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Billet de blog 1 septembre 2017

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Dénonciation de la banalité du viol

Nicole est infirmière à Grenoble. Un jour qu’elle se déplace en mobylette, elle est harcelée par quatre hommes qui finissent par la kidnapper et la violer. Nicole cherche dans un premier temps à ce que nul ne sache ce qui s’est passé. Et puis la douleur devient insurmontable.

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Sortie Blu-ray : L’Amour violé de Yannick Bellon

Une société machiste est toujours encline à jeter dans l’opprobre plutôt la victime féminine d’un viol que les coupables masculins sous le prétexte que ces derniers seraient victimes de leurs instincts. Le viol était au cœur du dernier film volontairement dérangeant de Paul Verhoeven Elle (2016) et encore cette année avec La Belle et la meute de Kaouther Ben Hania (2017) pensé cinématographiquement et au plus près de toutes les problématiques de la victime du viol. Yannick Bellon autour des longs métrages qu’elle a réalisé pour le cinéma durant les années 1970 et 1980 a offert un regard inédit sur la place des femmes dans une société qui lui en offrait peu. La réalisation de L’Amour violé, même s’il a rencontré un notable succès public en 1978, l’année de sa sortie, a dans un premier temps rencontré peu d’intérêt de la part des producteurs, peu enclins à faire entrer sur la place publique la dénonciation de la banalisation du viol dans la France des années 1970. Mais c’était sans compter sur la puissance de conviction de Yannick Bellon, cinéaste incontournable de l’histoire du cinéma souvent trop méconnue, qui a fait aboutir son projet avec un budget limité mais avec des acteurs convaincus parmi lesquels émergeront les personnalités promises à un brillant avenir : Daniel Auteuil dans le rôle d’un des violeurs et Pierre Arditi dans celui de l’époux de la meilleure amie de Nicole. Il faut passer la direction d’acteurs plus proche de la forme théâtrale que l’on trouve également chez Alain Resnais ou Jacques Rivette, que du réalisme social des frères Dardenne. Ce choix de mise en scène permet de prendre une distance protectrice mettant en porte à faux toute portée voyeuriste du film. Car Yannick Bellon a le courage à la fin des années 1970 de filmer en de longues scènes le viol dans toute sa violence crue, immonde, d’individus sordides et abjects, cousins éloignés des violeurs de Délivrance de John Boorman, dans un tout autre contexte social.
Si l’objectif du film est de dénoncer un crime de genre aboutissant encore aujourd’hui à un féminicide de masse, Yannick Bellon développe son récit autour de l’évolution de son personnage principal dont on épouse son effroi, sa perplexité, le dégoût quotidien d’une société machiste. Elle offre une place également à l’amoureux du personnage principal, perdu entre les rôles d’homme qui se déclinent devant lui pour faire face à cette situation intolérable. Car l’enjeu du film, comme son titre le présuppose en amont, est de pouvoir refaire renaître l’amour après que celui-ci a été violé. C’est un long parcours que propose le film : celui d’une femme qui commence par se taire, comme la violence faite à son sexe a depuis des temps immémoriaux été tue. Ensuite arrive la conscience d’un enjeu qui dépasse sa seule histoire pour se rendre compte, autour de divers détails non anodins du quotidien, tel un poster de femme dénudée au commissariat chez les « gardiens de l’ordre », des dessins d’enfants caractérisant la répartition du travail entre le « papa » et la « maman », le dénigrement que Nicole doit subir lorsqu’elle place sur l’espace public la question du viol… Encore aujourd’hui, on estime à 10% le pourcentage de femmes violées portant plainte. Pour Yannick Bellon, la responsabilité dépasse le seul profil des quatre violeurs, personnages intégrés socialement mais dont le comportement est permis par un contexte général misogyne. Quarante ans plus tard, le constat fait toujours froid dans le dos et l’on s’étonne encore que ce terrible sujet n’ait pas plus été traité dans le cinéma en dehors de cette audacieuse franc-tireur qu’a été Yannick Bellon.

Illustration 1

L’Amour violé
de Yannick Bellon
Avec : Nathalie Nell (Nicole), Alain Fourès (Jacques), Michèle Simonnet (Catherine), Pierre Arditi (Julien), Daniel Auteuil (Daniel), Bernard Granger (Patrick), Marco Perrin (le père de Jean-Louis), Marianne Épin (la femme de Patrick), Alain Marcel (Jean-Louis), Gilles Tamiz (René), Tatiana Moukhine (la mère de Nicole), Lucienne Hamon (le juge), Guylène Péan (l'avocate), Andrée Damant (la mère de Jean-Louis), Catherine Stermann
France – Belgique, 1977.
Durée : 115 min
Sortie en salles (France) : 11 janvier 1978
Sortie France du DVD : 12 avril 2017
Format : 1,85 – Couleur
Langue : français.
Éditeur : Doriane Films
Bonus :
Interviews de Yannick Bellon, Pierre Arditi, Marin Karmitz et Nathalie Nell
Livret de 8 pages conçu par Éric Le Roy avec des textes de Pauline Maillet, Benoîte Groult, Marin Karmitz, Liliane Pelizza, et Michèle Simonnet
Bande annonce du film

lien vers le site de l’éditeur

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