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Billet de blog 16 janvier 2025

Salle d’audience #3

Tous les jours, des hommes sont extraits du Centre de Rétention Administrative (CRA) de Cornebarrieu à l’ouest de Toulouse pour parcourir dans une camionnette blanche de la Police aux Frontières (PAF) la dizaine de kilomètres qui les séparent du tribunal de Toulouse.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

UN DIMANCHE AU TRIBUNAL

Tous les jours, des hommes sont extraits du Centre de Rétention Administrative (CRA) de Cornebarrieu à l’ouest de Toulouse pour parcourir dans une camionnette blanche de la Police aux Frontières (PAF) la dizaine de kilomètres qui les séparent du tribunal de Toulouse.

Ce dimanche, tandis que les Toulousaines et les Toulousains profitent de la douceur ambiante pour flâner autour des Carmes, je pénètre dans le tribunal judiciaire de Toulouse, en compagnie d’un membre de l’association « Le cercle des voisins de Cornebarrieu » afin d’y suivre une audience devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Celle-ci déterminera si la rétention au CRA de deux hommes va être prolongée ou s’ils vont être libérés.

Je ne suis jamais rentré dans un tribunal. Je sais seulement grâce au film « Éclairages » de Neus Viala que l’audience va prendre place dans la salle n°3, une petite pièce sans fenêtres, et pourvue de cinq rangées de bancs en bois. Ce documentaire recueille la parole de bénévoles d’associations présentes aux audiences des juges des libertés et de la détention (JLD) devant lesquels doivent comparaître les personnes immigrées privées de papiers, enfermées dans les CRA.

Nous attendons devant la salle, quand arrivent menottés, chacun accompagné d’un policier de la PAF, les deux retenus qui comparaissent aujourd’hui. La jeunesse de l’un d’eux m’émeut. J’apprendrai au cours de son audience qu’il n’a même pas vingt ans.

L’audience de ces deux personnes ne durera que 17 minutes. Le plus jeune, ne parlant pas français, est assisté d’un interprète. L’avocate commise d’office les a rencontrés chacun pour la première fois, dans les sas vitrés à l’entrée de la salle. Peu insonorisés, nous entendons tous leurs échanges.

Les deux retenus ont une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Leur parcours est semblable, tous deux sont mûs par le désir de rester en France. Le plus âgé menacera d’ailleurs de se suicider s’il est renvoyé en Algérie. La défense conteste la durée de la garde à vue et ses conditions. Le représentant de la préfecture demande un prolongement de la rétention le temps d’obtenir le laisser-passer consulaire qui permettra leur renvoi. La cour se retire pour délibérer.

Nous attendons un peu plus d’une heure dans la salle d’audience. Les deux hommes patientent, discutent un peu, demandent l’heure aux policiers toutes les dix minutes. Ils la leur donnent à chaque fois. L’un d’entre eux, raconte que sa vie est celle d’un « chien ».

La cour revient. La juge annonce que la détention des deux hommes est prolongée. Celle du plus âgé de 30 jours, celle du jeune homme, de 26 jours. A son tour, chacun s’approche de la juge, encadré par deux policiers, pour signer un document attestant de sa présence. À nouveau menottés, les mains dans le dos, ils quittent la salle n°3 du tribunal de Toulouse.

Tous les jours, des hommes sortent menottés du tribunal de Toulouse pour parcourir dans une camionnette blanche de la PAF, la dizaine de kilomètres qui les séparent du CRA de Cornebarrieu. Semaine, week-ends, jours fériés, Noël, jour de l’an, des juges, des greffiers, des policiers, des agents administratifs sont mobilisés pour statuer sur la situation de personnes qui ont fui un pays rêvant - parfois au péril de leur vie - d’un ailleurs plus heureux.

  Vous pourrez voir le documentaire « Éclairages » de Neus Viala Vendredi 17 janvier 2025 à 18h30 au Casino – Lavelanet (09) suivi d’un débat avec la réalisatrice et Fernand Odon du Cercle des Voisins

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