Nous vivons dans un monde d'images. Reflex numériques, smartphones, Instagram… Il est facile de s'improviser photographe. Comment ceux qui en font leur métier, avec passion et talent, ceux qui prennent le temps de trouver le point de vue, la lumière et l'instant vivent-ils de leur art ?
Jacob Chétrit expose, à l'espace Paul Boyé, "Demain ça ira mieux", série sur une famille rom de Toulouse. Ancien acteur de théâtre au régime de l'intermittence, il est photographe à plein temps depuis un an. Il a répondu à nos questions.
Ecole Supérieure de Journalisme :
Comment vivez-vous de votre travail de photographe ?
Jacob Chétrit :
Je sais pas si je peux dire que j'arrive à en vivre, déjà. Pour le moment je ne vis pas de la photographie documentaire, je vis de commandes institutionnelles, je travaille pour des entreprises. C'est ça qui me fait vivoter... Des fois, ça peut être intéressant quand on nous demande autre chose que le truc très classique, très froid. Des fois, ça l'est un peu moins, mais on ne peut pas non plus cracher dans la soupe. C'est ce qui peut permettre, derrière, de s'impliquer sur du long terme dans d'autres projets.
Ces projets documentaires, arrivez-vous à les vendre ?
Pour l'instant, je ne sais pas vraiment comment ça se passe. Si j'ai fait ce boulot-là, c'est pour qu'on parle de ces gens-là (la famille rom, ndlr) mais je ne sais pas encore par quel moyen. Un livre, c'est pas du tout réaliste, en tant que photographe. Il faut attendre d'avoir quelque chose de plus costaud encore. Un livre, ce serait une erreur d'essayer de faire ça. Je cherche plutôt à être diffusé, exposé. C'est compliqué aujourd'hui, surtout en tant qu'autodidacte. Ce n'est pas évident de trouver les armes et les appuis pour faire parler de son travail... C'est un métier où il faut être patient, même si tout se passe dans l'urgence, il faut être patient.
Que vous apportent les festivals de photographie comme ImageSingulières ?
C'est vachement important, justement, pour moi jeune photographe, d'avoir cette mise en avant du festival, alors que je ne suis personne dans le monde de la photographie.
Que vous rapporte le travail que vous exposez ici ?
Je n'ai pas essayé de vendre des tirages. Pour l'instant, je n'en ai retiré aucun bénéfice financier mais plutôt de la reconnaissance de certaines personnes du milieu de la photographie. Cela permettra d'avancer et d'obtenir, peut-être, des financements pour d'autres projets. Un des avantages de ce festival, c'est que les gens sont très faciles d'accès, très sympathiques, ils expliquent beaucoup et j'apprends pas mal de choses.
Vous êtes jeune, comment envisagez-vous l'avenir ?
On parle beaucoup de la mort lente et douloureuse du photojournalisme. Pour ma part, je pense que pour nous, jeunes photographes, il va se passer plein de choses avec internet et pas que du négatif, notamment grâce aux nouveaux supports, aux nouvelles façons de raconter des histoires, aux nouvelles manières de les diffuser. Mais, c'est sûr que l'avenir est beaucoup plus incertain qu'il y a 30 ans. C'est pas grave, il faut s'accrocher, il faut trouver un modèle viable pour que les photographes soient payés. Il faut aussi que l’on retrouve la valeur d'une photo. Une photo, ça a une valeur, il y a le travail du photographe, l'implication, et des fois le facteur risque. On l'a vu récemment avec la triste actualité de Camille Lepage et un photographe italien est mort en Ukraine.
Jérémie FAU