Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

3763 Billets

6 Éditions

Billet de blog 23 juin 2016

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

« Bad Boy Bubby » un film culte et déjanté de Rolf De Heer

Bubby, jeune australien de 30 ans, a été élevé depuis sa naissance par sa mère dans le sous-sol terne d’une maison. Il a toujours cru que l’extérieur était inaccessible parce que sans oxygène. Mais un jour, il entend une autre voix que celle de sa mère : après trente-cinq ans d’absence, son père apparaît. Le monde ne sera dès lors plus comme avant...

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© DR

Sortie Blu-ray : Bad Boy Bubby de Rolf De Heer

Le film commence d’une manière très étrange, illustrant sans vergogne tous les complexes possibles théorisés par Freud pour expliquer la construction psychologique de l’individu humain. Passé ce moment de découverte affolante, dérangeante d’un être hors normes, parce que sans lien humain habituel, Bubby va découvrir le monde, qui ne sera pas moins terne que son antre fœtal mais qui lui offrira d’autres opportunités pour se développer. Ainsi, construisant son identité par mimétisme, il sera tour à tour SDF candide, grand enfant, pervers, serial killer, chanteur de rock avant-gardiste... Cet être asocial est progressivement le plus à même de parler de la société « normale » qu’il traverse. Commençant dans une atmosphère underground, le film se révèle être d’une grande humanité qui ne quittera jamais Rolf De Heer, jusqu’à son récent Charlie’s Country.
Un être hors normes (dont le mode de vie n’appartient pas l’usage courant) arrive dans la société contemporaine : ce pourrait être le scénario d’un film à l’humour pesant dans la lignée des Visiteurs de Jean-Marie Poiré dans le mode lessivé de sa forme. Et l’humour ne manque pas dans la filmographie de Rolf De Heer, il suffit pour cela de se rappeler de 10 canoés, 150 lances et 3 épouses (Ten Canoes), où la rencontre avec la culture aborigène passait par le partage de ses codes d’humour. Le film réussit à traiter ses hautes ambitions de peinture de la société contemporaine, dans ses contradictions, sa violence et ses déséquilibres profonds. Pour nous faire partager le parcours de son protagoniste, le cinéaste explore avec un impressionnant à propos l’expression que d’aucuns nommerait expérimentale. Film à petit budget, le tournage s’est fait avec une équipe réduite, ne nécessitant pas la présence permanente d’innombrables acteurs et figurants pour chaque scène. L’histoire se met en place sur le mode du road-movie (ici sans voiture ni de long territoire à parcourir), Bubby découvrant l’humanité au fil de diverses rencontres dans une même ville. Et pour illustrer chaque séquence qui pourrait être des sketchs, 32 chefs opérateurs se sont succédés à l’image, chacun imposant son regard, pour des séquences inattendues d’une très grande inventivité de mise en scène, parfois proche du cartoon.

Bad Boy Bubby est un film inclassable, détonnant de part en part, quel que soit le bout par lequel on le prenne, imposant un personnage et un univers inédits ; tout est donc réuni pour faire de lui une œuvre culte. Les influences sont indénombrables dans le cinéma de ces dernières années, depuis le personnage isolé à la fin de Cube de Vincenzo Natali, en passant par la découverte d’un monde utopique et cartoonesque dans Norway of Life de Jens Lien, jusqu’à la décision de rompre avec le lien parental sans aucune compromission d’Into the Wild de Sean Penn.

Illustration 2

Bad Boy Bubby
Bad Boy Bubby
de Rolf De Heer
Avec : Nicholas Hope (Bubby), Claire Benito (Mam), Ralph Cotterill (Pop), Carmel Johnson (Angel), Syd Brisbane (Yobbo), Nikki Price (la femme qui hurle), Norman Kaye (le scientifique), Paul Philpot (Paul), Peter Monaghan (Steve), Natalie Carr (Cherie the Salvo), Rachael Huddy (Rachael), Bridget Walters (la mère d'Angel), Ullie Birve (la femme en robe), Audine Leith (Fondled Salvo), Lucia Mastrantone (la livreuse de pizza)
Australie - Italie, 1993.
Durée : 114 min
Sortie en salles (France) : 1er novembre 1995
Sortie France du DVD : 7 juin 2016
Format : 2,35 – Couleur
Langues : anglais, français, espagnol, portugais - Sous-titres : français.
Éditeur : Blaq Out
Bonus :
• Le film en version restaurée d'après un nouveau master HD
• Entretien avec Rolf de Heer (20 min)
• Court-métrage Caressor, Confessor de Tim Nicholls (1989, 20 min) avec Nicholas Hope
• Piste stéréo binaurale pour casque audio : le film dans la tête de Bubby


lien vers le site de l’éditeur

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.