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Billet de blog 23 décembre 2022

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Westworld - Saisons 1 à 3

Sortie de l'édition 4K Ultra HD + Blu-ray : Westworld - Saisons 1 à 3 Dans un avenir indéterminé, Westworld est un parc d’attraction qui propose à ses clients une immersion totale dans l’univers du western, où chacun peut se livrer à toutes les violences possibles sur les androïdes mis à leur disposition.

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Westworld - Saison 1 : Le Labyrinthe

Dans un avenir indéterminé, Westworld est un parc d’attraction qui propose à ses clients une immersion totale dans l’univers du western, où chacun peut se livrer à toutes les violences possibles sur les androïdes mis à leur disposition.

Dans la fougue effervescente des réalisations de séries télévisées, Westworld tire son origine de l’adaptation du film Mondwest (Westworld, 1973) écrit et réalisé par Michael Crichton, à qui l’on doit également le scénario et l’histoire originale de Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993) un autre récit de parc d’attraction à thème pour millionnaires en manque d’émotions fortes. Sur ce thème du parc d’attraction, sont mis en question les besoins de l’être humain à aller chercher dans le factice une vérité sur lui-même. On peut y voir une métaphore totalement assumée comme telle de la relation nouée entre le spectateur et le cinéma : à ce titre, le western comme figure archétypique du cinéma américain révèle aussi bien la quête d’une nation pour se construire une identité comme de l’individu américain contemporain totalement perdu se raccrochant comme un forcené à une arme à feu comme s’il s’agissait de l’unique moyen d’expression dans son rapport à l’autre.

Illustration 1
Westworld © Warner Bros.

Il en découle dans ce monde développé dans le parc Westworld l’expression régressive d’une humanité se vautrant allègrement dans la fange de sa propre violence où le plaisir passe par l’humiliation totale de l’autre. C’est là que commence la nouvelle proposition scénaristique de la série télévisée créée par Jonathan Nolan et Lisa Joy : prendre en compte le point de vue de la personne opprimée, en l’occurrence ces robots dont l’existence est mise entre les mains des caprices des clients fortunés. Autour de la figure multiséculaire de la marionnette humanoïde, qu’elle se nomme Pinocchio, l’ordinateur de 2001, ou le robot enfant de A.I. de Spielberg, la question de la reconnaissance de l’humanité dans l’altérité est posée.

Dans Westworld, la société présentée est avant toute chose celle des robots appelés « hôtes ». En effet, à défaut d’être présentés dans leurs relations dans leur vie réelle civile en dehors de leurs activités professionnelles, les êtres humains sont montrés au sein de l’édifice de l’entreprise où semble régner une nuit permanente où le personnel est continuellement en mouvement pour faire vivre Westworld. Dès lors, comme dans tout bon récit d’anticipation traditionnel qui se respecte, l’avenir de l’humanité est plus que sombre et la nécessité de plonger dans une vie artificielle parallèle d’autant plus impérieuse. C’est un peu comme si les clients de Westworld avaient fini par renoncer à leur propre monde moribond. Dès lors, il est logique que se développe progressivement une nouvelle humanité : celle des androïdes du parc.

La série développe son récit sur une lente, patiente mais très efficace révolte, celle des hôtes face à leurs touristes sans scrupule. Car à cet égard, la métaphore du film est aussi celle d’un tourisme de masse transformant les rapports humains dans un néocolonialisme où le pouvoir économique aboutit à une idéologie implicitement raciste : la race des touristes et la race de ceux qui reçoivent, contraintes à se prostituer complètement selon les directives souvent établies par le FMI selon le prétexte fallacieux de sauver une économie nationale. La série devient ainsi peu à peu politique dans la lignée du premier chef d’œuvre du film d’anticipation Metropolis de Fritz Lang où un androïde, merveille de la technologie, commençait également à mener une lutte face à l’injustice entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien.

C’est tout cet univers que propose la série télévisée créée par Jonathan Nolan et Lisa Joy, coproduite par J.J. Abrams, et où l’on retrouve parmi les réalisateurs Vincenzo Natali (Cube, 1997). L’histoire prend un certain temps à poser son univers, certains personnages apparaissant mièvres durant quelques épisodes (cf. le récit entre Dolorès, Teddy et William) mais tout cet ensemble trouve peu à peu son sens dans une accélération du récit à mi-parcours de la saison. Les rebondissements et révélations se multiplient tout comme les personnages deviennent de plus en plus denses et charismatiques. Si quelques scènes d’action auraient pu être sacrifiées au profit d’une tension psychologique intimiste, le montage est assez bien équilibré entre le monde solaire du parc et celui obscur de l’entreprise capitaliste aux mains de ses actionnaires sans scrupules (c’est aussi l’un des autres sujets du film de montrer le système néolibéral d’entreprise comme l’archétype du fléau de l’humanité).

