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Billet de blog 30 mai 2014

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Constats des politiques internationales de développement à travers l’exemple du Burkina Faso

« Qui a dit que nous avions besoin de vous ? », livre de Jacques Claessens. Le titre de cet ouvrage est pour le moins explicite et ne cache en rien son constat final. Dans les projets de développement internationaux mis en place sous l’égide des Nations Unies, les personnes concernées par ladite aide sont souvent complètement ignorées, d’où la justification de cette phrase en guise de titre.

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« Qui a dit que nous avions besoin de vous ? », livre de Jacques Claessens. Le titre de cet ouvrage est pour le moins explicite et ne cache en rien son constat final. Dans les projets de développement internationaux mis en place sous l’égide des Nations Unies, les personnes concernées par ladite aide sont souvent complètement ignorées, d’où la justification de cette phrase en guise de titre. Car imposer une aide sans prendre compte de la réalité des individus à laquelle elle est destinée, c’est évidemment mettre en place un nouveau colonialisme. Les auteurs ? Le FMI, les Nations Unies, etc.

Cela n’empêche pas les bonnes intentions, en théorie sincères, surtout lorsque l’on se trouve dans un bureau à New York, à des milliers de kilomètres de la réalité de terrain. Tel est l’un des constats de Jacques Claessens, auteur de cet ouvrage. Il livre avant tout le témoignage de plusieurs décennies d’activités professionnelles lorsqu’il fut mandaté par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) afin de constater les résultats des projets financés. Les cas qu’il cite se déroulent au Burkina Faso entre les années 1980 et 2000. Il dispose d’un regard privilégié pour traiter du rôle des politiques internationales de développement dans le cadre d’une économie mondialisée néolibérale, puisqu’il se trouve au cœur du système pour établir son constat. Il est un peu une sorte de psychanalyste de ces projets et de la même manière il est tenu de respecter l’anonymat des personnes impliquées. À partir de là, son précieux témoignage peut être dévoilé et se révèle d’autant plus nécessaire compte tenu des catastrophes humaines réalisées sous la bénédiction des grandes institutions internationales au nom de cette abstraction nommée « développement » qui ne développe que ceux qui la mettent en place. Bien entendu, dans certains cas, ces projets de développement peuvent naître de la demande explicite du gouvernement du pays concerné. Mais cette demande n’est pas nécessairement au bénéfice de la population de ce pays, qui n’a pas été consultée en amont et ne le sera pas davantage en aval. Dès lors, aucune possibilité de pérennité desdits projets. Les grands travaux déplaçant des montagnes de financement laissent derrière eux des infrastructures inutilisées. Le constat est amer, surtout lorsque l’on arrive à cette exploitation de mine aurifère au Burkina Faso utilisant de grandes quantités d’eau puisée directement dans les nappes phréatiques, alors que la population locale environnante souffre de la sécheresse. Aux yeux des instances internationales, cette entreprise minière crée des emplois et donc du développement économique pour ce pays. Quelques groupes de personnes au sein même du pays « soutenu » pourront véritablement tirer un bénéfice direct de cette exploitation prise en charge à travers des prêts internationaux. Mais qu’en est-il pour le reste de la population ? Il y a bien quelques fois dans ces projets quelques hommes de bonne volonté capable de rencontrer la réalité locale et proposer une réponse adéquate, mais souvent ces personnes sont broyées par un système nourrissant ses propres intérêts, qu’il s’agisse d’individus souhaitant gravir les marches de la hiérarchie, comme d’institutions rivalisant avec d’autres pour acquérir plus de pouvoir et de crédits alloués. Au-delà des discours de principe des grandes institutions, le témoignage de Jacques Claessens est fondamental pour comprendre la pratique de terrain de cette prétendue aide humanitaire. Tout n’est pas à jeter dans cette organisation, mais il faudrait plus de rigueur à divers niveaux pour qu’un développement soit partagé, qu’une coopération ne soit plus qu’une simple « opération » (comme l’on fait des opérations militaires, financières et autres, avec d’autant plus de violence que l’autre est soumis et doit subir celle-ci) parce que l’on a oublié le suffixe « co- », cum en latin, qui signifie « avec ».

Illustration 1

« Qui a dit que nous avions besoin de vous ? »

Récits de coopération internationale

de Jacques Claessens

France, 2013.

Nombre de pages : 264

Date de sortie (France) : 13 novembre 2013

Prix public conseillé : 19,00 €

Éditeur : écosociété

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