Lettre à mon député.
Objet : Loi sur la fin de vie – appel à ne pas oublier celles et ceux qui veulent vivre malgré la maladie et le handicap
Je vous écris au nom de nombreuses personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap.
Je vis avec une maladie chronique qui engendre des limitations et des complications multiples, et une surdité acquise, rendue handicapante par une société peu inclusive.
Nous sommes nombreux à vivre avec des pathologies rares, des handicaps invisibles, des douleurs chroniques, des limitations fonctionnelles, à tout âge de la vie. Trop souvent, nous nous sentons abandonnés : peu soignés, peu écoutés, peu soutenus. À cela s’ajoute souvent une précarité grandissante, parce que la maladie ou le handicap excluent du travail, isolent, épuisent les ressources, et parce que les aides existantes sont trop faibles ou trop conditionnées.
Dans ce contexte, l’examen à venir du projet de loi sur la fin de vie, prévu à partir du 12 mai, nous inquiète profondément. Non pas parce que nous serions opposés par principe à une aide à mourir; chacun son parcours, chacun sa douleur. Mais parce qu’on nous laisse déjà mourir à petit feu dans l’indifférence. Parce qu’on nous dit parfois, entre les lignes ou en face, que notre vie ne vaut plus grand-chose. Parce que le système de santé démissionne face à nos cas dits « trop compliqués ». Parce que la société continue de considérer que vivre avec des limitations, de façon prolongée ou sans perspective de « guérison », ce serait forcément vivre « moins bien », voire vivre « trop ».
Ce n’est pas seulement la maladie qui épuise ou qui tue. C’est aussi la manière dont notre société choisit d’y répondre. Lorsqu’on nous classe comme « incurables », « trop coûteux », « ingérables », ce ne sont pas des constats médicaux neutres : ce sont des choix politiques. Des choix qui engagent des vies, ou qui les condamnent à l’invisibilité.
Cela concerne toutes les personnes jugées « inguérissables » ou « trop coûteuses » : les malades chroniques, les personnes handicapées, les jeunes comme les moins jeunes. Cela concerne celles et ceux qui ne rentrent pas dans les normes du soin rapide et rentable.
Nous demandons à vivre. À être pris en charge. À ce que notre douleur, notre fatigue, notre isolement, notre précarité médicale et financière soient entendus, étudiés, et non balayés par une logique de soulagement social à travers la mort. Dans d’autres pays, l’aide à mourir a parfois été proposée faute de moyens, là où l’aide à vivre aurait dû être la priorité. Nous ne voulons pas suivre ce chemin là.
La question n’est pas seulement celle du droit à mourir dans la dignité, mais aussi celle de vivre avec dignité, même quand on n’a pas de guérison en vue.
Je vous appelle, en tant que député de la République, à porter cette voix dans les débats. À défendre un véritable accès aux soins, y compris pour les cas complexes. À ne pas légiférer dans un pays où la médecine de la douleur est souvent inaccessible, où les soins palliatifs sont en rupture, où la médecine spécialisée s’effondre, et où tant de vies sont aujourd’hui ignorées, négligées, ou considérées comme perdues d’avance.
Je vous remercie de m’avoir lue. Et j’espère sincèrement que vous saurez entendre celles et ceux qui veulent encore vivre.
J’ai choisi d’écrire cette lettre à la main, même si cela me coûte en énergie. Parce que mes mots parlent d’une réalité vécue, pas d’un débat abstrait. Et parce que je veux qu’on sache que ma vie, comme celle de tant d’autres, mérite d’être regardée autrement que par le prisme du renoncement.
Cestassezcible