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Billet de blog 27 janvier 2017

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Le libéralisme ou la description d'une victoire sans saveur aucune

Victoria Spick est une femme moderne qui gère sa vie privée comme sa vie professionnelle en tant qu’avocate, à un rythme effréné. Un jour, l’un de ses amis accusés de violence auprès de sa femme, lui demande de le défendre devant la justice.

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Illustration 1
"Victoria" de Justine Triet © Le Pacte

Sortie DVD : Victoria de Justine Triet

De quelle victoire le personnage éponyme du film témoigne-t-il ? Victoria est une avocate, symbole potentiel de réussite sociale, mais qui vit en réalité dans une situation précaire profonde. Au bord de la dépression, Victoria se cherche, consulte voyants et thérapeutes divers, interférant allègrement vie privée et vie professionnelle. Comme son personnage principal de La Bataille de Solférino, son premier long métrage, Justine Triet interroge une fois encore la quête d’ordre d’une femme contemporaine plongée dans un profond chaos social, toujours bien symbolisé par le désordre de l’appartement privé de ses personnages. La construction hors norme de Victoria est le nerf tendu du film, qui lui donne toute sa raison d’être. C’est ce qui avait conduit à révéler Justine Triet dans la réalisation de La Bataille de Solférino. Bien que fidèle à ses thématiques, les moyens économiques dont a disposé Justine Triet avec ce second long métrage sont sans équivalent avec sa première réalisation. Il en découle des « têtes d’affiche » du cinéma français comme Virginie Efira et Vincent Lacoste, qui ont beau jouer à merveille, mais qui ne génèrent pas la même complicité créative dans leur dialogue avec la metteur en scène. La forme de Victoria se range sagement sous le classicisme des références du cinéma américain : Woody Allen, Blake Edwards, Billy Wilder. Justine Triet a ainsi abandonné la construction de son image cinématographique, tout comme les mouvements de caméra et son montage. Heureusement, elle est toujours bien présente au scénario, dans ses choix de casting, avec une attention à des seconds rôles savoureux comme l’énergique avocate interprétée par Laure Calamy, que l’on ne voit malheureusement que trop peu !

Victoria reste un excellent film qui se réapproprie avec intelligence la comédie romantique, avec une construction de personnages qui s’étoffe au fil des scènes. C’est bien ici la « Justine Triet touch » fort appréciable même si elle perd en folie créatrice comme pouvait l’être le jubilatoire Bataille de Solférino. Il n’en reste pas moins que le personnage de Victoria offre un parfait miroir de notre société contemporaine tentée par le néolibéralisme comme mode de vie qui vient coloniser tous les pores de l’individu, depuis la sphère professionnelle où il a conquis sa légitimité à coups de guerre psychologique et économique dont le cynisme est jusqu’ici resté sans égal, jusqu’à sa sphère privée. Victoria, une femme moderne, naviguant entre l’absolutisme du libéralisme, qui consomme tout sans complexe mais avec un épanouissement nul. L’intelligence du scénario, dans sa profonde audace, permet cette lecture de la société contemporaine. Mais il faut aussi savoir naviguer dans le film et saisir à bras le corps les divers indices éparses, où l’on ne pourrait se contenter que d’une brillante comédie moderne française, ce qui en soi n’est déjà pas rien. Ajoutons à cela une écriture qui font naître une palette de personnages masculins qui sont autant d’incarnations des besoins multiples de Victoria. Une psyché qui se prend dès lors à bras le corps, sans contrainte mais avec une mûre réflexion.

Illustration 2

Victoria
de Justine Triet
Avec : Virginie Efira (Victoria Spick), Vincent Lacoste (Sam), Melvil Poupaud (Vincent, le client de Victoria), Laurent Poitrenaux (David, l'ex de Victoria), Laure Calamy (Christelle, la collègue de Victoria), Alice Daquet (Eve, la plaignante), Julie Moulier (la présidente du tribunal à Nantes), Pierre Maillet (le psy), Sabrina Seyvecou (Suzanna), Sophie Fillières (Sophie), Marc Ruchmann (l'amant d'un soir n° 2), Arthur Mazet (le premier baby-sitter), Arthur Harari (le dresseur du chimpanzé), Claire Burger (Leslie Chevalier), Elsa Wolliaston (la voyante), Aurélien Bellanger (le voisin de table de Victoria au mariage), Hector Obalk (le président du tribunal à Paris), Vincent Dietschy (l'acupuncteur), Thomas Lévy-Lasne (Axel), Antoine Bueno (l'expert vétérinaire)
France – 2016.
Durée : 92 min
Sortie en salles (France) : 14 septembre 2016
Sortie France du DVD : 18 janvier 2017
Format : 2,40 – Couleur
Langue : français - Sous-titres : français.
Éditeur : Le Pacte
Bonus :
Making of (21’)
Scènes coupées (14’)
Bande-annonce

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