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Billet de blog 23 juin 2022

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Mais va te coucher Macron !

La secte Renaissance défaite à l'Assemblée nationale: son gourou recherche de nouveaux adeptes.

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Comme les tours de parole en différé (quand arrive le moment de parler, on ne sait plus exactement ce que l'on voulait dire), le texte publié quelques semaines après avoir été écrit peut avoir un goût de réchauffé pour celle/celui qui le lit. On connaît l'adage "Café bouillu, café foutu". Ce que l'on dit ou pense du résultat des élections législatives le 19 juin au soir a toutes les chances d'être obsolète deux mois après. 

J'écris donc pour aujourd'hui. 

Déjà, le 20, les Brutus de la Nupes ont dégainé leurs couteaux sans attendre. L'Histoire va vraiment trop vite. Pas de groupe commun au risque même de perdre la direction de la commission des Finances. Mieux vaut la voir tomber aux mains du Rassemblement National plutôt que de perdre son "autonomie" et son "temps de parole". Sans l'assistance respiratoire de LFI, EELV, le PS et le PC, à deux doigts de la mort cérébrale après les présidentielles, ressembleraient au moribond de Sade, en moins joyeux et moins priapique.

Il faut donc réussir à s'extraire du marécage de l'actualité immédiate. 

Quelques grandes figures intellectuelles y incitent et passent à tort pour des voyantes, des extra-lucides. On les invoque sur des tables de Ouija et leur esprit plane, sans atterrir hélas. 

De La Boétie et Orwell à 4 siècles d'intervalle en font partie. Quoi qu'il arrive, on tirera toujours une phrase-pépite de leurs œuvres qui, passée au tamis de notre époque, sera sommée d'en dire l'essence. Peu importe si l'un est un jeune lettré juriste de la Renaissance, nourri de culture gréco-romaine et l'autre, un homme de réflexion et d'action ancré dans les combats de son époque. Big Brother is watching you est un classique de nos vies sous contrôle et peu importe si nous n'avons pas lu une ligne du Discours de La Servitude Volontaire pourvu que nous ayons retenu l'idée principale, le mystère de l'obéissance à la canaille. 

De La Boétie, Orwell sont des connaisseurs de l'âme humaine et ce qu'ils apprennent aux lecteurs, c'est la nécessité de ne se faire aucune illusion sur l'être humain et donc sur soi-même. À partir de ce postulat, on envisage l'avenir sans faillir et sans grand risque d'erreur. On agit et on ne se laisse pas impressionner. 

Donc, le Rassemblement National a 89 sièges à l'Assemblée. On reconnaît une certaine constance à ce parti qui, depuis sa mise en orbite par le PS de Mitterand, a survécu aux saillies xénophobes du patriarche borgne, aux revers électoraux, aux paniers des ménagères des "Fronts Républicains" successifs (le dernier en date, comme d'habitude, ne contenait que des légumes pourris). La famille Le Pen est dans le paysage politique français depuis des décennies et 2022 est son apothéose. Les journalistes de la presse "mainstream" , encore moins inspirés que d'habitude, ont osé un splendide  "plafond de verre fracassé" pour dire que désormais il n'est plus possible de nier la puissance de tir du RN puisque 89 racistes, adeptes de la préférence nationale, militants accessoires du pouvoir-d'achat-des-français, mauvais sous tous rapports, font leur entrée dans l'hémicycle. Et sans même avoir recours à la proportionnelle. 

