
Sortie DVD de Electric Boogaloo, de Mark Hartley
À côté de The Go-go Boys de Hilla Medalia, Electric Boogaloo est le second film consacré à la société de production iconoclaste Cannon (1979-1989) de Menahem Golan et Yoram Globus. Le premier eut droit à une projection cannoise en 2014 en présence des deux intéressés, Menahem Golan et Yoram Globus, ainsi qu’à une distribution en salles. Le second sort directement en DVD et n’a pas eu droit durant son tournage à ce que les deux principaux protagonistes soient interviewés aux côtés des nombreux autres témoignages. À l’instar des deux biopics sur Saint Laurent sortis en 2014, il y a d’un côté la version officielle et l’autre, sans que l’un ne remplace l’autre, chacun jouant plutôt dans une relation de complémentarité. Alors que The Go-go Boys de Hilla Medalia est un vibrant hommage aux deux producteurs israéliens venus aux États-Unis conquérir Hollywood et laissant leur trace indélébile sur les années 1980, Electric Boogaloo de Mark Hartley s’intéresse moins à ces deux hommes qu’au cinéma qu’ils produisent. Ce qui n’empêche de saluer tous les efforts menés par ce duo inclassable pour avoir fait naître tant de films. Mark Hartley a précédemment signé des documentaires sur le cinéma de genre australien (Not Quite Hollywood : The Wild, Untold Story of Ozploitation !) en 2008 et philippin (Machete Maidens Unleashed) en 2010. Pour le cinéma de genre australien, il avait su trouver Quentin Tarantino en personne pour partager avec le spectateur sa passion pour ce type de cinéma : la passion était communicatrice ! Cette fois-ci, Mark Hartley est confronté à un sérieux dilemme : parler du cinéma de genre qu’il affectionne tout en laissant une large place aux portraits de Menahem Golan et Yoram Globus. Si l’hommage aux personnalités des producteurs est évident dans The Go-go Boys de Hilla Medalia, Mark Hartley est plus irrévérencieux à leur égard, plus soucieux de produire le maximum de films que d’offrir une once d’intérêt à chacun de ceux-ci. Si l’on est amené à les voir comme les maîtres du mauvais goût décomplexé, force est de constater que la Cannon a sa place tout à fait légitime dans l’histoire du cinéma américain. Elle a été d’ailleurs le reflet le plus frappant des années 1980, avec la domination des action movies, de l’âge d’or de la VHS, de la pensée conservatrice et néolibérale reaganienne. Jusqu’à nos jours, leur héritage est toujours très vivant car la fin de la Cannon à la fin des années 1980, vit la naissance de la société de production Nu Image (plus tard associée au nom Millenium Films) d’Avi Lerner qui avait travaillé avec la Cannon et dont la ligne éditoriale est sensiblement proche, très proche. Ses dernières productions que n’auraient pas renié sont la saga des Expendables : ce recyclage des gloires d’antan du film d’action était déjà une belle trouvaille de la Cannon. Il faut à ce moment précis revenir sur les titres de gloire de cette société : la seconde carrière de Charles Bronson et Chuck Norris dans les années 1980, la découverte de Jean-Claude Van Damme et Michael Dudikoff, la production de films d’auteur (John Cassavetes, Franco Zeffirelli, Jean-Luc Godard, Andreï Konchalovski, Barbet Schroeder), le développement de films de ninja aux États-Unis, etc. Difficile de parler de l’histoire du cinéma américain sans évoquer la Cannon, pour le meilleur ou pour le pire : tel est le contrat de mariage pas toujours heureux entre la Cannon et Hollywood !

Pour la forme, ce documentaire est des plus classiques, enchaînant en un montage très rapide les multiples témoignages des proches collaborateurs de Menahem Golan et Yoram Globus sur fond noir. Leurs propos sont tellement coupés avec des phrases non achevées, que l’on sent chez le réalisateur l’envie de démontrer une vision prédéterminée sur la Cannon et ses deux fondateurs. Mark Hartley ne rencontre pas des personnes pour enquêter sur ce que fut la Cannon mais plutôt pour confirmer ce qu’il savait déjà et qu’il veut proposer au public. Ceci conduit à avoir un regard formaté sur la Cannon, sans avoir de recul contextualisé sur l’état de la production cinématographique dominante alors dans les années 1980 à Hollywood. De même le succès populaire de films ultra conservateurs dont Menahem Golan fut lui-même le réalisateur (cf. Delta Force) n’est guère analysé. Les témoignages confirment l’aspect foutraque de la Cannon, renforçant les a priori que l’on peut avoir sur les producteurs de films de genre. C’est là l’une des sérieuses limites de ce documentaire. Malgré tout, par son traitement classique et chronologique, racontant la naissance et la mort de la Cannon, Electric Boogaloo contribue à offrir des clés de compréhension sur le cinéma des années 1980 et d’aujourd’hui (où ce cinéma est remis au goût du jour à grand renfort de blockbusters) aux États-Unis.

Electric Boogaloo
Electric Boogaloo: The Wild, Untold Story of Cannon Films
de Mark Hartley
Avec les interventions de : Dolph Lundgren, Bo Derek, Molly Ringwald, Eliott Gould, Michael Dudikoff, Robert Forster, Alex Winter, Franco Nero, Richard Chamberlain, Tobe Hooper
États-Unis – Australie – Israël – Royaume-Uni, 2014.
Durée : 107 min
Sortie en salles (France) : inédit
Sortie France du DVD : 15 janvier 2015
Format : 1,85 – Couleur
Langues : anglais, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Luminor