Faire que le vœu d'une grande partie du « peuple de gauche » ne soit pas un vœu pieu. L'appel à une candidature commune entre les forces écologistes et sociales est-il réalisable ? Pour l'instant, il y a « bousculade sur l'estrade ». Pas de candidat naturel mais les sondages de fin novembre 2020 (JDD du 28 nov) distinguent un podium : Taubira, Hidalgo, Mélenchon, Hamon, Jadot. Mélenchon est parti officiellement « bille en tête ».
Cet appel « 2022 (vraiment) en commun »1 rassemble aujourd'hui environ 25000 adhésions. L'appel citoyen à la candidate2 compte aujourd'hui près de 11000 signatures. Je pense qu'on pourrait commencer par faire dialoguer ces deux là.
D'abord, parce qu'elle l'a laissé entendre le 26 septembre 2019, sur l'antenne de France Inter.
Parce que des citoyens ont entendu cette déclaration et y acquiescent.
Ensuite parce que des collectifs se créent pour faire entendre et grossir leur plébiscite.
QUE PLEBISCITENT-ILS, QUELLES IDEES, QUELLES VALEURS, QUELS PROJETS ?
Les signataires de « 2022 (vraiment) en commun » exposent explicitement la volonté « d'esquisser un arc écologiste, social et humaniste ». Economiquement, ils prônent une remise en cause du productivisme si agressif envers l'équilibre et la pérennité des écosystèmes et son pendant politique actuel, le néo-libéralisme, une forme de capitalisme ultra-financiarisé, qui conduisent socialement, à précariser les actifs et à marginaliser durablement les plus vulnérables, par la destruction des services publics et de l'environnement. Socialement encore, une vraie égalité de droits pour tous. Féminisme. Cosmopolitisme.
Christiane Taubira a l'occasion régulière de s'exprimer publiquement : son féminisme n'est pas à démontrer, elle rappelait non sans ironie en avril 2020 que le pays tenait en ce temps de confinement, « grâce à une bande de femmes », car ce sont elles qui occupent majoritairement les emplois de soins et de services. Et ces emplois sont souvent les plus précaires et les plus mal rémunérés. De là à plaider pour une économie plus humaine, le pas est franchi. Plus humaine et plus respectueuse du vivant, c'est le même combat. Elle plaide bien sûr pour une doctrine des services publics qui doit nécessairement aller de concert avec une politique fiscale plus juste et qui ne peut donc plus être une « niche pour ceux qui veulent échapper à l'effort commun ». Elle rappelle l'idée d'un « revenu universel ». Elle salue, au passage, l'utilité des institutions multilatérales comme l'OMS qui a permis à tous les pays, grands et petits, d'avoir les mêmes informations sur la pandémie. Elle n'est jamais en reste pour rappeler la valeur non négociable de la dignité de tous les êtres humains. On connaît ses engagements et ses victoires politiques sur la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité et la loi du mariage pour tous.
QUE SE PROFILE-T-IL A L'HEURE OU NOUS PARLONS ?
On laisse penser que se rejouerait en 2022 le duel Macron-Le Pen, comme une fatalité. Entre un président-candidat qui a abandonné tôt en chemin, cette partie du « peuple de gauche » qui lui avait donné sa confiance, sinon, avait accompli son devoir républicain (et ce n'est pas rien), ou le chaos à tous les étages ! Cela ne nous fait pas rêver, pour rester polie.
A gauche, c'est donc « la bousculade sur l'estrade » : Anne Hidalgo a dit qu'elle « prendrait sa part » … à quoi ? Est-elle candidate (unitaire ou PS ?) C'est pas l'union sacrée avec les écolos en tout cas, en ce moment. Mais c'est une femme de tête, sans doute compétente avec une réelle intelligence politique.
Jean-Luc Mélenchon est parti. Je suppose qu'il est le candidat des Insoumis donc. Lui, on peut l'éliminer comme candidat à l'union.
Benoît Hamon, soutenu par Taubira aux dernières présidentielles. J'ai lu je ne sais plus où qu'il assurerait l'inverse si l'occasion se présentait... En tout cas, entre eux, la circulation semble fluide.
Yannick Jadot, fort de la coulée verte des municipales et c'est légitime. Mais candidat unitaire, de qui exactement, des écolos ou des pastèques ? Eric Piolle semble souhaiter être le candidat des pastèques.
