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Billet de blog 19 juillet 2016

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Western et masculinité : regard crépusculaire sur un genre

Un homme à cheval traverse le désert pour atteindre un campement indien où il échange des biens matériels contre une captive blanche prénommé Nancy. Celle-ci ne connaît pas son sauveur mais ensemble ils cheminent jusqu'à ce qu'ils rencontrent trois chasseurs de primes très intéressés par la prime mise sur la tête de la jeune femme.

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Illustration 1
"Comanche Station" de Budd Boetticher © Sidonis Calysta

Sortie Blu-ray : Comanche Station de Budd Boetticher 

Fin de cycle, film de la maturité, western crépusculaire sont quelques-unes des expressions possibles pour présenter ce film de Budd Boetticher avec la complicité fructueuse de Randolph Scott devant la caméra et Burt Kennedy au scénario. Le trio fonctionne encore une fois à merveille pour leur dernière collaboration. Grand artisan soucieux de son savoir faire cinématographique, Budd Boetticher réalise un western d'une grande sobriété qui vise droit à l'essentiel. Ceci est manifeste dans les premières et dernières séquences qui assument pleinement leur fonction d'introduction et de conclusion. À défaut de raconter la dernière scène qui a le mérite d'offrir une nouvelle interprétation à l'ensemble du récit, on garde en mémoire longtemps encore cette première séquence d'un homme seul que les westernophiles et autres cinéphiles reconnaîtront comme une icône du genre sous les traits de Randolph Scott mais qui porte en même temps tout le poids de l'histoire du western jusqu'à ce jour sur ses épaules. Budd Boetticher était ainsi bien conscient que l'on ne pouvait plus faire un western comme ses prédécesseurs, aussi devait-il commencer à porter le deuil qui permettrait d'entrer dans de nouveaux horizons westerniens, genre qui allait trouver un sang neuf notamment en Italie précisément dans la décennie 1960. La première séquence du film est totalement muette et les premiers mots prononcés par le personnage principal sont en langue indienne, témoignant de la possibilité de communication entre deux mondes trop longtemps séparés par l'idéologie manichéiste de base du western. Le véritable personnage antogonique arrive plus tard avec le double maléfique de Jefferson, chasseur de primes sans scrupules que le personnage féminin, Nancy, considéra, à tort, comme l'identité cachée de son sauveur. Mais Jefferson est un héros d'une grande probité de l'Ouest malgré son tempérament totalement désabusé. Il poursuit une quête sans véritable espoir, comme pour assumer le deuil d'une vie qu'il ne peut plus vivre. L'intelligence du film est de maintenir ce propos d'un bout à l'autre, sans tomber dans les facilités d'un amour entre les protagonistes d'une vision machiste des rapports genrés où la femme sauvée offrirait son amour comme salaire à son valeureux guerrier. Il n'en reste pas moins que le film reste foncièrement masculin, comme hélas la trop grande majorité des westerns, pour ne pas dire des films en général. En revanche, l'intérêt de la mise en scène de Budd Boetticher dans Comanche Station est de nous montrer une virilité en crise, véritablement à même de laisser la place à des rapports sociaux différents pour la nouvelle génération, incarnée notamment par l'unique personnage féminin de l'histoire. On peut également envisager cette histoire réalisée à la fin des années 1950, dans le contexte géopolitique qui voit un rapprochement possible entre les USA et l'URSS depuis la mort de Staline, haute figure autoritaire masculine. Les Indiens, méchants traditionnels des westerns dans un monde bipolaire, sont devenus ici des êtres avec lesquels on peut dialoguer, même s'ils restent une menace potentielle comme en a témoigné la crise des missiles de Cuba quelques temps plus tard (deux ans après la réalisation du film). La vraie menace dans Comanche Station ne vient plus d'un groupe collectiviste et communautaire (les Indiens, l'URSS) mais de la cupidité de certains citoyens américains qui ont détourné le rêve de la réussite sociale à travers une entreprise égocentrée usant du droit traditionnel d'user de son arme pour répandre la mort. En ce sens aussi, Comanche station est un western crépusculaire éclairé par la conscience des évolutions de son époque.

Illustration 2

Comanche Station
Comanche Station
de Budd Boetticher

Avec : Randolph Scott (Jefferson Cody), Nancy Gates (Nancy Lowe), Claude Akins (Ben Lane), Skip Homeier (Frank), Richard Rust (Dobie), Rand Brooks (l'homme de la station relais), Dyke Johnson (John Lowe), Foster Hood (le Comanche à la lance), Joe Molina (le chef Comanche), Vince St. Cyr (un guerrier), John Patrick Holland (un garçon)

USA – 1960.
Durée : 74 min
Sortie en salles (France) : 11 décembre 1968
Sortie France du DVD : 29 février 2016
Format : 2,35 – Couleur
Langues : anglais, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Sidonis Calysta

Bonus :
Budd Boetticher par Bertrand Tavernier (24’)
Présentation du film par Bertrand Tavernier (18’)
Présentation du film par Patrick Brion (6’)
Bandes annonces

lien vers le site de l’éditeur

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