Pour deviner la suite, il n'est guère besoin d'être un analyste pointu, capable d'apercevoir l'horizon au-travers de la couche nuageuse. La Macronie prendra les français à témoin- blocage des institutions, impossibilité de créer des coalitions, de voter des textes cruciaux au cas par cas y compris sur le pouvoir d'achat etc- et évoquera sous peu la dissolution. Des députés cachets d'aspirine disparaîtront alors dans l'eau tiède du robinet de Renaissance, ex-LREM. L'aube pointera et, Ô miracle, le cauchemar cessera pour Macron, de nouveau 300 crétins derrière lui, tous derrière, tous derrière, pour voter la retraite, substitut humain de l'abattoir pour les vieux chevaux tant l'âge de départ sans cesse reculé pue la décrépitude et les ennuis de santé. "I have a dream" version techno. Une fois, interrogé par un pigiste inoccupé, Édouard Philippe, candidat à la Présidentielle de 2027 (mon côté Madame Irma) a rêvé tout haut, d'un âge légal repoussé à 70 ans. Quel fripon ce Philippe ! Bien sûr, tout cela n'adviendra pas et relève de la dystopie pour les Nuls. 

La nécessité pour les femmes et les hommes de bonne volonté de s'affranchir des derniers liens qui les relient aux institutions de la 5ème République est une évidence. Si je n'attends pas qu'un notable ou qu'une femme de chambre militante au franc parler, issu-e-s de la NUPES ( feu la NUPES ?), fassent mon bonheur et accroissent mon pouvoir d'achat, je suis plus exigeante avec moi-même. Je n'ouvre plus le bec, je le ferme sur la main qui me gave de nourriture trop souvent avariée. Je ne rêve même pas de "Révolution" figure à barricades de l'éternel recommencement quand une barricade devient un bureau lambrissé sous un plafond à caisson. Exercer son libre arbitre demande des efforts. Attendre, suivre, croire et quémander, aucun. 

 À nous- ce "nous" qui est l'inverse du "Vivre-ensemble" Macroniste, ce faux-nez plaqué sur du vivant - d'écrire notre "note d'intention" et de nous y tenir. Si nous n'attendons rien de l'Etat, nous ne lui demandons rien, nous ne négocions ni ne partageons rien avec lui et son autorité ne nous concerne pas. Nous faisons sécession sauf si nous estimons en raison qu'il travaille pour le Bien Commun. Or, cela n'est pas le cas et ne le sera jamais. 

Nous devons, en revanche, aide, assistance et solidarité à nos voisins, à nos amis, aux femmes et aux hommes croisés chaque jour au travail, dans la rue. La santé, l'éducation, la préservation de la Nature (ce qu'il en reste), la libre pensée, l'engagement n'appartiennent pas à une poignée de très peu et de très mal élu-e-s..

 Nous avons voté (ou pas) à quatre reprises en deux mois. Le résultat est sous nos yeux dessillés et demain verront s'affronter dans un hémicycle des députés, ennemis devenus amis ou amis devenus ennemis. 

Ces gens-là ne nous intéressent pas. Leurs ambitions et leurs querelles ne nous concernent pas et pour une femme de chambre élue, brandie tel un trophée (ou un scalp, l'avenir le dira), combien d'autres prêts à tuer leur mère pour un siège. Qu'ils aillent au diable en rangs serrés, sans nous. 

C'est alors que nous nous reconnaissons en De La Boétie, jeune homme chétif de 16 ans qui commence à rédiger Le Discours de la Servitude Volontaire et en Orwell qui renonce à l'uniforme de père en fils, bien repassé et avec tous ses boutons, non pour leur capacité à prédire l'avenir mais pour leur détermination à y jouer un rôle, coûte que coûte,sans l'autorisation des "instances supérieures", que celles-ci soient familiales, sociales ou politiques. 

 Je n'ai donc cure des 577 personnes élues le 19 juin surtout les 89 affreux autour desquels l'Assemblée s'apprête servilement à voler en escadrilles. Dès qu'ils éternueront, les député-e-s leur tendront un mouchoir. 

J'ai voté pour la NUPES qui dès le lendemain de l'élection m'a fait le cadeau de son quasi éclatement. 

Qu'elle en soit remerciée. Ni rancune ni regret. 

Vol au-dessus d'un nid de coucous ! 

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