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Billet de blog 21 août 2015

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Perdre sa vie à la gagner dans un no man’s land : un western contemporain

Sortie DVD de La Braconne, de Samuel Rondière Le jeune Driss vit de raquets médiocres où il amasse plus de coups que de sous. Il croise la route de Danny qui lui propose de participer avec lui à quelques coups de « braconne ». 

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Illustration 1
© Bandonéon

Sortie DVD de La Braconne, de Samuel Rondière
 

Le jeune Driss vit de raquets médiocres où il amasse plus de coups que de sous. Il croise la route de Danny qui lui propose de participer avec lui à quelques coups de « braconne ».

L’histoire est celle de Driss en voleur loser pathétique. Elle se poursuit avec la découverte d’un personnage d’un autre temps qui semble vivre dans sa voiture. De cette rencontre improbable, le film fait son point de départ mais pas son sujet central. En effet, ce qui aurait pu devenir un buddy movie est davantage le parcours semi initiatique d’un apprenti voleur appelé à perdre son innocence en même temps que son adolescence indécise. Le monde des voleurs, fait de petites combines évoluant vers une violence sans limites, n’est pas un monde rêvé de liberté et d’épanouissement personnel. Pour sa noirceur, le film se place plus du côté du polar que de la comédie sociale. La scénographie du film est ouvertement empruntée à celle du western : l’action du film se situe dans le no man’s land des zones commerciales, un désert où les espaces de vie humaine n’ont plus place. Lieu de consommation immédiate, c’est donc naturellement un lieu de combines diverses d’une économie parallèle. Le western US appelait en écho à la construction d’un pays : de la sauvagerie de mœurs devait naître une démocratie modèle. On sent la même amertume dans ce film que dans un western ouvertement crépusculaire : la modernité inscrite dans les projets d’urbanisation crée des temples de la consommation au détriment des espaces de sociabilité. Le personnage de Driss ne trouve une place satisfaisante dans la société qu’au moment où il se paie une chambre d’hôtel. Ce premier long métrage est donc marqué par une large amertume quant au devenir de la société. Danny, interprété de main de maître par Patrick Chesnais, incarne un passé distinct plus humain, avec ses codes, son humanité. Il y est rattaché par sa fille mais le présent de ses dettes l’empêche de s’y installer. Il est dès lors condamné à un éternel mouvement, la voiture devenant le prolongement de son affirmation sociale. Ainsi, le film s’inscrit à la fois dans une bonne synthèse du cinéma viril (des voleurs aux volés, c’est un monde exclusivement masculin qui est ici présenté où les femmes sont cantonnées à la figuration) du polar, avec une clairvoyance assez subtile quant à l’absence de projet de vie humaine de la part des politiques et urbanistes actuels. Samuel Rondière est un excellent metteur en scène car la plupart des acteurs sont irréprochables dans leur rôle (excepté le peu crédible Jean-Michel Fête en flic peu commun). En revanche, le scénario apparaît bien trop écrit, ne laissant que peu de place aux surprises et autres improvisations. Ce qui conduit rapidement le film dans le lit bien tracé d’un drame voire de la tragédie antique. On sent ici et là poindre des audaces, sans pour autant qu’elles s’incarnent en séquences cinématographiques. Dommage que dans cette édition DVD ne figure pas son court métrage Tandis qu’en bas des hommes en armes (2010) dont le casting composé Denis Podalydès et Denis Lavant, associé au talent certain de Samuel Rondière ne peut qu’attiser la curiosité.

Illustration 2

La Braconne. Le Vraie vie des petits voleurs

de Samuel Rondière

Avec : Patrick Chesnais (Danny), Rachid Youcef (Driss), Audrey Bastien (la fille), Husky Kihal (Fred), Moïse Santamaria (Remano), Jean-Michel Fête (le flic)

France, 2013.

Durée : 85 min

Sortie en salles (France) : 2 avril 2014

Sortie France du DVD : 7 avril 2015

Format : Scope – Couleur

Langue : français.

Éditeur : Jour2Fête

Bonus :

le livret : interview du réalisateur, liste artistique, liste technique (8 pages)

Interview du réalisateur
Bande-annonce

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