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Billet de blog 21 août 2015

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La subjectivité comme quête du Graal cinématographique

Parution du livre Chroniques subjectives du cinéma contemporain, de Thomas RoussotLe cinéma on en parle, on écrit dessus, on en fait des images, etc. Mais en quoi ces approches des films peuvent-elles être satisfaisantes ? Le cinéma comme d’ailleurs l’art en général mobilisant énormément les émotions et l’inconscient de son spectateur, l’analyse que certains critiques font des films ne peuvent honnêtement prétendre à l’univocité.

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Parution du livre Chroniques subjectives du cinéma contemporain, de Thomas Roussot
Le cinéma on en parle, on écrit dessus, on en fait des images, etc. Mais en quoi ces approches des films peuvent-elles être satisfaisantes ? Le cinéma comme d’ailleurs l’art en général mobilisant énormément les émotions et l’inconscient de son spectateur, l’analyse que certains critiques font des films ne peuvent honnêtement prétendre à l’univocité.

Thomas Roussot a lui-même l’habitude de parler des films à travers l’écriture mais son projet avec ce livre est de retrouver une certaine liberté pour tenter de s’approcher au mieux des films tels qu’il les a vécus. C’est en ce sens que ses mots sont « subjectifs » puisqu’ils traduisent son expérience personnelle du film. Cet ouvrage se compose d’une succession de textes personnels sur des films qui se succèdent sans ordre apparent : ni chronologique, ni par auteur, ni par nationalité… Ce qui fait parfois de cet ouvrage un carnet de notes sur des films vus un jour après un autre. Le choix de son corpus de films n’est pas non plus justifié et l’on peut supposer qu’il s’agit des films sur lesquels il a tout simplement eu envie d’écrire à un moment donné. On remarque néanmoins que le scénario de la plupart des films choisis constituent en eux-mêmes de véritables défis pour celui qui cherche à en établir un résumé prétendument « objectif ». La mise en scène du cinéaste est souvent plus prégnante que le scénario lui-même et la retranscription de celui-ci semble une aventure vaine pour tenter d’appréhender le film-même. La stratégie de Thomas Roussot est de donner à revivre ses impressions de spectateur durant le temps de projection du film en utilisant une approche clairement phénoménologique. Le cinéma étant l’art de la captation du mouvement, il est en effet intéressant de focaliser son attention sur les divers « événements », actions du film. Cette approche ne satisfera guère la raison qui peut aisément se perdre à la lecture de ces textes. Ainsi, le film Cogan est intégralement décrit sur deux pages et en une seule phrase. Ce qu’éprouve le lecteur est alors censé le rapprocher de ce que le film a procuré à son inconscient. Cet ouvrage est donc avant tout un essai littéraire sur des œuvres cinématographiques où le travail sur la forme du texte est fondamental. Le procédé adopté par l’auteur varie d’un film à un autre. Ainsi, le texte consiste en un paragraphe pour un film alors que pour un autre de nombreuses pages lui sont attribuées. Pour Cosmopolis de David Cronenberg, l’approche est un peu plus « analytique » puisqu’il est question des intentions du cinéaste.

Le pari de Thomas Roussot est à la fois audacieux et culotté. Il est préférable de « picorer » les pages que de les suivre dans leur continuité et tout esprit ludique est le bienvenu.

Quant au titre, chacun de ses termes peut être remis en question. Comment se définit le « cinéma contemporain » quant on parle aussi bien de Théorême de Pasolini que de Only God Forgives de Nicolas Winding Refn, deux films séparés par quarante années ? La « chronique » sous-entend une évolution dans le temps : qui concerne-t-elle ? le lecteur ou l’auteur du livre ? De même, la subjectivité affichée affirme implicitement que les autres productions écrites ou parlées autour du cinéma ne seraient pas subjectives… comme si l’objectivité en matière d’analyse de film pouvait exister. Chaque discours est pour ma part le fruit de son énonciateur, de même que dans les films il n’y a pas l’expression du « réel » mais toujours un regard porté sur ce réel. Quant à la subjectivité, elle apparaîtra à divers degré d’intensité : il est vraisemblable à cet égard que Thomas Roussot ait cherché un maximum de sa subjectivité avec des moyens qui peuvent paradoxalement apparaître comme objectifs en ce qui concerne l’approche phénoménologique. Un curieux ouvrage assurément !

Chroniques subjectives du cinéma contemporain

de Thomas Roussot

Nombre de pages : 230

Date de sortie (France) : 15 janvier 2015

Éditeur : L’Harmattan

lien vers le site de l’éditeur : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=45590

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