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Billet de blog 29 novembre 2024

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"Jeux interdits" de René Clément

En juin 1940, une petite fille venant de Paris perd ses parents sur le chemin de l'exil. Elle est accueillie par le jeune Michel dans sa famille de paysans.

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Illustration 1
Jeux interdits de René Clément © StudioCanal

Sortie du combo Blu-ray/DVD : Jeux interdits de René Clément

Voir ou revoir Jeux interdits (1952) de René Clément c'est avoir accès à toute une mythologie inédite du cinéma français que la Nouvelle Vague a voulu évacuer à plus forte raison par François Truffaut qui aurait pu reconnaître son inspiration dans la mise en scène de l'enfance particulièrement somptueuse et touchante de la part de René Clément. De l'autobiographie des 400 coups, René Clément se confronte à l'histoire récente douloureuse une décennie après la tragédie qui a débuté en France en 1940. Ainsi, l'enfance évoquée est celle de la fin de l'innocence avec une petite parenthèse, celle d'une adoption possible après la mort des parents.

Brigitte Fossey dans son premier rôle alors qu'elle a 5 ans exprime une enfance réaliste qui n'est pas déconstruite par la mise en scène d'un cinéaste mais largement accompagnée par celui-ci. C'était un réel défi de concevoir toute sa mise en scène autour de l'enfance et de son regard sur le monde qui l'entoure et René Clément avec l'appui de ses coscénaristes Pierre Bost et Jean Aurenche, adapte avec talent le roman Les Jeux inconnus (1947) de François Boyer. Ce point de vue sert à René Clément à partager sa propre vision de la guerre à partir du milieu paysan, loin du conflit de la capitale. Il ne s'agit pas ici de répéter un discours dominant mais bien d'explorer une vision inédite rétrospectivement de la guerre, loin de la mise en scène de l'héroïsation de la France après-guerre.

Le deuil au centre de l'intrigue est subtilement traité dans une France d'orphelins et de familles détruites par divers drames. Cela passe notamment avec un jeu autour de la mort qui passe par le vol de croix qui n'est pas compris par le monde adulte et notamment l'Église catholique avec un prêtre auprès duquel les enfants ne sont ni écoutés, entendus et ne trouvent à ses côtés aucun réconfort. Ce parti pris est une manière audacieuse d'émettre ses critiques sur un monde rural qui n'a rien d'harmonieux malgré la tentative d'accueil spontané d'une jeune orpheline.

Pour accompagner ce récit poignant, il reste l'inimitable et immortelle composition musicale arrangée et interprétée à la guitare par Narciso Yepes qui revient comme un leitmotiv tout au long du film et qui porte toute la détresse intérieure de la jeune héroïne. Plutôt qu'une orchestration grandiloquente, René Clément a fait le choix de la simplicité et de l'efficacité avec une musique faisant pleinement corps avec son intrigue.

Pour accompagner cette version du film restaurée sur supports Blu-ray et DVD, cette édition StudioCanal s'accompagne de deux documentaires réalisés pour l'occasion. Ainsi, dans René Clément, l’impossible deuil de l’enfance (2024), Rafael Andia, Gérard Béaur, Noël Herpe, Pierre Lary, Jean-Ollé-Laprune et Jean-Charles Tacchella, spécialistes et pour certains cinéastes, et pour tous grands amoureux du cinéma français, viennent apporter leurs informations et leurs analyses sur le film pour en comprendre à la fois le contexte de réalisation mais aussi la compréhension profonde. Dans Amours enfantines sous l'Occupation c'est surtout le témoignage de Brigitte Fossey qui est mis en valeur, complété par les analyses pertinentes de l'écrivaine Denitza Bantcheva et les quelques précisions sur l'expérience de tournage de l'actrice Laurence Badie qui interprétait sur le film Berthe.

Illustration 2

Jeux interdits
de René Clément
Avec : Georges Poujouly (Michel Dollé), Brigitte Fossey (Paulette), Lucien Hubert (Joseph Dollé, le père), Laurence Badie (Berthe Dollé), Amédée (Francis Gouard, le fils des voisins, aimé de Berthe), Suzanne Courtal (madame Dollé, la mère), Jacques Marin (Georges Dollé, le fils aîné), Marcel Mérovée (Raymond Dollé, le fils réformé), Louis Saintève (le prêtre), André Wasley (monsieur Gouard, le voisin), Madeleine Barbulée (la sœur à la Croix-Rouge), Violette Monnier (Renée Dollé, la fille cadette), Denise Perronne (Jeanne Gouard), Fernande Roy (la fille Gouard), André Enard (le premier gendarme), Marcelle Feuillade (la mère de Paulette), Roger Fossey (le père de Paulette), Marie-Pierre Casey (une infirmière), Bernard Musson (le deuxième gendarme), Annie Ravel (une cousine de Georges en deuil), Georges Sauval (le conducteur de la charrette), Maud Slover (une dame au centre des réfugiés), Janine Zorelli (vieille dame dans la charrette), Louis Herbert
France – 1952.
Durée : 86 min
Sortie en salles (France) : 9 mai 1952
Sortie France du combo Blu-ray/DVD : 6 novembre 2024
Format : 1,37 – Noir & Blanc
Langue originale : français.
Éditeur : StudioCanal
Bonus :
Documentaire inédit : René Clément, l’impossible deuil de l’enfance (2024) avec les interventions de Rafael Andia, Gérard Béaur, Noël Herpe, Pierre Lary, Jean-Ollé-Laprune, Jean-Charles Tacchella
Amours enfantines sous l'Occupation : avec les interventions de Brigitte Fossey, Laurence Badie et Denitza Bantcheva
Début et fin alternatifs

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