Certains personnages sont un peu trop rapidement sacrifiés dans l’unique but de créer de nouvelles surprises alors qu’ils auraient pu apporter un grand bénéfice au développement du récit. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une série d’anticipation qui réussit le pari de marier spectacle et réflexion philosophique sur le terreau de l’identité humaine fondée sur les rapports de classe.

Westworld - Saison 1 : Le Labyrinthe
Westworld - Season One: The Maze

Intégrale saison 1 :
1 - L’Original (The Original)
2 - Marronnier (Chestnut)
3 - L’Égaré (The Stray)
4 - Théorie de la dissonance (Dissonance Theory)
5 - Contrapasso (Contrapasso)
6 - L’Adversaire (The Adversary)
7 - Trompte l’oeil (Trompe L’Œil)
8 - L’Origine du déclin (Trace Decay)
9 - Le Clavier bien tempéré (The Well-Tempered Clavier)
10 - L’Esprit bicaméral (The Bicameral Mind)
Avec : Evan Rachel Wood (Dolores Abernathy), Thandie Newton (Maeve Millay, mère maquerelle), Jeffrey Wright (Bernard Lowe, le directeur de la programmation du parc), James Marsden (Theodore « Teddy » Flood), Anthony Hopkins (Dr Robert Ford, fondateur et directeur du parc Westworld), Ben Barnes (Logan), Sidse Babett Knudsen (Theresa Cullen, la directrice des opérations du parc), Jimmi Simpson (William), Shannon Woodward (Elsie Hughes), Luke Hemsworth (Ashley Stubbs, directeur de la sécurité du parc), Ingrid Bolsø Berdal (Armistice), Simon Quarterman (Lee Sizemore, directeur de la narration du parc), Rodrigo Santoro (Hector Escaton, hors-la-loi le plus recherché du parc), Angela Sarafyan (Clémentine Pennyfeather), Clifton Collins Jr. (Lawrence), Tessa Thompson (Charlotte Hale, directrice exécutive du parc), Ed Harris (l'homme en noir), Talulah Riley (Angela (récurrente saison 1), Louis Herthum (Peter Abernathy)
USA – 2016.
Durée totale : 7h 30 min
Diffusion télévisée (France) : depuis le 3 octobre 2016
Couleur
Éditeur : HBO
Distributeur : Warner Bros.


Westworld – Saison 2 : La Porte
Le parc d'attraction mettant en scène le Far West servi par des androïdes est en ébullition : les androïdes mènent une révolte sans merci contre les esclavagistes humains.

La première saison de Westworld, adaptation de l'histoire originale de Michael Crichton qu'il avait lui-même réalisé en film en 1973 sous le titre Mondwest, dépeignait un univers intrigant qui peu à peu montrait ses failles. Dans un monde dominé par la science, les nanotechnologies et les puissants consortiums économiques, le fascisme de la pensée unique n'est pas loin. Cette réflexion sombre sur le développement des sciences mises au service de mains peu scrupuleuses est le propre des bons scénarios de science-fiction. Westworld est à cet égard excellemment porté par ses auteurs Jonathan Nolan et Lisa Joy, qui se sont investis dans une écriture finement ciselée.

Illustration 2
Westworld 2 © HBO

Cette nouvelle saison s'intéresse plus particulièrement au contrôle que prend peu à peu l'intelligence artificielle et les réseaux sociaux pour s'enrichir de la vie de tout à chacun. Après le temps de l'esclavage des androïdes de la première saison, arrive donc celui de leur révolte ! Le récit est mené par divers personnages principaux dans un récit choral qui se joue également de l'absence de frontières temporelles : une action dans le passé non encore mise à la conscience du spectateur aura une conséquence dans le présent en cours, dans un montage temporel vertigineux ! On se rappelle alors que Memento de Christopher Nolan a été coécrit avec son frère Jonathan Nolan !
Les acteurs prennent à cœur leur personnage et le défendent avec une réelle perspicacité, notamment Jeffrey Wright, dont le personnage possède une infinité surprenante de facettes.
Le scénario propose une véritable réflexion contemporaine sur l'enjeu du développement des réalités virtuelles où chacun surjoue sa propre vie personnelle et finit par accepter d'y livrer une grande part de son intimité qui devient dès lors un produit coté en bourse, comme l'atteste le développement fulgurant de l'entreprise Facebook. Le scénario est ainsi extrêmement bien connecté avec son époque tout en plongeant dans les schémas narratifs qui parcourt l'histoire de la littérature, des figures bibliques de la Terre promise, du Cavalier de l'Apocalypse, en passant par la philosophie grecque et au drame shakespearien de conquête sanglant du pouvoir.

