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Billet de blog 20 février 2015

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Rencontre avec les membres de l'association Le Plancher des valses, à Melle

L'assocation Le Plancher des valses organise ce samedi 21 février 2015 la soirée Bal qui pique à la salle Jacques Prévert de Melle. Au programme, de la danse trad avec à 19h00 une initiation aux danses bretonnes et à partir de 21h00 trois groupes qui se succéderont : Dour Le Pottier, Garoull et Tall. Belle opportunité pour connaître cette association et les enjeux du trad dans le Mellois, véritable pont entre les générations et vecteur de cohésion sociale. Julie Couprie et Pierre Jozelin, membres de l'association, livrent le témoignage ci-dessous.

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L'assocation Le Plancher des valses organise ce samedi 21 février 2015 la soirée Bal qui pique à la salle Jacques Prévert de Melle. Au programme, de la danse trad avec à 19h00 une initiation aux danses bretonnes et à partir de 21h00 trois groupes qui se succéderont : Dour Le Pottier, Garoull et Tall.

Belle opportunité pour connaître cette association et les enjeux du trad dans le Mellois, véritable pont entre les générations et vecteur de cohésion sociale. Julie Couprie et Pierre Jozelin, membres de l'association, livrent le témoignage ci-dessous.

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Soirée Bal Trad du 17 janvier 2015 à Melle © Didier Darrigrand

Dans quel contexte l’association Le Plancher des valses est-elle née ?

J’ai découvert le bal trad grâce à Pierre. Ensuite, nous avons rencontré Céline Berthet et Marc Béteau qui venaient d’arriver dans le Mellois et étaient également intéressés par le bal trad. Tous deux venaient du Berry où les bals prenaient la forme d’importantes manifestations. Alors nous nous sommes lancés le défi : pourquoi pas en organiser à Melle ? En 2008, l’association Le Plancher des valses était née avec également la présence de Corinne Guizard et Christine Bouhet. En outre, nous avions remarqué que l’on disposait à Melle d’une salle des fêtes [Jacques Prévert] avec un chouette parquet : ce serait dommage de ne pas l’utiliser ! Nous nous connaissions alors déjà tous grâce au rendez-vous trad de Saint Léger de La Martinière. Il était alors pour nous essentiel qu’en entrant dans la salle on trouve une ambiance, c’est pourquoi la déco est aussi au cœur de nos préoccupations dans la bonne organisation de cette manifestation. Nous nous sommes lancés dans l’organisation du Bal qui pique avec l’énorme soutien de La Ronde des Jurons car nous ne disposions d’aucun apport financier. Nous avons réalisé une importante campagne de communication qui s’est transformé en un véritable succès puisque pour ce premier rendez-vous nous avons eu 450 entrées. Nous avions alors invité trois groupes pour cette soirée : Boréale, Tourne Bourrique et Récréation. Entre temps nous ont rejoint Agnès et Bruno Boulay-Bonneau et nous avons organisé d’autres rendez-vous au fil de l’année. Ainsi, nous avons fêté la Saint-Patrick au Café du Boulevard et créé le Bal sous les Étoiles, qui n’existe plus à présent parce qu’il a été remplacé par d’autres activités. L’association s’est développée au fil des années où nous avons également établi des liens d’amitié avec des musiciens locaux. C’est alors très naturellement que nous accompagnons la sortie de leur nouveau CD. En 2015, nous sommes donc à la septième édition du Bal qui Pique. L’association est collégiale : tous les adhérents sont coprésidents. Même si nous ne sommes pas nombreux, nous pouvons compter sur les bénévoles d’autres associations pour organiser nos événements.

Quelles sont les différentes activités de l’association à l’année ?

