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Sortie DVD : Visages villages de JR et Agnès Varda
Il est un âge où l’on fait la synthèse d’un itinéraire d’artiste en parcourant un territoire, celui d’une histoire personnelle et collective. Si les voyages forment la jeunesse, ils synthétisent aussi sous forme de récit rétrospectif passé et présent dans une sagesse acquise au fil des ans pour cet âge que d’aucuns opposent à un plus jeune. Raymond Depardon proposait également ces dernières années un tour de France avec ses films Journal de France (2012) et Les Habitants (2016). À l’instar d’Agnès Varda, il partage et confond allègrement ses activités de photographe et de cinéaste et il se trouve que la décennie 2010 est pour eux, chacun à leur manière, un moment décisif pour rendre compte de l’état d’une certaine France, territoire autour duquel ils ont volontairement limité leur parcours. Tous deux semblent répondre alors à l’urgence d’un contexte social contemporain d’une France en crise profonde projetée par les médias de masse, à travers les délocalisations successives, des drames écologiques profonds causés par l’agro-industrie à la santé de tout un chacun comme de la nature nourricière, des montées des idéologies extrémistes, etc. JR et Agnès Varda s’associent dans une brillante symbiose créatrice, lui l’espoir d’une nouvelle génération d’artistes inscrits dans le dynamisme urbain, offrant à chacun la possibilité de se réapproprier l’art comme espace pour penser et rêver le monde, elle qui tout au long d’une vie d’artiste n’a cessé d’expérimenter son rapport à l’innovation technique tout en plaçant au centre de ses intentions la rencontre humaine. Cette volonté inaltérable d’expérimentation artisanale qui aboutit à anticiper l’art de demain en faisant la synthèse entre le passé et le présent, inscrit Agnès Varda dans une communauté de pensée toujours à l’œuvre en matière de cinéma avec Jean-Luc Godard. Il se trouve que ce dernier pilier de la Nouvelle Vague joue un rôle prépondérant dans le scénario de Visages villages, présence fantomatique énigmatique, témoignage touchant d’amitié d’Agnès Varda, qui ne cesse de mêler avec pudeur et subtilité artistique son histoire personnelle, avec une drôlerie et autres facéties qui n’appartiennent qu’à elle. À cet égard, derrière les lunettes et le chapeau de JR, se cache le double de Godard comme si in fine Agnès Varda tentait de renouer le dialogue avec le mutique et reclus cinéaste, qui comme JR cachait son regard d’artiste visionnaire derrière des lunettes sombres. Mais il n’y a évidemment pas que cela qui se joue dans les relations créatrices et d’amitié extraordinairement stimulantes pour l’un comme pour l’autre entre AV et JR. Cette coréalisation de film comme de leurs œuvres photographiques éphémères exprime une géniale complicité : ensemble, ils photographient les personnes qu’ils rencontrent et affichent leurs photos dans leur espace quotidien public, visible de toute la communauté humaine qu’ils forment et construisent peu à peu. Le film est une belle invitation à découvrir également la démarche de JR qui parcourt le monde avec ses photographies dans le but de réinvestir l’espace public à travers l’art et les reconnexions entre les individus isolés d’un même espace de vie. La démarche est extrêmement positive et c’est d’ailleurs ce qui ressort le plus de ce film : le plaisir de rencontrer l’autre de l’ici et maintenant, en dépassant tous les préjugés d’un monde fatalement en crise.
Visages villages
de JR et Agnès Varda
France – 2017.
Durée : 85 min
Sortie en salles (France) : 28 juin 2017
Sortie France du DVD : 22 novembre 2017
Format : 2,40 – Couleur
Langue : français .
Éditeur : Le Pacte
Bonus :
Les Fiancés du pont Mac Donald d’Agnès Varda (3 min, 1961) avec Jean-Luc Godard et Anna Karina
La cabine de plage
Département de lettres modernes
Matthieu Chedid en visite
Bande-annonce