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Billet de blog 26 juin 2014

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Sortie Blu-ray de L’Étoffe des héros, de Philip Kaufman

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Sortie Blu-ray de L’Étoffe des héros, de Philip Kaufman

En 1947, sur une base secrète de l’armée US, des pilotes d’essai se succèdent et meurent en tentant de franchir le « mur du son ». Chuck Yeager, bien que blessé, réussit à accomplir cet exploit. Dès lors, cette base attire de nombreuses recrues. En 1957 est lancé le programme destiné à envoyer un homme dans l’espace pour devancer l’armée russe qui a déjà pris une sérieuse avance. C’est aux pilotes d’essai que l’on s’adresse pour tenter cette aventure inédite.

Illustration 1

Sur plus de trois heures, le film de Philip Kaufman tente de faire revivre une épopée contemporaine à une époque (les années Reagan aux États-Unis) où les voyages en orbite étaient acquis et où la légende appartenait au passé. Le film est dès lors un hommage à ces hommes qui ont fait face à l’inconnu au bénéfice de l’image internationale d’un pays. Par ce choix de sujet, le film frôle la propagande sans s’y engouffrer tout à fait. Rétrospectivement, on est en droit de trouver vaine cette fascination pour déplacer les limites, être le meilleur en affrontant l’impossible soumis à l’ivresse de la vitesse. Le film s’attache avec intelligence à ce qui fonde le héros américain, cow-boy solitaires d’hier, remis au goût du jour avec l’évolution technique. Ces héros ne sauveront nullement l’humanité : ils traversent l’histoire de la seconde moitié du XXe siècle avec pour tout souci le culte de leur propre image. On se retrouve qui plus est dans une micro communauté de mâles s’autocongratulant de leurs exploits mécaniques à l’instar de leurs exploits sexuels, au détriment ou en l’absence de parti pris de l’autre sexe. L’Étoffe des héros a beau montré au public la vie privée peu reluisante de ceux que les politiques et la presse ont façonné en héros de la nation pour leurs propres intérêts, la critique se situe ici davantage dan les intentions que sur les faits attestés par le film. Ainsi, les épouses se lamentent de leur condition de faire-valoir de leurs hommes, cantonné à les suivre sans avoir la moindre vie personnelle, elles n’ont jamais droit à un véritable développement de leurs conditions. De même le contexte de la géopolitique internationale dans lequel se place cette rivalité russo-américaine de conquête de l’espace est totalement absent, comme s’il allait de soi que les Russes s’opposent aux Américains, pour faire bref. Le film est au final insuffisamment critique et sert bien trop l’image du héros en lui apportant malgré tout l’humanité de ses défauts, pour servir honnêtement la vérité historique.

Il n’en reste pas moins que le film bénéficie d’un casting de premier choix avec ces acteurs parmi les meilleurs du moment du cinéma hollywoodien et qui n’avaient pas encore eu l’opportunité jusque-là dans leurs précédents films d’être mis autant en avant. Ce film est ainsi la consécration de ces acteurs appelés à suivre une riche et très diversifiée filmographie. Même si le film est assez long et que certains passages ont quelque peu vieillis (la fascination pour ces héros n’est plus aussi opérationnelle), on ne s’ennuie pourtant pas. Ce n’est donc pas un chef-d’œuvre mais il a l’intérêt de parler de son époque et de croire en son propre récit, malgré l’absence de distance critique sincère : le réalisateur a beau s’être impliqué lui-même dans l’adaptation du texte du journaliste Tom Wolfe (auteur du roman Le Bûcher des vanités), il manque au scénario une recherche historique complémentaire. Le film aurait ainsi bénéficié d’un regard perspicace sur le contexte qu’il décrit. Si tel n’est pas le cas ici c’est que telles ne sont pas les intentions du cinéaste. Montrer les travers, les failles des figures héroïques n’empêche nullement leur culte : elles le ravivent. Mais quelques spectateurs éclairés sont en droit de se demander : a-t-on besoin de héros ?

Illustration 2

L’Étoffe des héros

The Right Stuff

de Philip Kaufman

Avec : Sam Shepard (Chuck Yeager), Scott Glenn (Alan Shepard), Ed Harris (John Glenn), Dennis Quaid (Gordon Cooper), Fred Ward (Gus Grissom), Barbara Hershey (Glennis Yeager), Kim Stanley (Pancho Barnes), Veronica Cartwright (Betty Grissom), Pamela Reed (Trudy Cooper), Scott Paulin (Deke Slayton), Charles Frank (Scott Carpenter), Lance Henriksen (Wally Schirra), Donald Moffat (Lyndon B. Johnson)

États-Unis – 1983.

Durée : 193 min

Sortie en salles : 25 avril 1984

Sortie France du DVD : 8 janvier 2014

Boîtier : Blu-ray Disc

Éditeur : Warner Bros.

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