducournau propose un film moins choc et spectaculaire que ses deux précédents mais se confronte en même temps à une appréhension de l’apocalypse à partir du regard éminemment sensoriel de la jeune héroïne éponyme. Les décors et les effets spéciaux sont de ce point de vue réalisés avec soin, dans une fascination pour la maladie transformant les corps.

Une très grande attention perspicace a été ici accordée à la construction sonore pour renforcer l’appréhension subjective de l’héroïne de son espace. Le son est dès lors éprouvée comme une source intérieure au corps, le film devenant une entité corporelle où les os deviennent source de réverbération sonore.

La réflexion sur les liens familiaux est aussi centrale et les intentions sont nombreuses visant à interroger l’amour étouffant et toxique au centre de la volonté de sauver et protéger. La réalisation n’est hélas pas sans maladresses, comme par exemple avec l’utilisation d’une chanson de Portishead multi identifiée en ouverture empêchant le film de toucher pleinement à la grâce de la monstruosité avec une mise en scène un peu trop sage et trop dans la retenue, malgré quelques moments mémorables. L’interprétation de Golshifteh Farahani n’est hélas pas convaincante alors que son rôle est pourtant essentiel aux côtés aux côtés d’un Tahar Rahim très impliqué, en adepte de la transformation physique d’un film à l’autre.

Illustration 2

Alpha
de Julia Ducournau
Avec : Mélissa Boros (Alpha), Golshifteh Farahani (la mère d’Alpha, médecin), Tahar Rahim (Amin, l’oncle toxicomane d’Alpha), Emma Mackey (l’infirmière), Finnegan Oldfield (le professeur d'anglais), Louai El Amrousy (Adrien), Marc Riso (Benny), Jean-Charles Clichet (le professeur d’EPS), François Rollin (le proviseur du collège), Ambrine Trigo Ouaked (Alpha, 5 ans Driver (l'agent de sécurité de l'hôpital), Julien Spitéri (le garçon qui tatoue Alpha)
France, Belgique – 2025.
Durée : 122 min
Sortie en salles (France) : 20 août 2025
Sortie France du DVD : 6 janvier 2026
Format : 2,35 – Couleur
Langues originales : langues berbères, français, anglais - Sous-titres : français.
Éditeur : Diaphana

Bonus :
Masterclass de Julia Ducournau au Pathé Palace

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