De Gavroche, le titi parisien d'Hugo, à Mimi Pinson, la grisette d'Alfred de Musset, Paris est faite de peuple.
L'imaginaire chansonnier, littéraire et pictural s'appuie sur une réalité sociale concrète: Au XIXe siècle, les trois quarts des habitants de Paris sont issus des classes populaires. La plèbe, la populace, le prolétariat, c'est cette catégorie fuyante que s'efforce de définir l'exposition du musée Carnavalet. La scénographie, très dense, s'étale sur de larges affiches, comme autant d' « Avis à la population ». Dès l'entrée, un panneau avertit le visiteur du peu de sources véritablement populaires, les seuls élites étant alors détentrices du « pouvoir d'écrire ».
Au XIXe siècle, la capitale se transforme, s'industrialise, et se densifie sous l'effet d'importantes migrations. Faiblement instruit, précaire, politisé parfois, le peuple est avant tout celui qui se lève avant l'aube pour partir travailler. Porteurs d'eau, vitriers, modistes dans les grands ateliers, nourrices, domestiques, chiffonniers ou encore prostituées, les classes populaires font tourner Paris, la grande usine de la France. Le pain et la soupe, les promenades du dimanche, l'exposition dresse un tableau social très riche qui parvient à expliquer, en creux, les barricades de 1830, 1848, ou encore la Commune de 1871, mues par la faim et par la naissance de ce que Marx appellera une « conscience de classe ».
Peuple pittoresque des « petits métiers », policé et poli, auquel on prête volontiers assistance et charité. Mais aussi peuple rustre, incontrôlable et dangereux. Ce peuple qui traîne avec lui l'immoralité, la maladie et le crime. Les faits-divers viennent alors nourrir l'imaginaire des « bas-fonds », ce monde nocturne et souterrain qui alimente les pires fantasmes ; celui des « gamins », ces mômes de la rue qui commettent les menus larcins, et celui des « apaches », ces rebelles qui ne vivent que de forfaits, de plaisirs et de vagabondages. On se prend alors à imaginer comment les musées des siècles prochains décriront le terreau social et l'imaginaire sur lesquels est née, au XXe siècle, la figure du délinquant.
Le Peuple de Paris au XIXe siècle, Musée Carnavalet, du 5 octobre 2011 au 26 février 2012, 3,50 € à 7 €