Et à droite alors ? Ben y a « aussi bousculade sur l'estrade ». Bruno Retailleau s'est déclaré je crois. Mais Xavier Bertrand compte bien en être, on susurre même un ticket Bertrand-Dati.
Jean Lassalle. Joachim Son Forget. J.F.Poisson. Nicolas Dupont-Aignant. Marine Le Pen.
Et puis Eric Drouet.
J'en oublie, j'en méconnais sûrement.
P.S. Demander à Edouard Philippe ce qu'il compte faire quand il en aura une petite idée.
COMMENT TAUBIRA EST-ELLE PERCUE PAR LES ELECTEURS PASTEQUES ?
Elle arrive en tête avec 72% des sympathisants de gauche à sa candidature unitaire.
A gauche, on a toujours du souci avec la figure du chef, et dans l'absolu, c'est tant mieux. On se méfie de l'homme providentiel (ça tombe bien, c'est une femme !) et à juste titre. On dit « c'est moins l'homme que les idées. » Certes, mais dans la conquête et pour l'exercice du pouvoir, c'est bien que le ou la candidat(e) incarne ses valeurs aux yeux de ses électeurs.
Or, la plupart des sympathisants sentent bien qu'elle est celle qui incarne le mieux l'indépendance, le courage, la fermeté, la constance, l'expérience. Sa biographie et son CV en attestent.
QUE PEUT-ELLE FAIRE ?
Quand elle est invitée, la question « arrive vite » comme elle le dit elle-même. Comme si - non qu'elle regretterait les mots de septembre 2019 - elle était embarrassée de répondre et cherche à s'en expliquer. Elle dit être peu intéressée par le poste pour lui-même et elle dit aussi qu'elle « ne croit pas aux grandes destinées individuelles ». Nous devrions la convaincre qu'elle n'est pas seule.
Elle n'est pas seule à être radicalement de gauche. 2022 en commun et les citoyens qui signent l'appel à sa candidature le sont aussi. Et comme « Nous habitons la Terre » et que nous en sommes conscients, nous sommes des pastèques, d'authentiques métisses.
Elle s'excuserait (presque) de n'être d'aucun parti politique, comme pour dire qu'elle n'a pas les réseaux nécessaires pour mener à bien cette mission de candidate. Ça tombe bien, on ne pourra donc pas reprocher à son parti d'extorquer le projet commun ! Elle n'appartient à personne, ça nous va plutôt bien. Elle ne sert pas d'appareil politique, c'est encore mieux. Pourtant, être radicalement de gauche, « lui donne des obligations de loyauté envers les dynamiques de gauche », dit-elle. Que sont 2022 en commun et l'appel citoyen à sa candidature, sinon des dynamiques de gauche ? Aujourd'hui, la majorité des sympathisants de gauche qui s'expriment la plébiscitent publiquement. Je pense maintenant qu'il serait temps que des soutiens explicites de figures politiques, intellectuelles et militantes de qualité comme celles qui se sont unies à 2022 en commun se fassent jour.
Je ne pense pas que notre intérêt soit d'attendre... quoi, que d'autres se présentent, les résultats des législatives... que sais-je encore ? Quelles opportunités devrait-on attendre ? Nous devons construire un programme commun avec un(e) candidat(e), et la tâche est immense, aussi devrions-nous nous y mettre sans délai. Mme Taubira attend peut-être des manifestations de soutien fermes et nourries ; 2022 en commun cherche un(e) candidat(e) désireux(se) de porter les valeurs fondamentales qui traduisent un avenir soutenable et désirable pour tous. Mme Taubira sait qu'il se passe quelque chose à gauche car elle participe aux événements qui témoignent du bouillonnement d'idées qui y sont débattues. Commençons par lui demander très clairement si elle voudrait s'associer à ce travail dans le but de se porter candidate... si elle acceptait, il n'y aurait plus qu'à bosser dur et se battre … si elle refuse, il n'y aura plus qu'à bosser dur et continuer de rechercher ou choisir un autre volontaire... qu'avons-nous à perdre ? Bien peu à ce niveau. Mais tellement à gagner. Les forces de gauche ne peuvent pas se payer le luxe d'être timides !