Tous les ans au Café du Boulevard à l’occasion de la Saint Patrick, nous invitons le vendredi un groupe qui joue de la musique irlandaise. L’entrée est libre. Notre association est surtout là en soutien organisationnel. L’idée est de reconstituer durant cette soirée l’ambiance pub. Au mois de juin à la Barbette sur la commune de Sompt, nous ouvrons le trad à toute la famille avec des activités commençant en fin de matinée et se poursuivant toute l’après-midi en extérieur. Nous ne savons pas en cette année 2015 si cet événement aura lieu en raison de l’incertitude quant au lieu. Nous avions le Bal sous les étoiles en fin d’été que nous n’organisons plus depuis deux ans. L’idée était alors de faire une balade musicale sur le Chemin de la découverte qui se termine par un bal nocturne. Nous avions en 2014 pour la première fois organisé un événement en octobre qui n’est pas un mois exploité par les diverses organisations de trad. Nous avions intitulé cet événement « Il y a du trad au balcon » : trois jours de stage d’accordéon diatonique, une session bœuf ouverte au Café du boulevard le vendredi soir et le lendemain, samedi, un bal en soirée avec deux groupes professionnels. C’est là un événement qui marque l’année et qui devrait revenir d’année en année. Si le Bal sous les étoiles n’est pas encore d’actualité cette année, on n’y renonce pas non plus tout à fait et l’on espère qu’il reprendra. En octobre 2015, nous avons prévu un festival irlandais sur trois jours. Ceci est directement la conséquence de l’arrivée récente dans l’association de Gladys Perrochon qui organisait un festival irlandais dans la Vienne et qui fonctionnait très bien. Ensuite, les événements se créent en fonction des opportunités qui se présentent : par exemple, des groupes qui se trouvent sans date entre deux tournées peuvent nous proposer leur disponibilité. De même, Christian Pacher nous avait demandé pour le mois de janvier 2015 d’organiser un bal autour de la sortie de son CD.

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Bal sous les Étoiles © Didier Darrigrand

Quelles sont vos liens avec les associations melloises ?

La Ronde des Jurons était là dès le début avec ses soutiens techniques et financiers. À présent nous sommes un peu plus indépendants mais nous continuons de faire appel à eux pour assurer les cachets intermittents : ils sont à cet égard prestataire de service. Le Café du Boulevard quant à lui nous soutient lorsque l’on organise des petites soirées bœuf entre ses murs. Nous nous sommes associés au Centre SocioCulturel pour organiser une journée jeu à destination des enfants à la Barbette, avec l’aide du comité des fêtes de Sompt. Pour la partie finance, nous disposons d’une aide non négligeable de la Région Poitou-Charentes. Nous disposons également de l’assistance technique et financière de la mairie de Melle.

Notre idée initiale avec l’association consistait à organiser des bals en invitant des groupes qui se déplaçaient dans le cadre de leur tournée nationale. Nous souhaitions faire découvrir la diversité du trad et ses influences au plus grand nombre de personnes, sans nous cantonner au trad folklorique. Car le trad n’est pas une forme figée, il est en perpétuel mouvement : la création s’effectue autour des influences trad. Certains groupes se basent sur un répertoire pour le faire évoluer autour d’arrangements nouveaux.

Les journées de formation ne sont-elles réservées qu’à l’apprentissage de la musique ?

Pour le moment, oui. Avec la danse irlandaise, il y aura également des formations à la danse. En revanche, le Bal qui Pique s’ouvre toujours par un moment d’initiation dans le but d’ouvrir le trad aux néophytes. Il se trouve que le Mellois est un véritable berceau du trad. Nous savions qu’il y avait un véritable terreau pour le développer.

S’il y avait beaucoup de monde dès le premier bal, cela signifie-t-il que la tradition des bals trad était déjà bien ancrée avec des personnes qui conservaient la mémoire des pas de danse ?

Oui, en effet, il y avait depuis bien longtemps de nombreux bals. Au foyer rural de Saint Léger de La Martinière des cours de danse sont encore proposés et plusieurs bals sont organisés dans les environs. Nous souhaitions cependant proposer quelque chose de différent. La formule du Bal qui Pique est constituée de trois groupes : un premier amateur local, un groupe de musique du Poitou et un groupe qui vient d’ailleurs. C’est vraiment la volonté de faire rencontrer des régions. La programmation s’établit surtout autour de coups de cœur.

Avez-vous des retours du public satisfait que vous entreteniez la tradition ?

Nous ne sommes pas dans la tradition, même si des choses se poursuivent. Nous sommes pour le renouvellement à partir d’un répertoire. C’est donc de la musique trad revisitée avec de nouveaux instruments, par exemple. Ce type de musique est classée en « musique vivante ». Les organisateurs d’autres bals environnants sont surpris de voir autant de jeunes au Bal qui Pique. L’âge de notre public est vraiment touché par la mixité et nous en sommes très fiers : toutes les générations se croisent.

