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Billet de blog 17 octobre 2011

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Terra nova

Rapport de Terra Nova et nouvelles coalitionsL'introduction de la thèse de Terra Nova se fait autour des affirmations suivantes : « La population ouvrière se contracte à partir de la fin de 1970 et la coalition historique de la gauche centrée sur la classe ouvrière est en déclin ».La France de demain, plus jeune, plus diverse, plus féminisée serait destinée à être le nouvel electorat « naturel » de la gauche.

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Rapport de Terra Nova et nouvelles coalitions

L'introduction de la thèse de Terra Nova se fait autour des affirmations suivantes : « La population ouvrière se contracte à partir de la fin de 1970 et la coalition historique de la gauche centrée sur la classe ouvrière est en déclin ».

La France de demain, plus jeune, plus diverse, plus féminisée serait destinée à être le nouvel electorat « naturel » de la gauche.

Le mélange des considérations sociologiques et politiques de nature différente amènent à des conclusions qui sous l'aspect d'évidences statistiques sont politiquement orientées.

Ayant en tant que femme salariée dans la période en cause j'ai été témoin actif des processus en question et je ne partage pas les analyses et surtout les conclusions de terra Nova comme quoi la classe ouvrière n'existerait plus et que se dessinerait une nouvelle coalition que la gauche devrait s'employer à capter.

Un fait significatif, le rapport saute à pieds joints du Front Populaire de 1936 à 1981 l'élection de François Mitterand. L'impasse est faite sur la grève de Mai 68, grève enterrée par les médias, alors que le nombre de grévistes était plus élevé qu'en 1936 et dont plein de monde s'est employé à relativiser l'importance.

Après le traumatisme de cette grève, les « décideurs » ont cherché à remèdier à cette chose épouvantable qui avait eu lieu : des gueux qui les empêchent de faire leurs affaires!

*Dès la fin des années 70 ils se sont donc attaqués aux concentrations ouvrières de 10.000 à 30.000 salariés sur le même lieu. Donc il fallait démembrer les usines d'automobile (Renault Billancourt, Citröen, Berliet), les centres de tri postaux , les usines de textile dans le Nord et bien d'autres. Il y a eu d'abord l'éparpillement en banlieue , ensuite les sous-traitances avec des salariés précarisés, et enfin les petites entités.

La dispersion des « bastions »ouvriers, n'a pas signé pour autant la fin de la classe ouvrière, les salariés ne se sont pas volatilisés et même si certains étaient plus proches du secteur tertiaire, (les postiers) leurs conditions réelles étaient et sont celles de la classe ouvrière.

Cette opération de démantèlement des lieux de « conflictualité » selon « les éléments de langage » des managers est aujourd'hui achevée. La classe ouvrière n'a pas disparu , elle n'est pas sociologiquement en déclin, elle est seulement moins visible. Ce phénomène est le résultat de la volonté politique de la classe dominante et non le fruit d'une évolution sociologique.

*Un autre aspect qu'analyse Terra Nova c'est le rapport des ouvriers au vote de gauche.

Là aussi ayant vécu de l'intérieur cette période, je peux dire qu'elle n'a rien de sociologique mais qu'elle est directement politique et plus difficile à surmonter que l'éclatement géographique.

Dès la grève de 68 et dans les années qui ont suivi, malgré l'amorce du déclin du PCF, jusqu'en 1978 il a gardé l'hégémonie sur la classe ouvrière, alors que l'influence du PS y était relativement

Aujourd'hui tout cela est remis en cause, on ne remplace pas si vite une force politique de référence profondément implantée. La crainte que l'on peut avoir c'est que les ouvriers orphelins du PCF se tournent vers le Front national au niveau électoral.

Le plus inquiétant serait que le FN fasse une percée dans les syndicats, mais à mon avis (autorisé) c'est trop dur, ils n'y arriveront pas.

Sur la nouvelle coalition qui émergerait, il n'y a pas de génération spontanée et l'analyse de Terra Nova manifeste d'une connaissance toute théorique des réalités du monde du travail et de son évolution.

*Quand Terra Nova évoque les jeunes et la « diversité », c'est un euphémisme pour ne pas dire qu'il s'agit des enfants des immigrés qui travaillaient dans les années 60 dans les usines d'automobile.

La « diversité » qui occupe les emplois du bâtiment, du nettoyage et de la restauration sont les immigrés sans papiers qui relèvent de la condition de salarié du monde ouvrier.

L'ascenceur social étant bloqué au rez de chaussée les jeunes de la diversité ou pas auraient pu avoir un emploi non-ouvrier après le bac se retrouvent aujourd'hui, non à l'usine comme leurs parents mais dans les boulots précaires du commerce ou de l'industrie.

*Quand Terra Nova parle d'une coalition plus féminisée je rigole carrément, ayant passé 40 ans à bosser dans une boîte, où travaillaient 13.000 femmes, je suis bien placée pour savoir que la féminisation ne date pas d'aujourd'hui. Dans les usines textiles du Nord, il y avait 90% des femmes, et ce n'est pas parce que personne n'en parlait que ça n'existait pas.

Dans ces années, les organisations syndicales conjugaient les luttes sociales et le syndicalisme uniquement au masculin, mais ça n'empêchaient pas les femmes d'être présentes, d'avoir leurs revendications qui n'étaient pas tout à fait celles de hommes, et de constituer aussi la classe ouvrière.

Si aujourd'hui les femmes salariées émergent c'est parce que il y a eu le féminisme qui a posé la question de l'emploi des femmes, de leur place dans le monde du travail et qui pose aujourd'hui la question de l'égalité salariale hommes/femmes

Le livre de Madeleine GUILBERT : « les femmes et le syndicalisme avant la guerre de 1914/1918 » montre bien à quel point les femmes font partie intégrante de la classe ouvrière depuis fort longtemps.

Le syndicalisme français a une tradition « universaliste » qui fait que la figure dominante est l'homme, blanc, ouvrier, qui implique que les immigrés, les colonisés, les femmes ont été « assimilés », cette « invisibilité » ne doit pas être théorisée en tant que nouveauté modifiant radicalement les données sociologiques et politiques.

Les jeunes ne sont pas une catégorie en soi, c'est un moment transitoire entre le système scolaire et le monde du travail qui ne peu constituer la base d'une « coalition » destinée à durer.

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