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Billet de blog 30 juillet 2015

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Mustapha Kemal : géniteur de la République turque ?

Parution du livre Atatürk, de Fabrice MonnierDerrière la dénomination honorifique Atatürk (littéralement « père turc ») se cache l’identité de Mustapha Kemal, militaire qui sut utiliser ses heures de gloire sur les champs de bataille pour faire « naître la Turquie moderne » comme le précise le sous-titre de cet ouvrage.

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Illustration 1

Parution du livre Atatürk, de Fabrice Monnier

Derrière la dénomination honorifique Atatürk (littéralement « père turc ») se cache l’identité de Mustapha Kemal, militaire qui sut utiliser ses heures de gloire sur les champs de bataille pour faire « naître la Turquie moderne » comme le précise le sous-titre de cet ouvrage. L’historien Fabrice Monnier signe ici une biographie en synthétisant les découvertes historiques les plus récentes. Son objectif n’est pas de se rapprocher de l’intimité d’Atatürk mais davantage de suivre la biographie d’un homme en revisitant les enchaînements historiques qui ont marqué l’histoire politique de la fin de l’empire ottoman et de la naissance de la République turque. Car derrière cet homme se cache un État dont l’identité actuelle est directement dépendante des enjeux du début du XXe siècle. Ainsi, en 2015 la répression armée turque à l’égard des mouvements kurdes est toujours d’actualité, de même la non reconnaissance du génocide arménien. Il ne s’agit pas ici de juger un personnage historique mais de comprendre un contexte historique complexe. Et les 350 pages densément écrites de cet ouvrage ne sont nullement de trop. Fabrice Monnier dans les dernières lignes de conclusion ne dissimule pas sa fascination pour Mustapha Kemal, « celui qui a été l’un des révolutionnaires les plus fascinants de son temps. » (sic) Ceci explique dès lors un titre d’ouvrage qui met en avant une dénomination qui dépasse l’individu humain. Ainsi, au fil des événements historiques, on voit les prises de décision de Mustapha Kemal sans qu’il soit vraiment donné au lecteur de comprendre comment ses idées étaient déjà inscrites dans des mouvements de réflexion, dans une position existant en elle-même en l’absence de Kemal. Qui sont ces kémalistes ? des créatures émanant ex nihilo de la volonté de leur créateur ? Les événements menant à la République turque laïque ont parfois tendance à avancer comme si Mustapha Kemal avait depuis très longtemps écrit son scénario très détaillé. L’approche historique des événements est dense mais souffre parfois d’un manque d’analyse issue d’autres sciences humaines (économique, sociologique, géographique, etc.), alors que certains personnages apparaissent avec forces détails dignes d’un feuilleton à rebondissement comme par exemple l’extrême importance donnée à Eleftrérios Venizélos qui serait à l’origine de la guerre greco-turque après la Première Guerre mondiale. Qu’est-ce qui amène Mustapha Kemal à tant vouloir « occidentaliser » son pays ? Quelles sont ses influences et ses appuis politiques ? Peut-on voir dans ses références à la Révolution française une francophilie appuyée par une diplomatie française conséquente ? À ces questions, l’ouvrage ne saurait répondre car il n’offre pas les informations nécessaires. Au final, le lecteur est à la fois loin du personnage historique quand il doit suivre une succession d’événements historiques mais à la fois trop près par l’omniprésence de la fascination pour Atatürk qui conduit dans l’oubli la société turque dans sa diversité. Si l’ouvrage a le mérite de compiler une somme conséquente d’informations historiques, il laisse sur sa faim quant à des questions qu’il soulève et qu’il tend maladroitement d’oublier. Il ne reste plus qu’à compléter cette lecture enrichissante d’un autre ouvrage sur la société turque au cours du XXe siècle.

Atatürk. Naissance de la Turquie moderne
de Fabrice Monnier

Nombre de pages : 350

Date de sortie (France) : 2 avril 2015

Éditeur : CNRS Éditions

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