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Billet de blog 27 janvier 2015

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Une femme libre : Party Girl, de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis

Sortie DVD de Party Girl, de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis

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Illustration 1
© Pyramide Vidéo

Sortie DVD de Party Girl, de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis

Dans un cabaret à la frontière franco-allemande, Angélique, la soixantaine, gagne sa vie en faisant boire ses clients. Lorsque Michel, un client fidèle, lui propose de se marier, elle accepte, ce qui entraîne beaucoup de changements dans son mode de vie et ses liens avec ses propres enfants qu’elle retrouve pour l’occasion.

Les courts métrages de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis étaient plus que prometteurs : c’étaient de véritables réussites et il suffit de les voir en bonus de cette édition DVD pour s’en convaincre. Dans le court métrage Forbach se trouve d’ailleurs tous les éléments de Party Girl : les acteurs principaux, les personnages qu’ils interprètent, le dispositif esthétique pour en parler, cette confiance à révéler la fiction dans le documentaire en travaillant avec des acteurs non professionnels interprétant leur propre rôle. Dans Forbach, un jeune homme revient dans sa ville natale en Lorraine, accueilli comme l’homme modèle qui a réussi à cause de sa notoriété due à ses rôles dans des séries télévisées. À côté de cela, il doit gérer une famille (une mère et un frère) quelque peu chaotique sur laquelle il ne peut avoir aucune emprise. Cette fois-ci, Party Girl reprend les mêmes personnages mais quelques années plus tard et en se focalisant plus particulièrement sur la mère, Angélique Litzenburger. Comme il s’agit d’un long métrage, liberté est donné aux cinéastes d’offrir également une place à tous les enfants d’Angélique. Il découle de ce film un intérêt constant pour chacun de ses personnages à tel point que le spectateur lui-même partage cet intérêt, invité qu’il est à vivre le temps d’un film avec une famille qui n’est pas la sienne mais qui sera à divers aspects très évocatrice de sa propre famille. Le trio de réalisateurs réussit comme peu d’autres sont en mesure de le faire à multiplier les sauts entre des figures apparemment antithétiques de cinéma : fiction/documentaire, intimité/vie publique, individu/groupe, marginalité de la mère/reconnaissance médiatique télévisée du fils… Ils réussissent en outre à faire avec une grande perspicacité de regard le portrait de toute une région laissée en désuétude depuis la fin de l’exploitation des mines. Trois réalisateurs, trois points de vue et encore plus de sensibilités : c’est là une recette fantastique pour atteindre au respect de la diversité et de la complexité des personnages et des lieux dans lesquels ils s’inscrivent. Aucune facilité du scénario mais une histoire au service des personnages qui sont aussi de vraies personnes en dehors du tournage. En puisant dans le réel le plus brut, vécu très étroitement par Samuel Theis, un des coréalisateurs et également acteur, fils d’Angélique, devant et derrière la caméra. Pour une histoire autobiographique, on peut parfois évoquer le problème d’un manque de distance. Or là aussi la recette brillantissime repose dans le dialogue et la compréhension permanente entre les trois cinéastes.

Illustration 2
© Pyramide Vidéo

Le scénario s’écoule avec une grande limpidité et pourtant on se retrouve face à une histoire inédite par le simple fait de la traiter comme on n’a rarement pu le voir auparavant. Faire jouer sa mère dans son propre rôle aurait pu être l’occasion d’un règlement de comptes. Rien ici de cet ordre. L’histoire d’Angélique est touchante et remet en cause beaucoup d’idées reçues souvent tenaces dans les esprits. Même si l’on prône la liberté individuelle, face aux responsabilités que réclame une famille dans laquelle l’individu se place, le respect de la liberté entre traditionnellement entre parenthèses pour beaucoup. Le drame d’Angélique est en quelque sorte d’être marqué par le syndrome d’Emma Bovary. Si le personnage éponyme de Flaubert ne s’était pas suicidé, on pourrait très bien imaginé qu’à notre époque il ait pris les traits d’Angélique. Ce personnage s’inscrivant totalement dans sa propre vie réelle extrafilmique, possède une dimension de fiction extraordinaire. Mais les cinéastes ne se contentent pas seulement d’en retirer la substantifique moelle fictionnelle pour le plus grand plaisir du récit : non, cette confrontation avec ce personnage fait évoluer le regard de chacun. Oser regarder une mère atypique c’est oser s’interroger sur les origines inavouées, trop souvent nimbées de diverses mythologies reconstituées rétrospectivement. Le portrait d’Angélique est frontal, direct, sans concession et toujours chaleureux. Il exprime la vie avec toute sa puissance et son goût pour s’inscrire dans l’instant. La réussite de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis est d’avoir su filmer la vie.

Illustration 3

Party Girl

de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis

Avec : Angélique Litzenburger (Angélique Litzenburger), Joseph Bour (Michel Heinrich), Mario Theis (Mario Theis), Samuel Theis (Samuel Theis), Séverine Litzenburger (Séverine Litzenburger), Cynthia Litzenburger (Cynthia Litzenburger)

France – 2014.

Durée : 92 min

Sortie en salles (France) : 27 août 2014

Sortie France du DVD : 21 janvier 2014

Format : 1,85 – Couleur

Langue : français.

Éditeur : Pyramide Vidéo

Bonus :

Forbach, court métrage de Claire Burger, en collaboration avec Marie Amachoukeli et Samuel Theis (2008)

C’est gratuit pour les filles, court métrage de Claire Burger et Marie Amachoukeli (2009)

Livret

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