
Sortie DVD de Xenia, de Panos H. Koutras
Danny, 14 ans, vient de perdre sa mère. Il quitte la Crète pour retrouver son frère à Athènes. Albanais par leur mère, ils doivent passer inaperçus des groupes d’extrême droite qui font la chasse aux étrangers dans les rues. Les deux frères partent à la recherche de l’Innommable, ce père qui a fui le domicile conjugal lors que Danny avait 2 ans. Ce père grec pourra à la fois leur transmettre de l’argent et sa nationalité pour de nouveaux horizons.
C’était un pari fou de pouvoir mener à bien ce projet de long métrage de fiction grec, alors que le pays est plein désarroi économique. D’ailleurs, le film fut en plein tournage confronté à la disparition subite de la chaîne de télévision nationale grecque ERT, l’un des principaux investisseurs. Le film est porté par l’envie de parler de cette réalité de la Grèce confrontée à la montée périlleuse des mouvements d’extrême droite tentant de concentrer toute la frustration d’un pays en crise vers un bouc émissaire idéal : l’étranger. Or, comme le titre l’indique, la Grèce est depuis la plus ancienne Antiquité portée par la culture de l’hospitalité (littéralement « xenia » en grec). L’un des grands mythes fondateurs est bien porté par l’étranger apatride qu’est Ulysse, cet homme cherchant désespérant une terre d’accueil en attendant d’accéder au repos final au bout de son voyage. Le scénario est d’ailleurs riche d’évocations directement mythologiques (l’odyssée des frères, les prénoms des personnages, etc.) et cinématographiques (au premier rang desquels La Nuit du chasseur de Charles Laughton). Depuis la mort de Angelopoulos, Panos X. Koutras (Strella) fait parti de ces rares cinéastes grecs à porter la flamme du cinéma d’auteur de son pays, proposant des formes personnelles de récit en même temps qu’il envoie des messages pour maintenir le lien avec le reste de la communauté humaine, notamment à la prétendue union fédératrice européenne. Si la situation xénophobique que connaît le pays est en soi un véritable drame, Panos X. Koutras l’évoque sous un tout autre ton, porté par l’effervescence de l’adolescence et du lien de solidarité inaltérable entre deux frères apatrides. Ainsi, le film est bercé par des moments oniriques, directement issus de l’imaginaire de Danny avec ce lapin qui n’est pas sans rappeler celui d’Alice de Lewis Caroll, autre personnage confronté à une odyssée intérieure. L’une des nombreuses bonnes idées de son auteur consiste à lier étroitement adolescence, homosexualité et statut d’étranger en un même personnage central, le tout débouchant à la sensation d’apatride, une lourde difficulté à se sentir accueilli par une communauté : ce fameux sens de l’hospitalité brillamment illustré par cet hôtel à l’abandon dans le film. L’adolescence est une période transitoire dans le film où l’on ne peut plus jouer les innocents quant à la réalité du monde et il faut trouver sa place vis-à-vis de la génération qui précède. La confrontation avec le père est à cet égard très évocatrice d’une tension sociale actuelle.
Le film est bien à l’image de Danny : avec une démarche apparemment légère et nonchalante, il vient éveiller une prise de conscience auprès des personnes qu’il rencontre. C’est bien là l’une des heureuses conséquences que l’on souhaite à ce film lors de la rencontre avec son public.

Xenia
Xenia
de Panos H. Koutras
Avec : Kostas Nikouli (Danny), Nikos Gelia (Odysseas, « Ody »), Yannis Stankoglou (Lefteris Christopoulos), Marissa Triandafyllidou (Vassiliki Christopoulos, « Vivi »), Aggelos Papadimitriou (Tassos Peris), Romanna Lobats (Maria-Sonia), Patty Pravo (Patty Pravo), Kostis Rampavilas, Electra Leda Koutra, Dinos Psychogios, Dimitris Rakos
Grèce, Belgique, France - 2014.
Durée : 123 min
Sortie en salles (France) : 18 juin 2014
Sortie France du DVD : 5 novembre 2014
Format : 1,85 – Couleur
Langue : grec - Sous-titres : français.
Éditeur : Pyramide Vidéo
Bonus :
Making of (28 min)
Entretien avec le réalisateur (6 min)
Entretien avec les acteurs (9 min)