Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

3758 Billets

6 Éditions

Billet de blog 21 décembre 2025

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

La Leçon de piano (The Piano) de Jane Campion

Au XIXe siècle, Ada McGrath, jeune femme écossaise veuve, muette et mélomane, est débarquée avec sa fille sur une plage de Nouvelle-Zélande après avoir été mariée par son père au colon Alistar Stewart.

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
La Leçon de piano The Piano de Jane Campion © Carlotta Films

Sortie de l’édition Coffret Ultra Collector - 4K Ultra HD + Blu-ray + Livre : La Leçon de piano de Jane Campion

Il est bien difficile de rêver une édition plus complète pour le ou la cinéphile amoureux.se d’une œuvre en particulier que ce coffret Ultra Collector - 4K Ultra HD + Blu-ray + Livre de La Leçon de piano (The Piano, 1993). En effet, le livre-coffret de cette édition propose en près de 200 pages une analyse critique d’une ambitieuse pertinence de Mélanie Boissonneau détaillée des différentes contributions artistiques de la réalisation du film, de la photographie aux costumes, aux décors et à l’interprétation des acteurs et des actrices, sans parler de la singularité de l’écriture scénaristique, avec en outre la prise en considération de la réception critique dudit film à différentes époques. Il est ainsi rare que ce film emporte un tel engouement mais aussi des avis contradictoires tout étant chacun légitime quant au film, de la dénonciation de la promotion du racisme et du sexisme à travers l’érotisation de la domination masculine de bell hooks en 1994 à la revendication du female gaze, ce « regard qui nous fait ressentir l'expérience d'un corps féminin à l'écran » selon Iris Brey en 2020.

Le cinéma de Jane Campion est exigeant et se construit sur une complexité des personnages qui ne peuvent être ainsi réduits à des archétypes, tout en assumant la limite de son regard pākehā (néo-Zélandais d'origine anglo-saxonne ou européenne) sur les peuples autochtones multiséculaires maoris et en développant son scénario personnel sur la base assumée d’une référence littéraire romantique extraterritoriale avec Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights, 1847) d’Emily Brontë.

Sans suivre les canons officiels d’un féminisme explicite, Jane Campion construit sa mise en scène à partir de la sensorialité de l’expérience intérieure de son héroïne avec une liberté de création dans la production de son film comme rarement atteinte dans un film en costumes. Elle déjoue ainsi dans son triangle amoureux la vision binaire d’un époux imposé puritain et colonial cruel face à un amant qui tente davantage de s’inscrire dans la culture local en offrant une émancipation sexuelle à son objet-sujet de désir, avec deux attitudes masculines qui imposent leurs désirs sur une femme avec des attitudes foncièrement prédatrices. Plus qu’un idéal des comportements entre genres, Jane Campion digère et questionne les références du romantisme littéraire britannique d’Emily Brontë dans le contexte de la Nouvelle-Zélande colonisée, se servant de l’ambivalence fondamentale du piano entre outil d’expression d’une femme mais encore comme instrument imposant une culture élitiste coloniale.

De même, la figure de l’ange est utilisée ici comme un symbole dépassant la seule interprétation classique chrétienne pour devenir avec la fille de l’héroïne l’image de la messagère accélérant l’intrigue vers un dénouement qui ne va pas sans violence physique et traumatique. Il est ainsi impossible de réduire à une seule vision monolithique le propos du film qui s’ouvre sans cesse à de multiples lectures où la composition des plans viennent une configuration inédite des rapports des genres dans l’expression de leur désir luttant aussi bien le patriarcat dominant du male gaze tout autant que le regard dominateur du colon sur la Nouvelle-Zélande.

Illustration 2

La Leçon de piano
The Piano
de Jane Campion
Avec : Holly Hunter (Ada McGrath), Harvey Keitel (George Baines), Sam Neill (Alistair Stewart), Anna Paquin (Flora McGrath), Kerry Walker (Tante Morag), Genevieve Lemon (Nessie), Tungia Baker (HiraIan Mune (le révérend), Peter Dennett (Head Seaman), Te Whatanui Skipwith (Chef Nihe), Pete Smith (Hone), Bruce Allpress (l’accordeur de piano non-voyant), Cliff Curtis (Mana)
Australie, France, Nouvelle-Zélande – 1993.
Durée : 121' (2h01)
Sortie en salles (France) : 19 mai 1993
Sortie France de l’édition coffret Ultra Collector - 4K Ultra HD + Blu-ray + Livre : 2 décembre 2025
Format : 1,85 – Couleur
Langues : anglais, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Carlotta Films

Collection Coffrets Ultra Collector n° 30
Visuel exclusif créé par Haley Turnbull
Nouvelle restauration 4K Dolby Vision supervisée et approuvée par Jane Campion et Stuart Dryburgh
Contient :
le 4K Ultra HD du film (Dolby Vision et HDR10)
le Blu-ray du film
le livre inédit « Il y a un silence : La leçon de piano de Jane Campion » par Mélanie Boissonneau avec plus de 40 photos d’archives (200 pages)

Bonus :
« Jane Campion et Amy Taubin » : Conversation entre la cinéaste et la critique de cinéma (2022, The Criterion Collection, HD, 26’52”, VOST)
Stuart Dryburgh à propos du tournage du film (2022, The Criterion Collection, HD, 9’52”, VOST)
Coulisses du tournage (1993, 15’50”, VOST)
Court métrage : Le Journal de l’eau de Jane Campion (« The Water Diary », 2006, HD, 17’54”, VOST)
Bande-annonce originale (HD, 2’28”, VOST)
Bande-annonce 2017 (HD, 1’49”, VOST)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.