Midnight Movies de la 15e édition du Festival européen du film fantastique de Strasbourg 2022 : Occhiali neri de Dario Argento
Après une décennie sans réalisation, Dario Argento, l'une des figures tutélaires du giallo, est de retour avec Occhiali neri sous les traits d'un hommage au genre tout comme une déclaration d'amour à son public fidèle. L'enjeu du film dans une dimension extracinématographique est avant tout un encouragement d'une fille à son père à retrouver son espace familier. En effet, Asia Argento ressuscite un scénario coécrit deux décennies plus tôt par son père et invite celui-ci à reprendre les rênes de son projet abandonné suite aux aléas économiques de l'industrie fragile du cinéma. L'actrice offre son soutien à la fois en tant que productrice associée mais aussi dans un second rôle dans une volonté honorable d'accompagnement à l'instar de son personnage.
Le résultat est un giallo au scénario linéaire faisant se succéder des scènes attendues autour de la tentative de survie d'une femme face à son mystérieux agresseur. Les sources d'inspiration de l'écriture invitent à la table de l'écriture sur la base des ressorts propres au giallo à la fois Gloria (1980, John Cassavetes) dans l'engagement d'une prostituée à protéger un orphelin, La Nuit du chasseur (The Night of the Hunter, 1955, Charles Laughton) dans la traversée d'une forêt d'une forêt en pleine nuit de deux figures de l'innocence (puisque c'est aussi le regard inédit porté sur une prostituée qui ne subit plus les foudres de la condamnation qu'incarne notamment le serial killer) traquées par l'incarnation du mal sans oublier l'évocation inaugurale du film de L'Éclipse (L'Eclisse, 1962, Michelangelo Antonioni) comme tutelle de la modernité dans le cinéma italien.
La cinéphilie des inspirations ne suffit cependant pas pour autant à insuffler un vrai souffle au film pour lui prêter vie même si cette réalisation est bien plus honorable que son adaptation de Dracula (2012). L'obsession du regard propre aux thématiques récurrentes de Dario Argento avec une protagoniste aveugle est malheureusement ici maladroitement explorée, totalement délaissée dans ses choix maladroits de mise en scène. Si le premier assassinat rend bien honneur à la tradition du giallo avec une esthétique soignée et une bande sonore qui prend résolument aux tripes, cette promesse de réinvestir le genre avec du sang neuf n'est hélas pas du tout tenu comme si le cinéaste était devenu lui aussi aveugle à ses propres désirs et obsessions de cinéma. Il en résulte un film qui se tient cahin-caha malgré ses très nombreuses incohérences, ses fragilités de mise en scène et un scénario sans originalité illustré avec peu de désirs.
Occhiali neri
de Dario Argento
Fiction
90 minutes. Italie, France, 2022.
Couleur
Langue originale : italien
Avec : Ilenia Pastorelli (Diana), Asia Argento (Rita), Andrea Gherpelli (Matteo), Mario Pirrello (le commissaire Aleardi), Maria Rosaria Russo (l'inspectrice Gemma Bajani), Gennaro Iaccarino (l'inspecteur Baldacci), Xinyu Zhang (Chin), Andrea Gherpelli (Matteo), Guglielmo Favilla (Jerry), Paola Sambo (la religieuse à l'orphelinat), Ivan Alovisio (l'ophtalmologue)
Scénario : Dario Argento, Franco Ferrini, Carlo Lucarelli
Images : Matteo Cocco
Montage : Flora Volpelière
Musique : Arnaud Rebotini
Décors : Marcello Di Carlo
Sociétés de production : Urania Pictures, Getaway Films
Production : Conchita Airoldi, Brahim Chioua et Laurentina Guidotti
Production associée : Asia Argento
Distributeur (France) : Wild Bunch