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Billet de blog 29 janvier 2018

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La semaine, le jour et l’heure de la débâcle à Dunkerque en 1940

En mai 1940, environ 400 000 soldats britanniques, canadiens, français et belges se retrouvent acculéssur les plages de Dunkerque face à l’arrivée des troupes allemandes. Sous les bombardements, attaques aériennes et sous-marines les soldats s’efforcent de fuir vers la mère patrie anglaise.

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Illustration 1
"Dunkerque" de Christopher Nolan © Warner Bros.

À propos de l'édition Blu-ray + Digital HD : Dunkerque de Christopher Nolan

Après son exploration menée avec maestria du cinéma de science-fiction et de super-héros sans la moindre fausse note dans une filmographie qui a marqué les meilleurs moments du cinéma des années 2000 et 2010, Christopher Nolan se lance dans la reconstitution d’un événement historique de la Seconde Guerre mondiale. Le projet semble d’autant plus surprenant qu’il porte personnellement le projet en signant seul son scénario. Même si le film est grandiose et spectaculaire, nouant à la fois le cinéma de catastrophe avec le film de guerre, le projet se révèle plus personnel qu’il n’y paraît dans l’œuvre du petit génie du cinéma, dont la liberté d’expression et la maîtrise de la mise en scène associées à l’art du spectacle hollywoodien, le situe dans la continuité des statuts privilégiés qu’étaient ceux d’Alfred Hitchcock et Stanley Kubrick. Ils ont tous pour points communs d’être parti tourner en Angleterre pour gagner en indépendance vis-à-vis d’Hollywood. Et l’on peut croire que cette expérience de Dunkerque a pu tenter Christopher Nolan qui a tourné sans tête d’affiche dans un film éminemment choral poursuivant l’ambition du Jour le plus long (Ken Annakin, Darryl F. Zanuck, Andrew Marton, Bernhard Wicki, Gerd Oswald, 1962) qui rendait compte de la guerre comme une vision plurielle. Sauf que Christopher Nolan change considérablement la donne : il assure à lui tout seul la réalisation du film alors que le film de 1962 était une coréalisation, et rend hommage non pas aux prétendus Alliés invincibles américains dans une sempiternelle louange propagandiste, mais aux Britanniques, soldats et civils, au moment de leur débâcle. Dès lors, il est aisé de voir dans ce sujet fécond, lorsqu’on le confronte à sa trilogie batmanienne, un questionnement de l’héroïsme et plus particulièrement du héros déchu dans un monde en crise en situation apocalyptique. Cette question est centrale et réunit les diverses histoires que compte Dunkerque. À l’inverse de l’esprit épique d’un Spielberg et de son fordien Il faut sauver le soldat Ryan (1998), Christopher Nolan fait d’un film choral aux récits multiples une expérience humaniste, réinterrogeant la place de l’homme dans le sacrifice inutile de la guerre patriotique (patrie étant à plusieurs reprises dans Dunkerque employé par les Britanniques pour désigner le désir de rejoindre la terre qui leur a donné naissance). Il en ressort du contexte de la guerre une expérience sensorielle sans gloire (à l’exception du pilote émérite mais totalement solitaire et abandonné de l’effort commun) qui se transforme en un acte continu de survie individuelle.
Pour mettre en scène cette réflexion métaphysique sur le genre humain, Christopher Nolan utilise à la fois les codes du film catastrophe lorsque des centaines d’individus sont condamnés à une mort prochaine ou encore le huis clos psychologique entre quelques individus enragés d’individualisme putride où la vie de l’autre est un moindre sacrifice pour la protection de la sienne. Si le film reste hollywoodien par l’ampleur de sa production, une composition musicale surlignée par Hans Zimmer, le montage des histoires mené avec une rare assurance et une réelle efficacité fait écho au sens du rythme dans un rapport au temps déstructuré du cinéma d’Alejandro González Iñárritu depuis Amours chiennes (2000). En effet, ici les trois récits menés suivent en leur rendant hommage les trois corps de l’armée (terre, air, mer) dans un rapport au temps complètement irréconciliable, puisque le film se développe sur une semaine pour l’infanterie et la marine, une journée pour les civils en mer et une heure pour un pilote d’avion. Et pourtant, ils se retrouvent tous dans l’ultime jour de débâcle. La volonté de moderniser le récit historique de ce moment complexe de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale est assumée et menée avec une main de maître jusqu’à son terme. Le film n’échappe pas à quelques moments de lourdeur propre à la reconstitution historique et son manque d’irrévérence par rapport à son sujet que Christopher Nolan respecte scrupuleusement : le film est bel et bien un hommage et la performance cinématographique n’est qu’un moyen comme un autre pour le cinéaste de questionner également sa propre indépendance. La métaphysique supposée n’atteint pas encore les sommets de La Ligne rouge de Terrence Malick (1998, dont Hans Zimmer a également signé la bande-originale) mais assure avec humilité la déconstruction de l’étoffe de l’héroïsme au profit d’une reconstruction individuellement humaine.

Illustration 2

Dunkerque
Dunkirk
de Christopher Nolan
Avec : Fionn Whitehead (Tommy, soldat du CEB), Tom Glynn-Carney (Peter, fils du capitaine du Moonstone), Jack Lowden (Collins, pilote de la Royal Air Force), Harry Styles (Alex, soldat des Argyll & Sutherland Highlanders, CEB), Aneurin Barnard (Gibson), James D'Arcy (le colonel Winnant du CEB), Barry Keoghan (George, membre d'équipage du Moonstone), Kenneth Branagh (le commandant Bolton de la Royal Navy), Cillian Murphy (le soldat tremblant, officier du CEB), Mark Rylance (M. Dawson, capitaine du Moonstone), Tom Hardy (Farrier, pilote de la Royal Air Force)
USA, France, Royaume-Uni, Pays-Bas, 2017.
Durée : 106 min
Sortie en salles (France) : 19 juillet 2017
Sortie France du DVD : 18 décembre 2017
Format : 2,20 – Couleur
Éditeur : Warner Bros.
Bonus :
Création :

  • Retour sur le passé (7’49”)
  • Dunkerque (5’)
  • Les défis du tournage (3’36”)
  • Les choix de caméra (5’52”)

Sur Terre :

  • Reconstruire la digue (5’59”)
  • Les soldats sur la plage (5’18”)
  • Les uniformes (5’21”)

Dans les airs :

  • Filmer dans les airs (12’31”)
  • Dans le cockpit (5’59”)

En Mer :

  • Constituer une flotte navale (3’50”)
  • À bord du Moonstone (5’55”)
  • Filmer en mer (13’43”)
  • Au coeur des naufrages (7’29”)
  • La petite armada (5’57”)

Conclusion :

  • Entretenir le suspense (7’23”)
  • L’esprit de Dunkerque (7’55”)

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