
Sortie DVD : Alain Delon, cet inconnu de Philippe Kohly
Un documentaire sur la vie d’Alain Delon, l’un des acteurs français les plus populaires depuis un demi-siècle, n’avait pas encore été réalisé, pour une simple raison, c’est que l’intéressé s’opposait catégoriquement à ce type d’initiative. La productrice de ce documentaire, sûre d’elle-même, s’est malgré tout lancé dans l’aventure, au risque que l’acteur interdise le film une fois terminé. Il se trouve qu’Alain Delon a été touché par ce portrait qui place au centre de son récit une enfance marquée par la souffrance. L’enjeu scénaristique de ce documentaire portrait est de montrer que derrière la construction du personnage de « surhomme », objet de désir de la part des deux sexes, que l’acteur s’est créé dans ses films comme dans ses interventions dans les médias, se trouve un enfant blessé par la vie dès le plus jeune âge. Pour réaliser son portrait documentaire, tel est l’axe que s’est choisi Philippe Kohly, qui s’était auparavant consacré aux portraits de Maria Callas, Matisse, Picasso, Jacques-Henri Lartigue, Dalida, Line Renaud, Barbara, Jacques Anquetil, Marlon Brando, etc. La figure controversée d’Alain Delon ne lui fait donc pas peur, fort de son expérience de portraitiste audiovisuel. Hélas son point de vue est vite assez limité par un trop grand respect au mythe Delon qu’il contribue à entretenir sur la base d’un récit chronologique où sont évoqués ses choix de films, ses relations amoureuses, son ascension jusqu’au firmament d’un certain type de cinéma français. Le public de la presse people, avide de trouver de la sensibilité à moindre coût, appréciera à n’en pas douter cet honnête (si l’on considère l’objectif de la production consistant à renouveler le culte Delon) portrait. En revanche, les cinéphiles sont largement lésés : à part citer ses rencontres avec les cinéastes les plus émérites du cinéma d’auteur français et italien, aucune analyse n’est avancée sur la spécificité de son jeu d’acteur, son apprentissage spécifique, ses manières de travailler sur un tournage avec un metteur en scène. De même, l’investigation sur ce documentaire se restreint à un travail d’archives, faisant de ce film un film de montage. Si l’on comprend que Delon lui-même n’ait pas été interviewé à cause de son refus systématique et catégorique, pourquoi ne pas avoir interrogé les personnes qui ont travaillé avec lui, des universitaires et critiques de cinéma capable de mettre en lumière son travail d’acteur, etc. ? Autrement dit, il en résulte que l’on doit croire sur parole que Delon est grand et que cela doit être une évidence pour tous puisqu’il est inutile de questionner son travail d’acteur.
Il n’en reste pas moins que le documentaire se laisse suivre sans ennui mais aussi souvent sans passion par sa forme chronologiquement et idéologiquement linéaire. L’éloge est-il obligatoire lorsque l’on fait le portrait d’une personnalité populaire ? Il est légitime d’attendre autre chose d’un portrait, qui prétend faire des révélations mais reste en permanence dans la seule illustration d’un parcours de vie balisé, où l’on n’est conduit à connaître ni une époque ni le personnage médiatique qui s’y inscrit. Il ne reste plus qu’à retourner aux films mêmes, comme témoignages précis d’une époque, dans ses fantasmes inavoués comme dans la récit d’une histoire prosaïque.

Alain Delon, cet inconnu
de Philippe Kohly
France – 2015.
Durée : 90 min
Sortie en salles (France) : inédit
Sortie France du DVD : 17 novembre 2015
Format : 1,85 – Couleur
Langue : français.
Éditeur : ARTE Éditions
Bonus : pas de bonus vidéo
lien vers le site de l’éditeur : http://boutique.arte.tv/f10661-alain_delon