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Billet de blog 19 juin 2022

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"L'Incinérateur de cadavres" (Spalovac mrtvol) de Juraj Herz

Kopfrkingl est un incinérateur passionné qui souhaite à tout son entourage une excellente mort et promeut l'incinération comme forme de disparition totale. Lorsque l'armée allemande nazie s'empare de Prague, son idéologie se conforme si bien à celle du régime en place que sa folie prend une nouvelle dimension.

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Sortie DVD : L'Incinérateur de cadavres de Juraj Herz

Voici une nouvelle opportunité de (re)découvrir une nouvelle édition qui inclue Brutalités récuperées le premier film de Juraj Herz (qui fait partie du programme Petites perles au fond de l'eau réunissant les courts métrages de la Nouvelle Vague du cinéma tchèque), un mini documentaire allemand sur le réalisateur visitant ces lieux de tournage plusieurs décennies après la réalisation ainsi qu'un entretien filmé avec Juraj Herz, l'actrice Vlasta Chramostová et le chef opérateur Stanislav Milota. Ce chef d'œuvre n'a cependant pas permis au cinéaste de poursuivre son élan créatif puisque son tournage en août 1968 n'était pas terminé lors de l'arrivée des chars soviétiques à Prague... Dès lors, la dénonciation à travers l'humour noir de l'oppression et du conformisme criminel (et encore « banalité du mal »), trouve dès lors une nouvelle lecture du film, l'occupation soviétique dans la vie réelle remplaçant dans le film l'occupation quelques décennies plus tôt par l'armée allemande nazie.

Illustration 1
"L'Incinérateur de cadavres" (Spalovac mrtvol) de Juraj Herz © Malavida

L'horreur évoquée par le film se développe peu à peu, d'un humour macabre où l'obsession d'un parfait employé incinérateur se transforme en folie meurtrière qui trouve son adéquation dans une folie encore plus large : l'idéologie nazie. Pour éprouver cette appréhension malade du monde, le récit épouse intégralement le regard et la perception subjective du protagoniste toujours plus inquiétant au fil de l'avancée du film après avoir seulement été perçu dans un premier temps comme une personnalité excentrique. Et pourtant, le montage des premières scènes tout comme le générique laissaient entendre un personnage habité par la folie prédatrice et des personnages totalement déchirés. Puisque dans la vie, seule la mort est une assurance incontournable, Kopfrkingl, l'incinérateur éponyme, va en faire sa plus profonde religion devant l'autel de laquelle il sera prêt à tout sacrifier.

L'ambitieuse mise en scène de Juraj Herz s'associe à l'inventivité folle de son chef opérateur Stanislav Milota qui expérimente de manière décomplexée ses lentilles, en travaillant sur la profondeur de chant qui fait de chaque plan une réussite parfaite, en adéquation avec la composition hors du commun de Rudolf Hrušínský dans le rôle de Kopfrkingl. Le surréalisme de la perception de la mort s'associe dès lors au cauchemar d'une appréhension du monde qui puise son inspiration dans le cinéma expressionnisme et dans les plans tragiques « bigger than life » évoquant les choix de prises de vues iconoclastes des films d'Orson Welles. Les deux cinéastes ont en commun d'analyser la folie de l'obsession du contrôle dans leurs personnages auxquels leur mise en scène est totalement à leur service.

La force d'expression de L'Incinérateur de cadavres (Spalovac mrtvol) en fait une œuvre hors du commun et un désir de cinéma en pleine effervescence sacrifiée par la volonté hégémonique néo-impérialiste russe malheureusement toujours à l'ordre du jour en 2022.

L'Incinérateur de cadavres
Spalovac mrtvol
de Juraj Herz
Avec : Rudolf Hrušínský (Kopfrkingl), Vlasta Chramostová (Lakmé / Dagmar), Jana Stehnová (Zina), Milos Vognic (Mili), Zora Bozinová (Reinkeová), Ilja Prachar (Walter Reineke), Eduard Kohout (Bettleheim), Jiří Menzel (Dvořák), Míla Myslíková (la femme traitée comme stupide par son mari), Vladimír Menšík), Jiří Lír (Strauss), Václav Stekl), Helena Anýzová
Tchécoslovaquie, 1968.
Durée : 100 min
Sortie en salles (France) : 21 juillet 1971
Sortie France du DVD : 4 mai 2022
Format : 1,66 – Noir & Blanc
Langue : tchèque - Sous-titres : français.
Éditeur : Malavida Films

Bonus :
Brutalités récuperées 1er court-métrage de Juraj Herz (1965, 31’01”, VOST)
This Way to the Cooling Chamber de Daniel Bird (2017, 22’29”, VOST)
Interview de Juraj Herz, Stanislav Milota et Vlasta Chramostová (2005, 18’26”, VOST)

Illustration 2

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