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Billet de blog 31 août 2020

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Fouette cocher et crève charogne!

Le 30 août, veille de la pré-rentrée, le ministère de l'éducation nationale révise à la baisse la liste des personnes vulnérables en temps de Covid-19. Poumons nécrosés? Bon pour le service!

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Que faire un dimanche 30 août? Goûter chez tante Ernestine ? Promenade digestive dans un parc ? Tour à vélo ?

Activités insignifiantes des français au repos.

Et pendant ce temps, expression chère au président de la république :

On s’active dans les ministères, on pense avec gravité. Et à quoi pense-t-on ? A relancer l’économie française mise à mal par deux mois et demi de confinement. Les salariés doivent retrouver leur open space, les hommes de chantier, leurs grues, les comédiens, les planches et les enseignants, leurs élèves.

Pour aider ces derniers à revenir dans leurs salles de classe, un nouveau décret vient d’être publié (pendant que vous mangiez un deuxième muffin chez tante Ernestine). On le découvre le lendemain, 31 août, au petit matin, les yeux encore bouffis de sommeil.

Et là, surprise. On découvre que la liste des « affections » qui définit la « vulnérabilité » des personnels a été réduite. Désormais, seuls les grabataires, les mourants et les amputés des deux jambes bénéficieront de la possibilité de se mettre en retrait. Ah oui ! Il est aussi fait mention des personnes atteintes de cirrhose du foie. Mauvais exemple pour la jeunesse que ces professeurs alcooliques qui boivent pour oublier Blanquer.

Ne figurent plus dans cette fameuse liste les affections respiratoires chroniques, les maladies cardio-vasculaires les malades atteints de diabète de type 1. Les malades du cancer soignés par « hormonothérapie » sont déclarés bons pour le service à croire que leur traitement relève de la médecine de confort. Ils ne vont quand même pas se la couler douce sous la couette avec leurs cachetons alors que d’autres participent à l’effort de redressement du pays.

En résumé et pour donner raison à un ministre de l’éducation nationale regonflé à bloc après deux mois de quasi silence, pas un enseignant ne manquera à l’appel lundi 31 août. S’il en tombe un (par exemple un cardiaque avec une insuffisance respiratoire), il sera immédiatement remplacé par un asthmatique chronique avec un syndrome Gilles de la Tourette. Il faut savoir qu’en mai circulait une autre liste des pathologies à prendre en compte en temps de Covid 19. Sûrement conçue par des gauchistes laxistes ou des agents russes infiltrés, payés par Poutine pour affaiblir l’économie française, elle avait le toupet de considérer qu’un agent atteint d’une maladie pulmonaire pouvait être dispensé de cours « en présentiel » (adjectif que personne ne connaissait avant le confinement, contraire du "distanciel" son siamois antonyme). On a sûrement découvert dans la nuit du 30 au 31 août que le coronavirus ne s’attaquait plus aux poumons ni au cœur et que si tel était le cas, par exception,  l’important était que chaque agent de la fonction publique d’éducation soit à son poste, prêt à être dupliqué par un clone en cas de défaillance. Que la machine tourne, pour le bien-être des élèves et de leurs parents (eux aussi sommés de retourner au charbon) que la réserve de « remplaçants » soit suffisante pour éviter le bug!

  Dans une administration où la médecine du travail est quasi inexistante ou réduite à sa plus simple expression (décider si un agent a le droit à un congé longue maladie ou s’il doit crever devant son tableau en martyr de la cause), le boulevard est ouvert aux vents mauvais. Qui, dans les personnels de santé des rectorats, protestera pour dénoncer ce décret inouï du 30 août 2020, qui, se souviendra du  serment d’Hippocrate et refusera de cautionner cette manœuvre indigne ? Qui expliquera à l’enseignant à bout de souffle ou porteur d’un pacemaker que le virus sait lire les listes du ministère de l’éducation nationale, en tiendra compte et s'attaquera donc en priorité à des trentenaires bien portants, au système immunitaire en béton armé?  Quel Diafoirus imbécile d’un comité d’experts décide que le cancéreux sous chimio est plus à risques que celui qui subit une hormonothérapie ? La manœuvre est d’un cynisme exécrable. S’il ne s’agit pas de sombrer dans une panique collective pourtant savamment entretenue pendant l’été (impossible d’échapper aux chiffres, aux statistiques et aux reproches même si on est un ermite sourd aveugle et muet dans une grotte), on pourrait attendre de l’Etat qu’il agisse avec discernement et ne mette pas en danger des personnes vulnérables qui l’étaient au printemps mais qui, sur la foi d'un décret providentiel, ne le sont plus en août. Après un passage à Lourdes ? Impossible, le site était fermé.

Le ministre de l’éducation nationale aura à répondre de ce décret de dernière minute et devra justifier ce revirement sanitaire (de l'ordre de  l'illumination). On peut déjà inciter le futur salarié contaminé, cardiaque ou atteint de fibrose pulmonaire sorti de la liste des « personnes vulnérables » en août, à constituer son futur dossier au civil. D’ici là, Covid 19, devenu fille pendant l’été (je ne retiens jamais l’explication) a de beaux jours devant elle/lui (du coup, je suis pour l’écriture inclusive).

Merci Blanquer que le devoir de réserve réinventé par ses soins protège de toute critique. Et bon courage à celles et ceux qui traîneront dans des pièces closes leurs poumons altérés, leurs cœurs affaiblis et leurs cancers non homologués devant trente élèves masqués artisanalement car quand même, on ne va pas procéder à des distributions gratuites! Un pourcentage de pertes autorisées, comme à l’armée.

On le sait depuis mars, la métaphore martiale est à la mode.

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