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Billet de blog 20 août 2015

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Jamel Debbouze s’anime et réveille la préhistoire

Sortie DVD de Pourquoi j’ai pas mangé mon père, de Jamel DebbouzeLe roi des simiens apprend la naissance de ses deux fils, nés à quelques minutes près : l’aîné chétif et le second bagarreur. Suivant les conseils de la sorcière, le roi abandonne son fils chétif afin qu’il ne puisse prétendre à la royauté. Celui-ci est recueilli par Ian. À l’âge adulte, le fils secret du roi est devenu Édouard, un inventeur de génie.

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Illustration 1
© Pathé

Sortie DVD de Pourquoi j’ai pas mangé mon père, de Jamel Debbouze

Le roi des simiens apprend la naissance de ses deux fils, nés à quelques minutes près : l’aîné chétif et le second bagarreur. Suivant les conseils de la sorcière, le roi abandonne son fils chétif afin qu’il ne puisse prétendre à la royauté. Celui-ci est recueilli par Ian. À l’âge adulte, le fils secret du roi est devenu Édouard, un inventeur de génie.

Appelé pour prêter sa voix au personnage principal de l’adaptation en film d’animation du livre de Roy Lewis Pourquoi j’ai mangé mon père (The Evolution Man), Jamel Debbouze s’est peu à peu emparé du projet, participant au scénario, aux dialogues et assumant la réalisation du film en même temps que l’interprétation du personnage principal. Ainsi, le film est avant tout l’univers de Jamel Debbouze, par son humour comme sa philosophie de la vie. Les anachronismes sont dès lors au service d’un humour émanant autant des situations que des dialogues. Le personnage mutique de Ian apporte son lot de situations cocasses et l’on regrette que celui-ci disparaisse au fur et à mesure que le film se prenne de plus en plus en sérieux quant aux messages à délivrer. Ceux-ci sont pourtant les bienvenus en prônant la foi dans l’homme et dans le vivre ensemble, la fin des discriminations à l’égard des individus mis aux bans de la société en raison de leurs différences. Car c’est précisément l’altérité d’Édouard qui permet d’offrir un regard nouveau à une société close dans ses certitudes et des rites violents qui ne peuvent se justifier autrement que par le maintien de la tradition. Ces messages sont bien mis en valeur et semblent porter tout le film, mais ne souffrent pas moins de quelques contradictions. Par exemple, luttant contre le manichéisme, il reste malgré tout un mal indéracinable représenté par une sorcière, personnage féminin vivant seul et portant des dreads : c’est toujours avec de telles images qu’a été justifiée depuis plusieurs siècles à divers degrés la misogynie. De même, le duo de simiens représentant des Rroms faisant la manche et ne participant aucunement à l’évolution humaine laisse affleurer quelques traits discriminatoires.

L’ensemble de l’histoire porte une très forte dynamique liée aux films d’aventure hollywoodiens. Pour conquérir le plus large public, en plus du succès international remporté par l’ouvrage de Roy Lewis, le film se réfère à des blockbusters tels Avatar (James Cameron, 2009), Le Roi lion (Roger Allers et Rob Minkoff, 1994), etc. À l’instar du film de Cameron, Pourquoi j’ai pas mangé mon père se veut également une innovation technologique, puisqu’il s’agit du premier film d’animation français à être tourné intégralement en « performance capture » : les personnages d’animation reprennent les mouvements d’acteurs de même que leurs expressions de visage. En outre, le personnage de Vladimir fait revivre celui qu’interprétait Louis De Funès dans La Folie des grandeurs (Gérard Oury, 1971). Si l’on peut reconnaître la voix de cet acteur défunt, c’est que l’IRCAM a développé un logiciel permettant de récupérer à partir d’archives le maximum de phonèmes pour recréer sa voix. Loin d’être monstrueuse, cette technologie met bien en valeur l’hommage intergénérationnel d’un comique populaire à un autre, Jamel Debbouze ne cachant pas là sa fascination pour Louis De Funès. Ce film de divertissement familial, mêlant humour, aventure, didactisme, éloge de la différence, offre aussi une grande place aux magnifiques paysages et à une palette de couleurs chatoyante et lumineuse. Cet univers semble figurer le paradis d’avant l’humanité, avant que l’homme ne quitte son arbre de vie et de connaissance. Ainsi, Jamel Debbouze tente de réunir fraternellement darwinistes et monothéistes. Au final, la prouesse technique est incontestable, l’humour de Jamel Debbouze toujours aussi efficace et l’aventure maintient tout du long l’attention du spectateur. Mais il manque au film ce que sa quête d’efficacité auprès du plus large public l’empêche d’atteindre : une poésie dans les images comme dans l’histoire ainsi qu’une véritable prise en compte de la réalité sociale contemporaine, auquel l’humour anachronique se prêtait pourtant bien, mais que le réalisateur n’a fait qu’effleurer.

Illustration 2

Pourquoi j’ai pas mangé mon père

de Jamel Debbouze

Avec les interprétations de : Jamel Debbouze (Édouard), Mélissa Theuriau (Lucy), Arié Elmaleh (Ian), Patrice Thibaud (Vladimir), Christian Hecq (Siméon), Diouc Koma (Vania)

France, Belgique - 2015.

Durée : 97 min

Sortie en salles (France) : 8 avril 2015

Sortie France du DVD : 12 août 2015

Format : 1,85 – Couleur – son : 5.1 et 2.0.

Langue : français - Sous-titres : français.

Éditeur : Pathé

Bonus :

Making-of du film

Scène coupée

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