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Billet de blog 3 octobre 2011

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De la deuxième gauche à la société des égaux

Deuxième gauche et « société des égaux » : Monsieur ROSANVALLON du Collège de France vient d'écrire un livre : « La société des Egaux » où il déplore l'ampleur des inégalités dans nos sociétés, inégalités qui selon lui risquent de remettre en cause le système démocratique.

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Deuxième gauche et « société des égaux » : Monsieur ROSANVALLON du Collège de France vient d'écrire un livre : « La société des Egaux » où il déplore l'ampleur des inégalités dans nos sociétés, inégalités qui selon lui risquent de remettre en cause le système démocratique.

Ce constat est certes juste, mais ayant la mémoire longue, moi qui suis simplement syndicaliste, je me souviens encore de ma perplexité et de mon scandale lorsque j'ai découvert dans le Libération des années 84/85 un article du même Pierre ROSANVALLON critiquant très vivement l'Etat providence et s'en prenant particulièrement à la Sécurité Sociale.

A cette époque Pierre ROSANVALLON et d'autres de la même farine ont trouvé l'oreille complaisante des responsables de la CFDT.

Autour d'un courant de pensée, appelé la « deuxième gauche », les acquis des luttes ouvrières furent brutalement contestés, accusés de ringardise, de conservatisme corporatiste. La CFDT enfourcha ce dada ce qui eut des conséquences néfastes sur ses orientations.

Après la CFDT remuante de Mai 68, de la lutte des LIP, des grèves des années 70, après les militants des années 70 luttant pour des acquis collectifs, pour la justice sociale, on vit soudain une CFDT qui « levait les tabous » des revendications élaborées avant et après la grève de 1968 et était prête à se contenter des miettes concédées par l'adversaire.

*Au rencart les augmentations de salaire en points uniformes,

*Au rencart la réduction du temps de travail sans perte de salaire,

*Au rencart le refus du démantèlement des services publics.

On vit une CFDT qui se mit à négocier sans en appeler à l'action collective des travailleurs, on vit une CFDT appelant à un syndicalisme de « dossiers », une CFDT qui aspirait à devenir un partenaire sérieux, loin de sa base trop dérangeante.

On vit les dirigeants de la CFDT écouter les sirènes des intellectuels qui se prétendaient « modernes » plutôt que la voix des adhérents de base, laisser tomber les revendications ouvrières les plus fondamentales.

On vit une CFDT sans la moindre revendication salariale, laissant le champ libre à l'individualisation et pourquoi pas au salaire « au mérite » ?

On ne vit plus la CFDT dans les luttes sociales, débarrassée de « ses moutons noirs » elle était devenue un partenaire privilégié pour signer des accords à minima avec les gouvernements et le patronat, accords qui ont contribué à entériner la précarité et les reculs sociaux.

De compromis en compromis, sans perspectives de luttes pour établir un rapport de force capable d'obtenir des succès revendicatifs, la CFDT dument « recentrée » a contribué à laisser s'installer les graves inégalités que Monsieur ROSANVALLON déplore aujourd'hui dans son livre.

En remisant au rayon des antiquités les revendications syndicales, l'action collective, la grève, comment s'étonner que les forces de l'argent aient occupé le terrain ? comment s'étonner aujourd'hui du creusement indécent des inégalités? Cet étonnement relève soit une grande naïveté, soit d'un refus de dire simplement « on s'est trompés ».

Le mouvement ouvrier depuis qu'il existe, n'a cessé par les luttes quelquefois très dures, d'arracher un juste salaire, des conditions de travail décentes, des protections sociales collectives. C'est cette lutte qui a contribué à créer de l'égalité, au moins d'en finir avec les inégalités les plus criantes.

Monsieur ROSANVALLON et la deuxième gauche ont une part de responsabilité dans le creusement insensé des inégalités actuelles, parce qu'ils ont désarmé, à un moment crucial, une des composantes du mouvement ouvrier la plus active et la plus déterminée.

Jacques JULLIARD lui aussi de la deuxième gauche reconnaît : « Pendant qu'on cherchait une autre voie, on nous faisait les poches ».

Eh oui ! les militants dans les entreprises s'en sont aperçus depuis un bout de temps. La CFDT inspirée par la 2 ième gauche expliquait doctement qu'il fallait apprendre à se contenter des « petits boulots », que la réduction du temps de travail avec perte de salaire, il fallait s'y faire et que privatiser les services publics, ce n'était pas si grave.

Ceux qui ne suivaient pas ce discours étaient traités de dangereux « gauchistes » dont il convenait de se débarrasser au plus vite.

Quand la Sécurité Sociale, le Code du travail, le SMIC, servent de garanties minimales aux salariés, servent de régulateurs aux « fameuses lois du marché », il faut y regarder à deux fois avant de les démolir comme l'a fait à une époque Pierre ROSENVALLON entrainant dans son sillage une centrale syndicale.

Pour construire la « société des égaux » dont il rêve espérons que Monsieur ROSANVALLON va s'empresser de réhabiliter ces institutions qu'il a traitées par le mépris : la Sécurité Sociale, le droit du travail, le syndicalisme de lutte.

Je suis en colère contre Pierre ROSANVALLON parce qu'il a participé à détourner un outil syndical de son rôle et a rendu l'action militante beaucoup plus difficile.

Qu'est-ce qu'un syndicat qui se prononce pour « les petits boulots », c'est à dire pour la précarité?

Qu'est ce qu'un syndicat qui est prêt à accepter des pertes de salaire avec la réduction du temps de travail?

Qu'est-ce qu'un syndicat qui accepte une réforme des retraites contre l'avis de ses propres adhérents et des salariés qu'il représente?

La deuxième gauche a failli, aujourd'hui que propose t'elle pour reconstruire sur ses ruines un peu d'égalité? Monsieur ROSANVALLON et ses amis s'ils ont encore une influence seraient bien inspirés de la mettre au service des luttes sociales et des actions collectives qui arrivent malgré tout à s'exprimer encore dans cette société.

Gisèle Moulié Vincennes

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