Dans ce cadre, on peut voir atteint un bel objectif qu’est la cohésion sociale sur un territoire autour de la danse.

D’ailleurs, l’avantage des danses trad est que l’on peut globalement changer de partenaire régulièrement comme dans les cercles circassiens. Cela permet de nouvelles rencontres et c’est plutôt sympathique.

J’ai pu constater que beaucoup de danseurs initiés prennent le temps d’apprendre quelques pas aux nouveaux.

C’est une démarche classique que l’on trouve dans beaucoup de bals : cela se fait naturellement, sans que nous ayons à intervenir. En revanche, les bals sont précédés de cours d’initiation afin d’apprendre de nouveaux pas. La nouveauté est, depuis l’an dernier, grâce à la ténacité de Pierre, l’arrivée d’un coin pub avec une scène ouverte au sein du bal. Cela permet à n’importe quel amateur de partager ce qu’il fait et de commencer un bœuf musical. Il s’agit de proposer un espace aux personnes qui n’ont pas spécialement envie de danser mais qui ont envie de passer un bon moment. Au sein de l’association nous avions un peu peur de l’équilibre qui pouvait se faire entre la salle de danse et le pub,  nous ignorions comment nous allions gérer tout cela, mais en fait le tout fut très apprécié par le public en général. En effet, ceci constitue un espace un peu plus grand pour discuter autour d’un gâteau ou d’une bière. Il y a deux endroits distincts qui ne s’interfèrent pas mais il n’est nécessaire de passer par la piste de danse pour accéder au pub. Cela permet à tous ceux qui viennent au bal, même si ce n’est que pour le pub, de découvrir la danse.

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Bal Trad © DR

D’où naissent vos idées autour du trad ?

De nos expériences respectives dans les bals avant de créer l’association. Ainsi, nous avons été très sensibles à l’importance de la décoration pour créer une atmosphère particulière. Ce que j’adore c’est voir toutes les personnes heureuses de danser. On commence à connaître de nombreux musiciens et danseurs qui viennent sur tous nos bals : c’est chouette ! De nouveaux venus font toujours leur apparition aux bals. Je m’aperçois également qu’en fonction du groupe, certaines personnes se déplacent spécialement. Ainsi, des personnes sont venues de Vendée pour un groupe vendéen et d’Ariège pour une musicienne qui venait de là-bas. Cette dynamique est à la fois intéressante et étonnante.

Peut-on définir le trad ?

À la base c’est une tradition musicale populaire qui se transmettait essentiellement grâce à l’oralité. Ainsi, beaucoup d’anciennes générations de musiciens n’ont jamais suivi de cours de musique : ils se sont contenté de prendre un instrument et de répéter ce qui se faisait autour d’eux et à un moment donné ils ont inventé d’autres choses. Dans les années 1970, à Parthenay, certains ont commencé à enregistrer ce patrimoine populaire afin de lutter contre sa disparition. Une banque de données enregistrées s’est ainsi constituée à Métive. Ainsi, on a découvert l’opportunité de pouvoir enregistrer la chanson spécifique d’une dame âgée. Ce mouvement de collectage du patrimoine populaire s’est développé partout en France durant cette même décennie. À Parthenay, grâce au CERDO on peut apprendre la musique et les danses poitevines-saintongeaises. Actuellement, de nombreux groupes se basent sur ces collectages. Dans le Mellois, on peut identifier la tradition de l’avant-deux et le brisquet cellois du côté de Celles-sur-Belle.

Le trad est partout. Ensuite, nous souhaitions avant tout mettre en avant le trad poitevin. Ensuite nous aimons les rencontres avec d’autres régions. Ainsi dans la formation Dour Le Pottier Quartet qui sera présent ce samedi 21 février 2015, le percussionniste est iranien : ainsi l’influence d’un autre pays musical est bien présente. Au départ, nous souhaitions inviter des groupes d’horizons mondiaux distincts et puis nous avons choisi de mettre en avant des groupes qui ont eux-mêmes intégré ces influences.