La réflexion philosophique s'inscrit ainsi dans la tradition des meilleurs récits de science-fiction. Qui plus est, une touche particulièrement féministe est très bien vue dans cette série télévisée où les leaders des groupes machistes de cow-boys sont des femmes, du côté des humains comme des androïdes. La violence machiste du western est ainsi battue en brèche. En revanche, les scènes de tueries collectives se multiplient à un nombre affolant au fil des épisodes où des dizaines de cadavres ne cessent de s'amonceler faisant passer Sam Peckinpah et Quentin Tarantino pour des enfants de chœur ! L'exposition de ces scènes tournent souvent à l'overdose et n'apporte pas grand chose au récit. De même, deux épisodes au milieu de la saison s'offrent une parenthèse inattendue, tout d'abord en changeant de décor avec l'univers du shogun japonais du XVIIe siècle et ensuite l'épisode exclusivement consacré à un Indien. L'épisode final est un véritable feu d'artifice, concentrant tous ces effets en peu de temps et réservant tous les éléments ouverts à une troisième saison.

Westworld – Saison 2 : La Porte
Westworld - Season Two: The Door

Intégrale saison 2 :
1 - Voyage dans la nuit (Journey into Night)
2 - Réunion (Reunion)
3 - Virtù e Fortuna (Virtù e Fortuna)
4 - L’Énigme du Sphinx (The Riddle of the Sphinx)
5 - Akane no Mai (Akane no Mai)
6 - Le Cœur de Sakura (Phase Space)
7 - Les Écorchés (Les Écorchés)
8 - Kiksuya (Kiksuya)
9 - Point de fuite (Vanishing Point)
10 - Le Passager (The Passenger)
Avec : Evan Rachel Wood (Dolores Abernathy), Thandie Newton (Maeve Millay), Jeffrey Wright (Bernard Lowe), Ed Harris (William, l'homme en noir), James Marsden (Theodore « Teddy » Flood), Tessa Thompson (Charlotte Hale, directrice exécutive du parc), Anthony Hopkins (Dr Robert Ford, fondateur et directeur du parc Westworld), Ben Barnes (Logan), Peter Mullan (James Delos), Luke Hemsworth (Ashley Stubbs, directeur de la sécurité du parc), Rodrigo Santoro (Hector Escaton, hors-la-loi le plus recherché du parc), Ingrid Bolsø Berdal (Armistice), Louis Herthum (Peter Abernathy), Angela Sarafyan (Clémentine Pennyfeather), Jimmi Simpson (William), Shannon Woodward (Elsie Hughes), Clifton Collins Jr. (Lawrence), Gustaf Skarsgård (Karl Strand)
USA – 2018.
Sortie du coffret Blu-ray : 5 décembre 2018
Couleur
Éditeur : HBO
Distributeur : Warner Bros.
Bonus :
« Les hôtes androïdes » (3’23”)
« Un lieu évocateur » (3’23”)
« Fort Forlorn Hope » (5’31”)
« L’expérience Delos » (5’59”)
« Shogun Word » (12’57”)
« Les coulisses du Cradle » (4’47”)
« Chaos à la Mesa » (5’28”)
« Une nation fantôme » (3’19”)
« Déconstruction de Mave » (3’31”)
« La vallée au-delà » (11’42”)
« La vérité sur Delos » : la mythologie de la société et sa mission risquée (12’40” - VOST)
« Ces plaisirs violents ont des fins violentes » : la philosophie de la série (11’11” - VOST)
« De nouveau en ligne » (VOST) :
Réflexions sur la saison 2 (14’51”)
Amour et Shogun (15’19”)
Voyages et technologies (15’19”)

Westworld – Saison 3 : Le Nouveau monde
Après la révolte sanglante des hôtes de Westworld, l'histoire se poursuit dans le monde réel où Dolorès a pris l'initiative des attaques contre un consortium qui contrôle la vie et la destinée des pays comme des individus qui les habitent.

