Parution du livre Cadavres exquis dans 7e art, de Marie-Christine de Montbrial
En un même ouvrage, Marie-Christine de Montbrial réunit sous sa plume les récits de vie de quatre grandes figures de producteurs de cinéma aux États-Unis et en France, se succédant en un ordre chronologique. Ainsi, on passe des américains David O. Selznick et Lew Wasserman, aux français Gérard Lebovici et Daniel Toscan du Plantier. Autour de ces quatre destinées, ce ne sont pas moins de 70 ans de cinéma qui sont convoqués. L’objectif de Marie-Christine de Montbrial est de mettre en avant l’exceptionnelle carrière et le talent hors normes de ces quatre personnalités. Le choix de celles-ci lui est complètement personnelle avec le fait qu’elle ait été amenée à travailler avec Gérard Lebovici et Daniel Toscan du Plantier. Car Marie-Christine de Montbrial fut également productrice mais à la filmographie bien moins heureuse (cf. Hercule et Sherlock de Jeannot Szwarc) avec sa société Agepro Cinéma. Les biographies qu’elle expose sont hachées : l’auteur n’hésite à multiplier les aller-retour dans le temps pour privilégier sa propre approche thématique. La carrière de ces hommes est ainsi selon elle plus importante que leur vie. Ce sont des hommes d’exception qui ont payé littéralement de leur personne pour faire vivre leurs projets : ardents travailleurs, ils n’ont pas compté leurs nuits d’insomnie pour faire avancer leurs projets, surtout les deux producteurs américains. Le culte de la valeur travail est manifeste dans les lignes de l’auteur avec une fascination pour l’industrie US bien huilée que ne comprendront jamais les professionnels français, comme Marie-Christine de Montbrial le démontre dans son ouvrage. À tant vouloir démontrer le génie de ses producteurs de prédilection, l’auteur en oublie totalement de développer le contexte socio-économique dans lequel évoluent ceux-ci. Le lecteur est dès lors placé face à des êtres d’exception, sans que lui soit proposé les éléments indispensables pour construire son propre jugement. D’autant plus que la plupart des citations utilisées par l’auteur ne sont jamais précédées d’une précision quant à leur origine : il faut la rechercher en notes à la fin de l’ouvrage, ce qui fait que l’on a bien vite abandonné l’envie de s’y référer bien avant la 500e occurence. Ainsi, les citations sont vécues comme s’il s’agissait de sources sûres, en oubliant leur auteur. L’auteur n’est ni historienne, ni cinéphile, ni journaliste d’investigation et ses lignes en pâtissent vraiment par leur manque de rigueur dans l’accès aux informations. Sur les plus de 400 pages que compose cet ouvrage, on en apprend beaucoup sur ces quatre producteurs et leurs points de vue sur le cinéma. Mais le résultat est hélas parcellaire et l’on gagnera assurément à retrouver les biographies de chacun de ces hommes de cinéma. Quant au titre Cadavres exquis, il s’avère quelque peu gratuit, ne réussissant pas à préciser la nature du livre. Il serait quelque peu morbide de tenter de prendre ce titre au premier degré : ces quatre producteurs étant morts et la description qu’en fait l’auteur étant si élogieuse, la seule justification probable de ce titre serait celle-ci…
L’orientation idéologique de l’auteur dans ses descriptions sont orientées vers la valeur sacro-sainte du « travail », de l’excellence de quelques hommes frisant l’élitisme, une défense éhontée du capitalisme le plus dur comme seul capable de financer l’art et les caprices des auteurs, une fascination non dissimulée pour le pouvoir (c’est se qu’incarnent tous ces hommes chacun à sa manière, du moins telle qu’elle nous les décrit). Sachant cela, il reste à conserver la substantifique moelle d’informations éparses à glaner au fil de cette longue lecture.
Cadavres exquis dans 7e art
de Marie-Christine de Montbrial
Nombre de pages : 500
Date de sortie (France) : 4 mai 2015
Éditeur : Jacques Marie Laffont éditeur