Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

3658 Billets

6 Éditions

Billet de blog 22 décembre 2022

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

"Le Vent de la plaine" (The Unforgiven) de John Huston

La famille Zachary vit un grand moment de bonheur avec le retour des frères Ben, Cash et Andy au foyer tenu par leur sœur adoptive Rachel et leur mère Mattilda. La paix du foyer est cependant menacée par un soldat sudiste errant à la mine fantomatique qui répand la rumeur selon laquelle Rachel Zachary serait un enfant volé de la tribu originaire des Kiowas.

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sortie du combo Blu-ray/DVD : Le Vent de la plaine de John Huston

Réalisé avant The Misfits (1961), Le Vent de la plaine (The Unforgiven) peut souffrir de la comparaison dans son ambition. Pourtant, tout commençait bien avec une volonté de dénoncer le racisme à l'égard des populations originaires qui ont trop longtemps servi de bouc émissaires de toutes les frustrations de colons s'appropriant toujours davantage de territoires dans une avancée sanguinaire vers l'ouest. L'histoire originale peut rappeler celle mise en scène par John Ford quelques temps plus tôt pour La Prisonnière du désert (The Searchers, 1956) avec l'histoire d'une jeune fille dans l'Ouest américain déchirée par des cultures prétendument antagoniques au sein du western classique avec ce conflit continu entre cow-boys et Indiens.

Illustration 1
"Le Vent de la plaine" (The Unforgiven) de John Huston © Sidonis Calysta

Les deux scénarios sont en effet liés par l'adaptation d'un même auteur : Alan Le May. Cependant, John Huston échoue là où John Ford réussit un exercice bienvenu d'autocritique. Considéré par Huston comme son plus mauvais film, c'est davantage l'enjeu de la dernière partie du film qui est regrettable que ses choix de mise en scène toujours très justes et inventifs.

Si l'on en croit le cinéaste, celui-ci a été dépossédé de son film avec notamment une amputation d'une demie-heure de scènes. Impossible à l'heure actuelle de connaître ce qu'aurait pu être le film envisagé par Huston, toujours est-il que Le Vent de la plaine après avoir défendu la tolérance à l'égard du monde indien dans la première partie du récit, revient entièrement sur ce regard puisque ladite famille Zachary du film se met à assassiner sans distinction les Kiowas sans que l'on puisse les individualiser ni nourrir de l'empathie à leur égard à l'exception du frère de Rachel. Pourquoi avoir refuser par les choix de mise en scène d'humaniser des individus qui tombent mortellement sous le coup des balles des membres de la famille Zachary au complet ? C'est une bien malheureuse conclusion réactionnaire alors que les deux premiers tiers du film ne manquaient pas d'inventivité dans la forme de sa narration et l'humanisme de son propos.

Ainsi, le fantastique apparaît à travers la chasse dans la brume et la présence fantomatique de ce soldat sudiste qui vient créer le trouble et réveiller le racisme latent au sein d'une communauté dont la solidarité affichée, tient au final à peu de chose. Il est néanmoins possible de réévaluer la conclusion du film en évacuant le propos indianophobe rétrograde si l'on considère toute la séquence du massacre de la famille Zachary qui s'autodétruit en même temps qu'elle assassine l'incarnation de son altérité du côté des Kiowas, comme une mise en scène de la folie d'une famille enfermée sur elle-même qui ne voit en l'autre qu'une menace. Le héros principal joué par Burt Lancaster s'autorise en effet l'inceste au cœur du drame sans que cela ne soit pour autant présenter comme une fin heureuse.

Il faut encore rappeler les difficultés innombrables rencontrées sur le tournage, de Burt Lancaster qui prétendait prendre le rôle du réalisateur au détriment de Huston, de Lillian Gish qui ne jurait que par les cinéastes du muet dont elle fut l'égérie, d'Audrey Hepburn enceinte qui fut victime d'un accident de cheval entraînant une fausse couche... Une sorte de malédiction plane ainsi sur le film mais le talent de John Huston lui a permis de se maintenir et de conserver sa force de narration à travers le temps.

Ajoutons la présence en tant qu'assistant réalisateur non crédité, le cinéaste

Illustration 2

Le Vent de la plaine
The Unforgiven
de John Huston
Avec : Burt Lancaster (Ben Zachary), Audrey Hepburn (Rachel Zachary), Audie Murphy (Cash Zachary), Lillian Gish (Mattilda Zachary), Doug McClure (Andy Zachary), John Saxon (Johnny Portugal), Charles Bickford (Zeb Rawlins), Albert Salmi (Charlie Rawlins), Joseph Wiseman (Abe Kelsey, le cavalier « fou »), June Walker (Hagar Rawlins), Kipp Hamilton : Georgia Rawlins), Arnold Merritt (Jude Rawlins), Carlos Rivas (Lost Bird
USA, 1960.
Durée : 116 min
Sortie en salles (France) : 12 août 1960
Sortie France du combo Blu-ray/DVD : 9 décembre 2022
Format : 2,35 – Couleur
Langues : anglais, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Sidonis Calysta

Bonus :
Présentations du film par Patrick Brion et Jean-François Giré
Autour du roman par François Guérif
Le film maudit de John Huston
Documentaire : « Audrey l’indienne »

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.