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Billet de blog 30 octobre 2015

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Variation crépusculaire de la légende westernienne « Doc » Holliday

Sortie DVD : Vengeance à l’aube, de George ShermanBrett Wade participe à un règlement de compte face au clan Ferris. En mauvaise santé, il décide de raccrocher son pistolet et se retirer à Colorado Spring. Il est cependant poursuivi par l’un des fils survivants du clan Ferris. Dans la diligence, il fait la rencontre de Rannah Hayes et succombe rapidement à son charme. Quand il apprend qu’à Socorro la jeune femme doit servir d’aguicheuse dans un casino, il décide dès lors de mettre entre parenthèses son départ.

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Illustration 1
© DR

Sortie DVD : Vengeance à l’aube, de George Sherman

Brett Wade participe à un règlement de compte face au clan Ferris. En mauvaise santé, il décide de raccrocher son pistolet et se retirer à Colorado Spring. Il est cependant poursuivi par l’un des fils survivants du clan Ferris. Dans la diligence, il fait la rencontre de Rannah Hayes et succombe rapidement à son charme. Quand il apprend qu’à Socorro la jeune femme doit servir d’aguicheuse dans un casino, il décide dès lors de mettre entre parenthèses son départ.

Nouvelle variation sur le thème du « règlement de comptes à OK Corral », Vengeance à l’aube s’interroge sur l’après de l’événement légendaire. Le personnage mythique du western choisi ici est « Doc » Holliday, rebaptisé pour l’occasion « Brett Wade ». On ne peut pourtant pas s’y tromper : à travers ce personnage de joueur da cartes et de dés hors pair, champion imbattable du gunfight, toussant comme un tuberculeux on reconnaît aisément Doc Holliday. De même, le règlement de comptes du début du film met en scène OK Corral avec les frères Earp. Tout le monde a été rebaptisé ici, comme s’il y avait la volonté d’embrasser, sur le mode crépusculaire, le genre western plus largement qu’un événement particulier. En effet, les personnages masculins sont ici présentés au crépuscule de leur vie, où, une fois les hauts faits d’armes inscrits dans l’histoire et la légende, vient tardivement le temps du remords d’avoir tant versé de sang. Si le film, clairement identifié comme une série B, par sa notable absence d’ambition scénaristique et de mise en scène, ne cherche pas à impressionner le spectateur à tout prix, c’est au profit d’un récit des plus digestes, réduisant les scènes d’action à quelques grands moments où les protagonistes entrent en conflit. Comme l’explique avec passion pour le genre Bertrand Tavernier en bonus de cette édition, les trois parties du film (la ville du premier règlement de comptes, le voyage, la ville du dénouement final) se distinguent à travers un travail photographique précis, privilégiant les clairs obscurs dans un premier temps (signe crépusculaire s’il en est) sur et autour de tous les personnages, comme si ceux-ci parvenaient à sortir de la gangue épaisse du passé au fil du récit. Pour les méchants, cette libération conduit à la mort alors que pour les personnages positifs, il y a bien une libération d’un passé maudit qui devait les condamner : autant pour Brett Wade que pour Rannah Hayes, jeune condamnée par son propre père à suivre une destinée de damnée. La mise en scène, toujours modeste, se révèle ainsi subtile et toujours plein de sens. De même, il est appréciable de voir à quel point le cinéaste a su rendre certaines scènes plus réalistes qu’un vulgaire décor utilisé de manière sempiternelle, d’une série B à l’autre. Ainsi, le premier gunfight se déroule dans une ville aux rues boueuses, plaçant irrémédiablement les légendes de l’ouest sur la terre ferme du réel. Les scènes dans le casino confrontant plusieurs personnages qui n’ont cessé de jouer au chat et à la souris tout au long du film, se retrouvent ensemble dans un même plan séquence où la caméra se déplace dans cet espace. Cette mise en scène se révèle audacieuse pour l’époque et marque d’autant plus l’attention rétrospectivement sur cette œuvre méconnue. Néanmoins, l’univers reste très masculin, bourré de testostérone avec des scènes ouvertement misogynes où le personnage principal ne se gêne pas pour frapper sa dulcinée afin de lui faire entendre raison et la remettre sur le « droit chemin » malgré elle ! De même, dans l’Ouest les femmes se jouent au poker, une femme devenant une mise comme une autre : il ne lui reste plus qu’à attendre son destin. Dernière restriction au scénario : si le film ne surjoue pas le spectacle des gunfights en jouant sur la fascination pour les armes du spectateur américain, il ne la condamne pas non plus, le personnage résolvant au final tous ses soucis, quoi qu’il en dise, grâce à une arme à feu, alors que ses autres compétences (le jeu, la confrontation psychologique) se révèlent bien vite déficientes. En cela aussi, le défaut d’un film sans ambition, est de ne jamais oser porter un regard politique sur la société de son époque. Si l’on excepte cela, il faut reconnaître les réels atouts techniques avancés par les cinéphiles Patrick Brion, Yves Boisset et Bertrand Tavernier témoignant ici de leur amour du genre en guise de bonus.

Illustration 2

Vengeance à l’aube

Dawn at Socorro

de George Sherman

Avec : Rory Calhoun (Brett Wade), Piper Laurie (Rannah Hayes), David Brian (Dick Braden), Kathleen Hughes (Clare), Alex Nicol (Jimmy Rapp), Edgar Buchanan (le shérif Cauthen), Mara Corday (Letty Diamond), Roy Roberts (Doc Jameson), Skip Homeier (Buddy Ferris), James Millican (Marshal Harry McNair), Lee Van Cleef (Earl Ferris), Stanley Andrews (le vieil Ferris), Richard Garland (Tom Ferris), Scott Lee (Vince McNair), Paul Brinegar USA – 1954.

Durée : 87 min

Sortie en salles (France) : 1er octobre 1955

Sortie France du DVD : 28 septembre 2015

Format : 1,33 – Couleur

Langue : anglais - Sous-titres : français.

Éditeur : Sidonis Calysta

Bonus :

Présentation par Patrick Brion, Yves Boisset et Bertrand Tavernier

lien vers le site de l’éditeur : http://sidoniscalysta.com/home/362-vengeance-a-l-aube-dawn-at-socorro.html

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