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Billet de blog 17 juin 2015

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PALMYRE : LA REALITE D'UNE GUERRE ENTRE DEUX DICTATURES

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Le martyr de la cité antique de Palmyre, dont la prise par ISIS a mobilisé la communauté internationale ne fait que commencer.

Pour l'instant, les dommages causés par l'occupation d'ISIS restent limités au niveau du site Antique à ceux subis lors des combats. Signalons toutefois que le théâtre antique, l'un des plus extraordinaires qui existe, a servi de lieu d'exécutions de civils et de militaires. Et que ISIS s'est concentré dans la destruction des tombes du cimetière musulman qui n'étaient pas conformes à leur conception de l'Islam, comme le montrent ces images :

avant :

Pendant :

Après :

Samedi, lors de nouveaux raids aériens de l'aviation de Bachar el-Assad contre des positions d'ISIS à proximité des ruines antiques, des dommages importants, et irreversibles, ont été infligés aux restes d'une des plus magnifiques cités antiques conservées à ce jour.

Voici la preuve en image.

Les ruines montrent en fait le mur nord du temple de Bel effondré suite aux bombes lâchés par les appareils du régime.

Pourquoi signaler cela dans un billet ?

D'abord pour rappeler qu'une guerre civile reste une guerre civile, et que les opérations militaires comportent toujours leur lot de destruction. Quand la vie d'un homme ne vaut plus grand chose, quand la violence et les volontés mortifères n'ont plus de limites, il est impossible d'exiger des combattants engagés dans l'un ou l'autre des camps de respecter leur propre patrimoine culturel ou historique.

Et cela vaut pour la Syrie en 2015 comme à toutes époques et dans toute partie du monde (que l'on se rappelle la semaine sanglante de 1871 qui vit l'incendie d'une partir du patrimoine de Paris).

Ensuite, pour rappeler aux lecteurs qu'il faut se méfier des propagandistes du régime de Bachar. Une dictature reste une dictature, et cette action, comme les attaques aériennes aveugles aux barils d'exposifs contre Alep, montrent bien que ce régime, une dictature, n'a pas changé. Il n'est pas devenu le "défenseur" de la Syrie, de sa culture, ou de son peuple, mais seulement le défenseur de son pouvoir illégitime, enfermé dans une logique désastreuse qui condamne irrémédiablement aux pires souffrances ceux qui vivent sous sa coupe, ceux qui le combattent, mais aussi ceux qui le défendent.

Il est vraisemblable que ces bombardements ont une justification militaire (ISIS profitant sûrement, comme le régime et comme d'autres, des ruines pour positionner ses armes dans le vain espoir de les protéger des bombardements), même si le manque de précision des matériels aériens d'Assad actuels est aussi une réalité.

Pour autant, cela ne devrait pas être oublié quand on lit les ommentaires de toute une clique de trolls pro-assad (et aussi pro-Poutine), qui a littéralement pris en otage le club de Mediapart. J'en ai été personnellement victime, mes analyses critiques (fondées avant tout comme je l'ai expliqué sur une tentative d'application de l'appareil analytique de l'historien militaire aux évènements actuels) passant à leur yeux pour de la propagande pro-Washington, pro-Tel Aviv,  pro-Ryiad, pro-Fabius, pro-ISIS...

Enfin, je partage enfin avec mes lecteurs ma colère de voir la mobilisation émotionnelle face aux dangers (réels et dramatiques) encourus par les ruines antiques de Palmyre, et l'indifférence froide à l'égard des souffrances des populations syriennes et iraquiennes plongées par les erreurs de nos dirigeants dans un état de chaos et de violence inimaginable, désastre humain sans limite dont personne ne peut à ce jour distinguer une issue.

La guerre civile (c'est bien une guerre civile, même s'il ya des interventions et des ingérences extérieures) est la pire des choses qui puissent frapper une société, car elle recèle des mécanismes qui peuvent lui conférer une grande stabilité, et donc une très longue durée.