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Billet de blog 29 juin 2015

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Cauchemar viscéral : une réalité éprouvée par Quentin Dupieux

Sortie DVD de Réalité, de Quentin Dupieux

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Illustration 1
© Diaphana

Sortie DVD de Réalité, de Quentin Dupieux

Au moment où la jeune Réalité regarde son père éviscérer le sanglier qu’il a tué, elle entraperçoit une cassette VHS tomber du ventre de l’animal. Lorsqu’elle en parle à ses parents, ceux-ci ne veulent pas la croire. De son côté, Jason, cadreur pour une émission de télévision, souhaite réaliser un film sur des télévisions qui tuent les humains. Bob Marshall, le producteur auquel il s’adresse, est prêt à financer son film si Jason réussit à trouver dans les quarante-huit heures le meilleur cri de l’histoire du cinéma.

Le titre du nouveau film de Quentin Dupieux interroge avant même que le film n’ait commencé. Réalité est incarné à l’écran par une petite fille qui porte ce prénom et qui voit des choses que d’autres ne voient pas, en l’occurrence une VHS. Un documentariste dont le producteur présente comme un génie, a décidé de filmer Réalité : pour un faire une fiction, un documentaire ? La question reste posée et se trouve au cœur du film : la réalité est sans cesse interrogée dans ce film, avec le même sérieux imperturbable de cette fillette, entraînant un comique de situation subtile et inattendu. L’univers de Quentin Dupieux est nourri de son propre inconscient cinéphilique. Il plane ainsi la référence au surréalisme cinématographique de Luis Buñuel dans cette foi dans le rêve à exprimer plus de réalité que la réalité même. La VHS renvoie à Videodrome de David Cronenberg (1983) et à Lost Highway (1997) de David Lynch, l’humour en plus. Sans rivaliser avec le maître de l’introspection onirique qu’est Lynch, Quentin Dupieux limite son cadre d’investigation pour conter une histoire portée par de brillantes interprétations : chaque acteur excelle à composer son personnage sans que jamais l’un ne fasse de l’ombre à l’autre. Tout se passe comme si les différentes histoires se mêlaient comme une composition musicale house, que Quentin Dupieux alias Mr Oizo n’est pas sans connaître. D’ailleurs, le film conducteur qui finit par donner un éclairage au film est l’introduction de With Changing Parts de Philip Glass, comme si la musique tenait un secret que la rationalité du spectateur tentant de démêler l’écheveau des récits proposés par le film ne pouvait atteindre. La réalisation de Quentin Dupieux fréquente aussi bien les séries Z que les maîtres du cinéma, avec la modestie de reconnaître qu’il ne prétend aucunement rivaliser avec eux, d’où le passage concernant le fameux « Kubrick mes couilles » énoncé par Alain Chabat. À divers égard, Réalité pourrait bien être comme une parfaite synthèse de tous les films de son auteur parce que le film a été plus longuement pensé et qu’il traverse ainsi sa filmographie.

Quentin Dupieux est un créateur d’univers et de confrontation réussie du « non sens », pourfendeur d’un cinéma soumis aux « causes et à leurs conséquences ». En outre, il sait s’entourer de film en film d’acteurs dont la complicité lui permet de développer un « délire tout à fait cohérent » puisqu’il se tient de bout en bout et que l’on n’y décroche pas en tant que spectateur. Aux côtés d’Alain Chabat totalement investi dans son personnage, il faut noter également l’inénarrable prestation de Jonathan Lanbert dans le rôle du producteur. En revanche, il est dommage que le personnage confié à Élodie Bouchez ne soit pas davantage mis en valeur, le réalisateur semblant la négliger dans sa mise en scène. On la retrouve cependant en bonus de cette édition DVD et ce qui surprend est de ne pas voir un entretien avec Quentin Dupieux lui-même et Alain Chabat. Aussi, les bonus manquent beaucoup à leur fonction de complément du film lui-même.

Illustration 2

Réalité

de Quentin Dupieux

Avec : Alain Chabat (Jason Tantra), Jonathan Lambert (Bob Marshall), Élodie Bouchez (Alice), Kyla Kenedy (Réalité), John Glover (Zog), Eric Wareheim (Henri), Erik Passoja (Billie), Matt Battaglia (Mike), Susan Diol (Gaby), Patrick Bristow (Dr Klaus), Brad Greenquist (Jacques), Jon Heder (Dennis), Roxane Mesquida (la présentatrice des Oscars), Bambadjan Bamba (Tony), Sandra Nelson (Isabella), Carol Locatell (Lucienne), Michel Hazanavicius (le remettant de la récompense)

France, Belgique, USA - 2014.

Durée : 84 min

Sortie en salles (France) : 18 février 2015

Sortie France du DVD : 17 juin 2015

Format : 1,85 – Couleur

Langues : anglais,: français.

Éditeur : Diaphana

Bonus :

Entretien avec Jonathan Lambert et Élodie Bouchez (12’)
Bande-annonce du film
Bandes-annonces Diaphana

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