Fini le monde du western des deux premières saisons, cette fois-ci l'univers est plus ou moins éloigné du parc d'attraction confiné même si quelques épisodes de la Seconde Guerre mondiale en Italie apparaissent en continuité d'exploitation d'une scénographie autour d'un genre filmique. Après le western, la science-fiction comme genre reprend totalement le dessus avec toutefois un cadre géopolitique qui évoque les tensions associées au terrorisme en quête d'une nouvelle humanité quand il ne s'agit pas de détruire entièrement cette dernière.

Illustration 3
Westworld 3 © HBO

Les scénaristes font ici une proposition audacieuse en osant opérer ce qui ressemble presque à un « reset » puisque certains personnages sont certes repris mais sans forcément puiser dans les racines de leur psychologie antérieure. Le cadre du parc d'attraction sert en revanche en toile de fond pour établir une métaphore entre le contrôle des androïdes et celui de toute la population humaine.

L'influence de Matrix est ici omniprésente dans la volonté des individus de se libérer d'une puissance qui a clôturé l'ensemble des vies et des initiatives sur Terre. Le puissant ordinateur qui prend la forme d'une énorme sphère teintée de noir et de rouge n'est pas sans rappeler la présence menaçante de l'ordinateur de bord de 2001, l'odyssée de l'espace de Kubrick. Ici, ce qui nourrit l'intrigue ce sont les peurs contemporaines autour des bases de données qui concentrent des informations colossales sur les vies de chacun et chacune de par le monde surtout grâce aux usages des réseaux sociaux, véritable toile d'araignée où vient se perdre l'humanité pour s'y laisser lentement dévorer.

Les questions philosophiques se retrouvent ici en retrait face à la multiplication des combats à mains nues comme avec des armes à feu sophistiquées. Les intrigues suivent plusieurs protagonistes sans pour autant réussir à harmoniser la place de chacun et chacune. Ainsi, le rôle de Bernard Lowe interprété par Jeffrey Wright est complètement sous employé par rapport à sa place centrale au sein des deux saisons précédentes et qui permettait des réflexions identitaires philosophiques centrales dans l'évolution du récit, à tel point que si son personnage disparaissait, cela n'aurait grossièrement pas de gros impact sur cette saison.

La nouveauté est l'apparition d'un nouveau méchant aux intentions démiurgiques joué par l'acteur français Vincent Cassel qui rappelle la frenchitude inquiétante de Lambert Wilson dans la saga Matrix. Son histoire est en revanche bien plus intéressante et justifie le renouveau de l'intrigue de cette troisième saison.

Cette troisième saison, malgré le défi de son nouveau cadre d'action, souffre d'une démultiplication des scènes d'action au détriment des scènes où l'humanité est questionnée en miroir, tout comme la place de toute une technologie qui aspire toutes les données du monde humain. Ce cadre aurait pu donner bien plus d'ampleur à l'intrigue par ses réflexions vertigineuses au lieu de multiplier des scènes de combat qui perdent d'autant plus de leur enjeu que les motivations des personnages se dissolvent totalement dans la conscience du public.

Illustration 4

Westworld – Saison 3 : Le Nouveau monde
Westworld - Season Two: The New World

Intégrale saison 3 :
1. Parce Domine (Parce Domine)
2. La Ligne d'hiver (The Winter Line)
3. L'Absence de champ (The Absence of Field)
4. La Mère des exilés (The Mother of Exiles)
5. Genre (Genre)
6. Décohérence (Decoherence)
7. Gage de réussite (Passed Pawn)
8. Théorie de crise (Crisis Theory)


Avec : Evan Rachel Wood (Dolores Abernathy), Thandie Newton (Maeve Millay), Jeffrey Wright (Bernard Lowe), Aaron Paul (Caleb Nichols), Vincent Cassel (Engerraund Serac), Tessa Thompson (Charlotte Hale, directrice exécutive du parc), Luke Hemsworth (Ashley Stubbs), Ed Harris (William, l'homme en noir), Angela Sarafyan (Clémentine Pennyfeather), Simon Quarterman (Lee Sizemore), Rodrigo Santoro (Hector Escaton), Clifton Collins Jr. (Lawrence), Jimmi Simpson (William), Katja Herbers (Emily Grace), Tao Okamoto (Hanaryo), John Gallagher, Jr. (Liam Dempsey Jr.), Tommy Flanagan (Martin Conells), Lena Waithe (Ash), Peter Mullan (James Delos), Pom Klementieff (Martel), Kid Cudi (Francis), Marshawn Lynch (Giggles), Phoebe Tonkin (Penny)


USA – 2020.
Couleur
Éditeur : HBO
Distributeur : Warner Bros.
Bonus :
6 featurettes dont 3 exclusives
4 featurettes « Bienvenue à Westworld »
« La création du monde de Westworld »

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