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Billet de blog 22 mars 2023

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Réforme des retraites: Dans le tertiaire, la lutte schizophrène...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous sommes la veille du 23 mars 2023. Il fait doux à Lyon.

Sec, surtout. La sécheresse qui devrait être l’objet de presque toutes nos inquiétudes n’est en fait qu’une variable d’ajustement aux infos. Toutes les batailles concernent une réforme des retraites, largement rejetée par l’opinion publique. L’écologie attendra…

Ne nous méprenons pas. Si la sécheresse est reléguée en arrière-plan dans notre quotidien, ce n’est pas de notre faute. Nous luttons d’abord pour gagner un combat, dans une lutte à mort, entre nous et le pouvoir. Il s’agit là, en fait, d’un choix stratégique et inconscient des masses. La retraite sera défendue en tant qu’héritage précieux d’une France de la Sécurité sociale. Celle-là même qui serait un merveilleux socle pour affronter les défis, notamment pour la planète.

Pour être honnête, je ne suis pas le cœur de cible de cette réforme. Je partirai de toute façon plus tard, car j’ai fait des études. Mais ma compagne ? Celle que je vois rentrer tous les soirs à 18h30 pour gagner 1350 euros nets mérite-t-elle cela ? Mon fils ? mérite-t-il un tel avenir si tant est que nous puissions parler d’avenir ? Mes parents partis usés à la retraite avant 64 ans sont deux exemples de ce qu’est la retraite, déjà, aujourd’hui : la misère.

Cette réforme, maintenant tout le monde le sait, n’est ni nécessaire, ni justifiée. Je n’y reviendrais pas.

Donc j’ai pris le maquis. J’ai fait toutes les grèves. A Lyon, qui n’est pas la ville la plus militante, c’est dur. Les cortèges sont moins gonflés sauf lors de journées importantes. Mais je sens une lame de fond suffisamment puissante pour toujours trouver le moyen d’y retourner. Alors je bats le pavé infatigablement depuis cette annonce d’une réforme aussi inutile.

Avec mes collègues du syndicat, nous organisons même des actions de tractage, des communications au sein de l’entreprise. Je me focalise là-dessus. Les retours de nos collègues sont unanimes : « vous avez raison, cette réforme doit mourir pour que nous vivions ». Des cadres de la DRH se déplacent même pour nous féliciter.

Mais que reste-t-il, de nos belles propositions à la grève, lorsqu’enfin arrive le jour de sortir.  Trois copains du syndicat et trois autres collègues… sur 500.

Ce n’est pas quelque chose qui me choque, car dans le tertiaire nous avons traditionnellement beaucoup de mal à faire bouger les gens. Ce que cela traduit, il faut le dire, c’est que la grève n’a plus la même résonnance. Elle devient surtout l’outil de ceux qui peuvent bloquer l’économie. Pour les autres, comme nous, avec des salaires moindres, il est plus dur de mobiliser.

Alors d’autres formes de luttes apparaissent. Des manifs sauvages, des actions coup de poing. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que tous les salariés de mon entreprise (à quelques collègues prêts),  sont contre la réforme.

Mais s’ils se tiennent informés régulièrement, sont sur les réseaux sociaux, crachent leur dégout du gouvernement, ils ne sont pas un point d’appui dans la lutte.

L’ambiance alors, dans cette entreprise, devient assez étrange. Tout le monde semble travailler normalement. Tout ressemble à s’y méprendre au quotidien sans réforme imminente des retraites… Tandis que la contestation grandit, des employés se lâchent à de rares occasions. Devant le parvis de la boîte nous voyons cette enthousiasmante CGT qui hurle sa colère. Il se passe quelque chose en France.

Et nous ? Pour l’instant nous sommes comme schizophrènes. Laissant la grève à la porte de l’entreprise, alors que le pays est en ébullition. Les gens sourient, ont plaisir à discuter et travailler. Comme s’ils cachaient leurs peurs, leur souffrance. Tout le monde sait qu’en ne faisant rien nous allons mourir au travail pour payer les yachts de milliardaires égoïstes . Mais cela reste une colère froide. Cachée. Soumise. Jusqu’à quand refuserons-nous de porter le combat au cœur de nos locaux ? Jusqu’à quand les peurs intestines d’un salariat mou du tertiaire inhiberont-t-elles les corps?

Ce que cela dit de l’état de nos sociétés est alarmant. Pas tant dans le fait qu’il n’y ait personne dans la rue. Nous sommes des millions.

Mais dans le fait que les classes moyennes et pauvres se mettent à combattre le grand capital avec les armes qu’il leur laisse : La manifestation sans grève et encadrée.

A l’inverse, ces mobilisations rappellent tout de même que pour agir, il faut s’investir. Elles rappellent les syndicats aux salariés. Nous sentons collectivement que la colère monte. Puisse-t-elle trouver des débouchés salvateurs plus directement que dans 4 ans aux prochaines présidentielles…

Nous sommes la veille du 23 mars 2023. Macron va parler pour ne rien dire aux retraités, à 13h. Il se cachera après avoir parlé pour laisser les rues s’embraser, ce soir... Jusqu’à quand ?

CEZAR

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