En fonction des origines des musiques trad, les danseurs parviennent-ils à réaliser leurs pas ?

Oui, en effet. À partir du trad on peut faire du rock, du jazz, mais il y a toujours des pas précis. Ainsi, bien que l’on puisse en avoir une interprétation différente, la rythmique sur une mazurka comme sur une scottish reste toujours la même. En général, les danses sont très abordables avec deux parties qui se répètent. Parfois, il est vrai que l’interprétation de certains groupes peut déstabiliser quelques danseurs.

Quels liens s’établissent entre les attentes des danseurs et les inventions des musiciens ?

Les musiciens peuvent jouer différents airs, mais ils restent en permanence attentifs aux danseurs. Comme la danse est très codifiée, il faut que l’interaction entre musiciens et danseurs puissent avoir lieu. Le danseur est un spectateur actif. Je me rappelle que des musiciens lors d’un Bal qui Pique m’avait réclamé plus de lumières sur les danseurs afin de pouvoir les voir. Le trad est ainsi réellement une musique participative.

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Bal qui Pique 2009 : première édition © Didier Darrigrand

Comment faites-vous la programmation de ces soirées ?

Il y a plusieurs contingences. Au départ, on trouve des envies de certains groupes et ensuite tout dépend de leur disponibilité. Comme nous sommes une petite association aux moyens réduits, les musiciens sont invités à loger chez nous et c’est ainsi une autre manière de se rencontrer et de créer des liens vraiment sympathiques avec eux.

Chaque membre de l’association en réunion arrive avec au moins 4 à 5 groupes qu’ils souhaitent faire venir. On parle, on envoie ensuite des mails et en fonction des disponibilités et du budget, on finit par obtenir tel et tel groupe. Par exemple pour cette année, j’avais découvert un groupe de danse gasconne et je souhaitais le faire découvrir aux Mellois qui sont friands de ce type d’expérience. Ainsi, l’initiation est à la fois une découverte de la musique mais aussi de la danse. Pour Dour Le Pottier ce fut pour moi un véritable coup de foudre qui me conduit à l’écouter en boucle en CD à la maison. Cette formation composée d’un violoncelle, d’un violon et de percussions n’est pas à proprement parler typique du trad., alors que pour les autres groupes, les instruments sont plus classiques : cornemuse, accordéon, guitare.

Parfois, le public peut être perdu par les propositions de certains groupes, mais comme il y en a trois en une soirée, chacun repart nécessairement satisfait. Un groupe poitevin fait nécessairement parti de notre programmation. Si nous faisons une soirée entière avec des danses gasconnes aux pas hyper précis que personne ne connaît, on sait très bien que la mayonnaise aurait du mal à prendre. Ainsi, dans la programmation des groupes au sein de la soirée, on commence par le groupe poitevin en sachant que cela fera danser. Ensuite arrivent des groupes qui viennent d’ailleurs : comme le public a commencé à danser, il continue de plus belle. Même à la Saint Patrick sur des bœufs, on nous réclame certaines danses parce que l’on sait que l’on danse bien dessus. Si Ciac Boum a renouvelé sa musique avec un rythme plus soutenu, au sein du groupe Christian Pacher reste une importante référence pour tout son travail de collectage, aussi le public des anciens reste curieux de ses nouvelles compositions. Parfois même, ce sont des jeunes danseurs qui apprennent aux plus âgés certaines danses.

Les bals trad ont cette vertu d’être fédératrice parce qu’il n’est pas question de parler politique : y a-t-il du trad avec des gens engagés ?

Oui, mais ce trad n’est pas joué durant les bals où l’on fait très peu attention aux paroles. Je me souviens de Dominique Bourdin qui avait interprété une chanson en en changeant les paroles mais au final il regrettait de l’avoir fait, constatant que ce n’était pas le bon lieu pour des chansons à texte : le public a très peu prêter attention aux paroles. Ces chansons arrivent plus facilement sur des soirées spécifiquement à chansons. Ce sera là plus du trad à écouter, à échanger mais non pas à danser. Le trad s’inscrit en cela dans la conception de l’éducation populaire.

N.B plus de photos du spectacle signées Didier Darrigrand ici :

https://www.flickr.com/photos/96658747@N04/sets/72157649951240598/

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