J'avais entrepris de mettre ici, en accès libre, mon album Tangente, paru en 2012 aux éditions des Ronds dans l'O, mais j'y renonce, malgré toute l'affection que j'ai pour l'époque où je l'ai réalisé.
Cela pour deux raisons. La première est qu'après un long travail de relecture puis de publication sur ce blog, j'ai été obligée de constater que les histoires de ce livre, sortes de nouvelles, perdaient de leur harmonie sorties de leur contexte. Ces nouvelles ne peuvent pas être séparées. La seconde est que le temps a passé. La colère qui m'habitait à l'époque s'est transformée en un sentiment plus complexe, une forme de résistance calme et tenace, qui me permet aujourd'hui d'être mieux campée dans le sol et de trouver mes mots. La sidération à fait place, plus souvent qu'avant, au sang froid. Cela n'est qu'un équilibre, mais tant qu'il est à portée de main il est plus que vital de s'en réjouir.
Aujourd'hui je suis dans d'autres histoires, je travaille sur un nouvel album, de nouvelles peintures et je n'ai pas le goût de revenir en arrière. Le travail de publication d'Un Héros de Notre Temps était indispensable à mon sens et je suis heureuse que ce livre soit libre sur la toile. Tout ce que j'ai fait avant appartient à un monde de plus en plus lointain. Je crois qu'il est question de l'enfance, une enfance impitoyable, qui cependant accepte enfin d'écouter la sorcière quand elle lui dit que s'enfoncer dans la forêt en pleine nuit n'a rien de terrifiant, bien au contraire, c'est la piste vers la liberté. Même si l'on ne sait pas quel visage offrira cette dernière, si par chance elle se montre.
Assumer le pari de suivre sa voie, en ménageant ses forces pour les garder entières, il y a quelque chose d'indispensable à cela. En dehors de nos combats quotidiens et personnels, le changement de société qui nous attend nécessite d'avancer malgré la peur, malgré le noir, la violence et l'incertitude au bout du compte. Tout ce que l'on sait est que le chemin nous fait face, il n'est pas très accueillant, mais nous sommes nombreux.
Je prends goût à ce blog en ce qu'il me permet de réfléchir avec les autres et compense largement la solitude de l'atelier. Je m'autorise à changer de cap. Le chapitre II de Tangente est le premier billet que je dépublie. Jusqu'à présent je me suis refusée à la dépublication, car je prends la publication numérique comme une véritable édition, au même titre que le tirage papier. On ne peut pas dépublier en fonction de la pluie et du beau temps.
Par conséquent, je fais là une exception, une entorse à ma règle, afin renforcer l'état d'esprit de ce blog, lui faire bénéficier de ce que j'ai appris depuis son ouverture, depuis mes premières notes partagées sur la schizophrénie, mes premières traductions concernant Julian Assange... Tous ces billets ont nourri le sens que je lui donne aujourd'hui.
Je continue à défendre l'accès libre de mes ouvrages et ceux de mes collègues auteurs.
Aujourd'hui je vais consacrer ce blog à des réflexions sur le roman graphique, le dessin, la peinture. La façon dont les secousses de la société et de la planète infusent inéluctablement mon univers. Le peintre en marge fait partie de l'écho-système. La marge, cette version mouvante de la solitude, est son royaume.
Le participatif est le lien indispensable avec l'extérieur, il est nécessaire dans tous les pans de la société, de l'art à la politique. Il est peut-être l'une des plus belle création de notre époque.
Ce blog est un journal de bord que je n’aurais pas écrit juste pour moi-même.

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